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06/08/2020 | FRANCE | N°19LY02645

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 06 août 2020, 19LY02645


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

I - M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902251 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

II - M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 23 mai 2019 par lequel

le préfet de l'Isère a décidé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq j...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures

I - M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902251 du 18 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

II - M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 23 mai 2019 par lequel le préfet de l'Isère a décidé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1903956 du 21 juin 2019, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédures devant la cour

I - Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 juillet 2019, le 7 février 2020 et le 14 avril 2020, sous le n° 19LY02647, M. A..., représenté par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 mars 2019 du préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

M. A... soutient que :

- le préfet ne justifie pas avoir recueilli l'avis du collège médical et que celui-ci a valablement délibéré, sur la base d'un rapport établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui n'a pas pris part à cet avis, avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade ; cet avis est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. A... a produit un nouveau mémoire le 16 juin 2020, postérieurement à la clôture d'instruction intervenue le 29 mai 2020, qui, en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, n'a pas été communiqué.

Par décision du 24 juillet 2019, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

II - Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 juillet 2019, le 7 février 2020 et le 14 avril 2020, sous le n° 19LY02645, M. A..., représenté par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble du 21 juin 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2019 du préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

M. A... soutient que :

- la magistrate désignée du tribunal administratif a manqué à son office en se bornant, pour écarter le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 8 mars 2019, à adopter à l'identique les motifs du précédent jugement rendu par la formation collégiale ;

- il est fondé à soulever l'exception d'illégalité de l'arrêté du 8 mars 2019 qui a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute de production de l'avis médical rendu par l'OFII, faute de motivation de cet avis, et qui méconnaît les dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant ;

- l'arrêté l'assignant à résidence est entaché d'erreur d'appréciation dans la mesure où il s'occupe de ses enfants et ne peut se rendre deux fois par semaine à la gendarmerie.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.

M. A... a produit un nouveau mémoire le 16 juin 2020, postérieurement à la clôture d'instruction intervenue le 29 mai 2020, qui, en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, n'a pas été communiqué.

Par décision du 24 juillet 2019, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme G..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian, né le 30 juillet 1982, est entré en France le 20 mai 2014 d'après ses déclarations. Il a déposé une demande d'asile le 4 juillet 2014 qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 mars 2015 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 28 octobre 2015. Il a fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français le 10 mars 2016 qu'il n'a pas exécutée. Il a présenté le 7 mars 2017 une demande de titre de séjour en se prévalant de sa situation familiale et de son état de santé. Par un jugement du 18 juin 2019 le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 mars 2019 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 21 juin 2019, la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mai 2019 par lequel le préfet de l'Isère a décidé son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

2. Les requêtes nos°19LY02645 et 19LY02647 susvisées présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un unique arrêt.

Sur la régularité du jugement du 21 juin 2019 :

3. Il ressort du jugement attaqué que la magistrate désignée du tribunal administratif de Grenoble a exposé les motifs pour lesquels elle a écarté le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'arrêté du 8 mars 2019. Si elle a repris pour partie la même motivation que celle adoptée par le tribunal dans son jugement du 18 juin 2019 pour rejeter la requête de M. A... à l'encontre de l'arrêté du 9 mars 2019, cette circonstance ne démontre pas qu'elle aurait ainsi manqué à son office. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait, pour ce motif irrégulier, doit être écarté.

Sur la légalité des arrêtés du préfet de l'Isère :

En ce qui concerne l'arrêté du 8 mars 2019 :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". L'article R. 313-23 du même code précise que : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précise que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...). ".

