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25/08/2020 | FRANCE | N°18LY03717

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 25 août 2020, 18LY03717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'État à lui verser un rappel de rémunérations suite à l'arrêté du 29 octobre 2014 ayant reconstitué sa carrière.

Par jugement n° 1607401 du 6 août 2018, le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, condamné l'État à payer à M. A... les rappels de rémunérations correspondant à la différence entre les sommes qu'il a effectivement perçues et celles qu'il aurait dû percevoir en application de l'arrêté du 29

octobre 2014 ayant reconstitué sa carrière pour la période comprise entre le 1er mai 2004 et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner l'État à lui verser un rappel de rémunérations suite à l'arrêté du 29 octobre 2014 ayant reconstitué sa carrière.

Par jugement n° 1607401 du 6 août 2018, le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, condamné l'État à payer à M. A... les rappels de rémunérations correspondant à la différence entre les sommes qu'il a effectivement perçues et celles qu'il aurait dû percevoir en application de l'arrêté du 29 octobre 2014 ayant reconstitué sa carrière pour la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2008 et, d'autre part, constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... en tant qu'elles portaient sur la période postérieure au 31 décembre 2008.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 8 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement n° 1607401 du 6 août 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A... devant le tribunal tendant à la condamnation de l'État à lui verser un rappel de rémunérations pour la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2008.

Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont fait application de la règle selon laquelle le délai de prescription de la créance dont se prévaut un agent du fait du retard mis par l'administration à le placer dans une situation statutaire régulière court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle est intervenu l'acte ayant régularisé sa situation, pour juger qu'en l'espèce les rappels de rémunération que M. A... réclamait ne trouvaient pas leur origine dans le service qu'il avait accompli durant la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2008, mais dans la reconnaissance que l'administration avait faite, le 29 octobre 2014, de ses droits au titre de l'avantage spécifique d'ancienneté durant cette période, et en déduire que c'était à tort que le ministre opposait pour les sommes en cause la prescription quadriennale, alors que le fait générateur de la créance de M. A... correspondait au service fait qui ouvrait droit aux traitement et indemnités, la prescription quadriennale étant alors acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés, et que cet agent ayant sollicité le bénéfice de cet avantage le 24 juin 2013, cette demande a interrompu la prescription quadriennale pour les seules créances nées à compter du 1er janvier 2009, et le motif tiré de l'ignorance de la créance ne pouvant être retenu.

Par ordonnance du 30 avril 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 juin 2019.

La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 ;

- le décret n° 95-313 du 21 mars 1995 ;

- le décret n° 96-1156 du 26 décembre 1996 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., agent des finances publiques qui avait été affecté, du 1er janvier 2002 au 23 janvier 2013, à la trésorerie de Valence OPHLM située en zone urbaine sensible a, suite à une demande du 24 juin 2013, bénéficié d'une reconstitution de sa carrière, incluant le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté (ASA) prévu par l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 susvisée, au titre de cette affectation, pour la période du 1er mai 2004 au 1er octobre 2014, par un arrêté du directeur général des finances publiques du 29 octobre 2014. Par une lettre du 12 mai 2016, M. A... a sollicité le versement des rappels de rémunération découlant de cette reconstitution de sa carrière puis il a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser les sommes correspondantes. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a, par son article 2, condamné l'État à payer à M. A... les rappels de rémunérations correspondant à la différence entre les sommes qu'il a effectivement perçues et celles qu'il aurait dû percevoir en application de l'arrêté du 29 octobre 2014 ayant reconstitué sa carrière pour la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2008.

2. D'une part, aux termes de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 susvisée portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, modifié par l'article 17 de la loi du 25 juillet 1994 : " Les fonctionnaires de l'État (...) affectés pendant une durée fixée par décret en Conseil d'État dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, ont droit, pour le calcul de l'ancienneté requise au titre de l'avancement d'échelon, à un avantage spécifique d'ancienneté dans des conditions fixées par ce même décret ". Aux termes de l'article 2 du décret du 21 mars 1995 susvisé relatif au droit de mutation prioritaire et au droit à l'avantage spécifique d'ancienneté accordés à certains agents de l'État affectés dans les quartiers urbains particulièrement difficiles " Lorsqu'ils justifient de trois ans au moins de services continus accomplis dans un (même) quartier urbain désigné en application de l'article 1er ci-dessus, les fonctionnaires de l'État ont droit, pour l'avancement, à une bonification d'ancienneté d'un mois pour chacune de ces trois années et à une bonification d'ancienneté de deux mois par année de service continu accomplie au-delà de la troisième année. / Les années de services ouvrant droit à l'avantage mentionné à l'alinéa précédent sont prises en compte à partir du 1er janvier 1995 (...) ".

3. D'autre part, aux termes de la loi susvisée du 31 décembre 1968 : " Sont prescrites, au profit de l'État, (...) sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même (...) soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) ".

4. En premier lieu, lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve en principe dans les services accomplis par l'intéressé, le délai de prescription de la créance relative à ces services court, sous réserve des cas prévus à l'article 3 précité de la loi du 31 décembre 1968, à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle ils auraient dû être rémunérés et la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés. En l'espèce, le fait générateur de la créance dont se prévaut M. A... est constitué par le service qu'il a effectué à la trésorerie de Valence OPHLM. Les droits sur lesquels cette créance est fondée ont été acquis à compter de l'année 2004.

5. En deuxième lieu, dès lors qu'avaient été publiés au Journal officiel de la République française l'ensemble des textes législatifs et règlementaires permettant à M. A... de bénéficier de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de son affectation à la trésorerie de Valence OPHLM et, en particulier le décret du 26 décembre 1996 susvisé fixant la liste des zones urbaines sensibles, il lui appartenait, s'il s'y croyait fondé, de solliciter le bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté au titre de services accomplis antérieurement à l'arrêté du 29 octobre 2014 par lequel le directeur général des finances publiques a reconstitué sa carrière, en se prévalant de son affectation dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 11 de la loi du 26 juillet 1991 modifiée. Dès lors, M. A... ne saurait utilement prétendre avoir ignoré l'existence de sa créance jusqu'à cet arrêté du 29 octobre 2014. Dans ces conditions, à la date de sa demande du 24 juin 2013 tendant au bénéfice de l'avantage spécifique d'ancienneté, les créances relatives à l'avantage spécifique d'ancienneté antérieures au 31 décembre 2008 étaient prescrites. Dès lors, c'est à tort que, pour condamner l'État à payer à M. A... les rappels de rémunérations correspondant à la différence entre les sommes qu'il a effectivement perçues et celles qu'il aurait dû percevoir en application de l'arrêté du 29 octobre 2014 ayant reconstitué sa carrière pour la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2008, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce que c'était à tort que le ministre opposait pour les sommes en cause la prescription quadriennale, qui ne commençait à courir qu'au 1er janvier de l'année 2015.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a condamné l'État à payer à M. A... les rappels de rémunérations correspondant à la différence entre les sommes qu'il a effectivement perçues et celles qu'il aurait dû percevoir en application de l'arrêté du 29 octobre 2014 ayant reconstitué sa carrière pour la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2008.

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1607401 du 6 août 2018 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A... tendant à la condamnation de l'État à lui payer les rappels de rémunérations correspondant à la différence entre les sommes qu'il a effectivement perçues et celles qu'il aurait dû percevoir en application de l'arrêté du 29 octobre 2014 ayant reconstitué sa carrière pour la période comprise entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2008 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 août 2020.

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N° 18LY03717


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-08 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 25/08/2020
Date de l'import : 05/09/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18LY03717
Numéro NOR : CETATEXT000042283130 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;18ly03717 ?
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