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09/07/2020 | FRANCE | N°19LY04041

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 09 juillet 2020, 19LY04041


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... H... et Mme I... C..., épouse H... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 20 mai 2019 par lesquelles le préfet de l'Isère leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 1904144-1904145 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions du 20 mai 2019 et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. et Mme H... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois

à compter de la notification de sa décision.

Procédure devant la cour

Par une req...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... H... et Mme I... C..., épouse H... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 20 mai 2019 par lesquelles le préfet de l'Isère leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 1904144-1904145 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions du 20 mai 2019 et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. et Mme H... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés le 31 octobre 2019 et les 7 février et 24 juin 2020, dont le dernier n'a pas été communiqué, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1904144-1904145 du tribunal administratif de Grenoble du 26 septembre 2019 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. H... et son épouse devant le tribunal administratif.

Il soutient que c'est à tort que pour annuler les décisions en litige, le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 28 mai 2020, M. H... et Mme C..., épouse H..., représentés par Me Lantheaume, avocat, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 000 euros, au profit de leur conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Ils soutiennent que :

- la requête d'appel est irrecevable, le préfet ayant transmis un fichier unique comprenant plusieurs pièces non répertoriées par un signet les désignant conformément à l'inventaire fourni ;

- au regard de l'ensemble de la situation des membres de la famille H..., le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait commis une erreur d'appréciation en annulant ses arrêtés ;

- ils reprennent l'ensemble des autres moyens soulevés devant le tribunal.

M. H... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B..., présidente assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. M. H..., ressortissant albanais, né le 28 septembre 1976 et son épouse, également ressortissante albanaise, née le 23 novembre 1981 sont entrés irrégulièrement en France, le 13 juin 2012. Le 30 avril 2013, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides leur a refusé l'asile. Ces refus ont été confirmés par la Cour nationale du droit d'asile le 31 janvier 2014. Le 8 avril 2014, ils ont fait l'objet de refus de titre de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français. La légalité de ces décisions a été confirmée par le tribunal administratif de Grenoble, le 9 octobre 2014 et par la cour, le 7 janvier 2016. Le 29 avril 2015, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides leur a refusé l'asile et a rejeté leurs demandes de réexamen de leurs demandes d'asile. Le 28 août 2015, ils ont fait l'objet de nouveaux refus de titre de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français sans délai, ainsi que d'interdictions de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Ces décisions ont été confirmées par des jugements des tribunaux administratifs de Lyon et de Grenoble des 30 octobre et 9 décembre 2015. Le 3 janvier 2018, ils ont sollicité la délivrance de titres de séjour. Par décisions du 20 mai 2019, le préfet de l'Isère leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans. Par un jugement du 28 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a décidé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation des décisions d'obligations de quitter le territoire français et d'interdiction de retour et a renvoyé à la formation collégiale les conclusions dirigées contre les refus d'admission au séjour. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 26 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions de refus de titre de séjour du 20 mai 2019 et a enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. et Mme H... un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de sa décision.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 4143 du code de justice administrative relatif à la transmission d'un fichier, l'inventaire des documents et la pose de signets manque en fait, le préfet ayant bien inventorié les documents et ayant procédé à la pose des signets.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

4. S'il ressort des pièces du dossier que M. H... et son épouse sont présents en France depuis plus de six ans, qu'ils ont suivi des cours d'apprentissage de la langue française, qu'ils sont membres d'associations caritatives, que M. H... bénéficie d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée pour un poste de maçon et que leurs enfants sont scolarisés, il est constant que les intéressés se sont maintenus en France en dépit des deux mesures d'éloignement dont ils ont fait l'objet. Ils ne font état d'aucun obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Albanie où ils disposent de plusieurs attaches familiales et où leurs enfants pourront poursuivre leur scolarité. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions de séjour des intéressés en France, les décisions de refus de titre de séjour en litige ne portent pas au droit de ces derniers au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus. Elles ne méconnaissent pas, dès lors, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé, pour ce motif, ces refus de titre de séjour. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. H... et son épouse.

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier produites par le préfet de l'Isère devant les premiers juges que, par arrêté du 1er septembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs le même jour, Mme A... F..., sous-préfète chargée de mission auprès du préfet de l'Isère, secrétaire générale adjointe de la préfecture, disposait d'une délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions documents et correspondances administratives diverses relevant des attributions de l'Etat dans le département. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions contestées ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, les décisions litigieuses énoncent clairement les considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent et sont, dès lors, suffisamment motivées au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

7. En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ressort des mentions des décisions contestées que le préfet de l'Isère a procédé à un examen préalable de leur situation et a pris en compte l'ensemble des éléments de leur situation personnelle dont il avait connaissance à la date de ses décisions. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de M. H... et de son épouse doit être écarté.

8. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été mentionnés précédemment, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance du 7°de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet dans l'application de ces dispositions.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

10. Il résulte des circonstances de fait précédemment énoncées, que M. H... et son épouse ne justifient pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels pouvant donner lieu à une admission exceptionnelle au séjour au titre de leur vie privée et familiale. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère ait omis d'examiner la demande de M. H... au titre de son activité professionnelle, en fonction de sa qualification, de son expérience et de ses diplômes. Par suite, le préfet de l'Isère, en refusant de délivrer un titre de séjour aux intéressés, n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le paiement au conseil de M. et Mme H... d'une somme au titre des frais liés au litige.

DECIDE :

Article 1er: Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 septembre 2019 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. H... et Mme C..., épouse H... devant le tribunal administratif de Grenoble et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... H..., à Mme I... C..., épouse H..., au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme B..., présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

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N° 19LY04041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04041
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : LANTHEAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-09;19ly04041 ?
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