5. Il ressort des pièces produites par le préfet de l'Isère que, d'une part, l'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) dont le recueil préalable à toute décision fondée sur le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est rendu obligatoire par cette même disposition, a bien été rendu, sur la base d'un rapport médical rédigé par un médecin n'ayant pas pris part à la délibération et que, d'autre part, ce collège était régulièrement composé de trois médecins. Si M. A... fait valoir que la motivation de cet avis est stéréotypée et insuffisante, toutefois il a été établi conformément au modèle prévu à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016. Ainsi, le moyen tiré des vices de procédure entachant cette décision n'est pas fondé.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, appelé à se prononcer en novembre 2018 sur la situation de M. A..., demandeur d'un titre de séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a estimé que si son état de santé nécessitait une prise en charge dont l'absence entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié au Nigéria et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque pour s'y rendre. Si M. A..., qui est atteint d'une hépatite B chronique active, laquelle nécessite un suivi régulier compte tenu du risque évolutif vers une potentielle cirrhose ou vers un cancer, ainsi que d'une rhinite allergique et d'un asthme saisonnier, fait valoir qu'il ne peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Nigéria, ni les données générales sur lesquelles il se fonde pour affirmer que le système de soins est insuffisant et couteux au Nigéria, ni les certificats médicaux qu'il a produits qui se bornent à relever que le suivi dont il a besoin ne pourrait lui être assuré au Nigéria, sans exposer les raisons pour lesquelles l'avis émis dans ces certificats diverge de celui rendu collégialement par les médecins de l'OFII, ne démontrent qu'il ne pourrait avoir effectivement accès au suivi médical dont il a besoin au Nigéria. Par suite, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A... est le père de trois enfants, dont deux sont nés en Italie en 2006 et 2008, le troisième étant né en France en 2015. La mère de ses trois enfants, compatriote née en 1978, qui est titulaire d'une carte de résident de dix ans valable jusqu'en 2027, est également la mère d'un enfant français né en mars 2012. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... et sa compagne, qui ont été séparés pendant plusieurs années, ne vivaient ensemble, à la date de la décision litigieuse, que depuis quelques mois, celui-ci étant encore domicilié chez un tiers en février 2018. Ainsi, à la date à laquelle le préfet a pris l'arrêté litigieux, la relation entretenue entre le requérant et sa compagne ne présentait pas un caractère ancien, stable et durable. La circonstance que l'enfant de son épouse a un père de nationalité française ne s'oppose pas à ce que cet enfant accompagne sa mère et le requérant, qui ont la même nationalité, dans un pays où ils seraient légalement admissibles, dès lors qu'il n'est pas établi que son père participerait à son entretien et à son éducation. Si M. A... produit des attestations faisant apparaître que, depuis 2015, il s'investit dans l'éducation de ses enfants et que sa présence auprès de ces derniers a eu un effet bénéfique sur eux, il n'allègue pas qu'il existerait un obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue au Nigeria, pays dont sa compagne et lui-même ont la nationalité et où il n'est pas allégué que les enfants ne pourraient poursuivre leur scolarité. Si la compagne de M. A... a travaillé d'août à février 2019, il s'agissait de travail à temps partiel ne lui permettant pas de subvenir aux besoins de sa famille et elle ne bénéficie d'un contrat à durée indéterminée que depuis avril 2019, soit postérieurement à l'arrêté en litige. M. A..., quant à lui, s'il suit des cours de français, ne justifie d'aucune insertion particulière en France. Il n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où résident ses parents. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le suivi médical dont M. A... a besoin ne pourrait être réalisé au Nigéria. Dans ces conditions, compte tenu de la reprise récente de la vie commune avec sa compagne et ses enfants, et de la possibilité pour la cellule familiale de se reconstituer ailleurs qu'en France, l'arrêté contesté n'a pas porté, à la date à laquelle il a été adopté, au droit de M. A..., qui a déjà fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutée, au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Le préfet de l'Isère n'a, ainsi, en prenant l'arrêté litigieux, méconnu ni les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. Ainsi qu'il a été dit précédemment, aucune circonstance ressortant des pièces du dossier ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue au Nigéria dont sont originaires M. A... et sa compagne et où les enfants pourront poursuivre leur scolarité. Si M. A... a produit une attestation du club de football de sa fille Trinity selon laquelle elle a fait plusieurs séances d'entrainement au club de l'Olympique lyonnais qui se sont avérées concluantes et que la jeune fille a été invitée à participer de nouveau à de telles séances, la circonstance qu'elle aurait plus de chance de pouvoir vivre et s'épanouir dans son sport favori en France qu'au Nigeria ne suffit pas à caractériser une atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne l'arrêté du 23 mai 2019 :

11. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, M. A... n'est pas fondé à soulever l'exception d'illégalité de l'arrêté du 8 mars 2019 aux motifs que celui-ci aurait été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, faute de production de l'avis médical rendu par l'OFII, méconnaitrait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnaitrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) / 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...). Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours (...) ". Aux termes de l'article L. 561-1 du même code : " L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. ".

13. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la circonstance que M. A... s'occuperait de ses enfants, que ce dernier ne serait pas en mesure de se présenter au service du commissariat de police de Grenoble deux fois par semaine, les mardi et jeudi à 10 heures. Par suite, le préfet n'a pas entaché son arrêté d'une erreur d'appréciation en assignant à résidence M. A... selon ces modalités.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Grenoble et la magistrate désignée de ce tribunal ont rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président,

Mme C..., présidente-assesseure,

Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 août 2020.

2

Nos 19LY02645 - 19LY02647

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02645
Date de la décision : 06/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-06;19ly02645 ?
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