La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2020 | FRANCE | N°19LY03997

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 09 juillet 2020, 19LY03997


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 28 septembre 2018 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1904037 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions du 28 septembre 2018.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2

5 octobre 2019, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1904037 du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 28 septembre 2018 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1904037 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions du 28 septembre 2018.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 octobre 2019, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1904037 du tribunal administratif de Grenoble du 26 septembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- à la date du dépôt de sa demande, l'intéressé ne justifiait pas du caractère réel et sérieux du suivi d'une formation qualifiante et conservait des liens avec sa famille dans son pays d'origine ; ainsi, c'est à tort que le tribunal a fait droit au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait attaché le refus de délivrance de titre de séjour ;

- l'intéressé ne justifie pas d'une vie privée et familiale intense en France.

Par un mémoire enregistré le 5 juin 2020, M. B..., représenté par Me Marcel, avocat conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il justifie du caractère réel et sérieux du suivi d'une formation ;

- il n'a plus de liens avec sa famille restée dans son pays d'origine ;

- il est bien inséré dans la société française.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme A..., présidente assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité guinéenne, né le 1er février 2000, est entré en France le 1er avril 2016, selon ses déclarations, à l'âge de seize ans. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de l'Isère. Par décisions du 28 septembre 2018, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement du 26 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions du 28 septembre 2018.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 31315 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 31310 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dixhuitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 3132 n'est pas exigé. ".

3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dixhuitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée.

4. Il est constant qu'à la date du refus de titre de séjour en litige, M. B..., poursuivait depuis plus de six mois une formation qualifiante au sein du lycée polyvalent Hector Berlioz à la Côte-Saint-André (38360) en vue de l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle " Serrurier - Metallier ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment des trois bulletins de première année, qu'il n'a pu être évalué dans un nombre important de matières en raison de l'insuffisance de son niveau de français et que ses résultats étaient globalement très faibles. Les deux bulletins produits pour la seconde année de cette formation ont confirmé l'insuffisance de ces résultats. Par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé a pu garder des contacts avec sa mère et son frère résidant en Guinée. Ainsi, et malgré les efforts d'intégration de M. B..., le refus de délivrer un titre de séjour à l'intéressé sur le fondement des dispositions précitées n'apparaît entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé, pour ce motif, ce refus de titre de séjour. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. B....

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, la décision litigieuse, qui procède à un examen particulier de la situation de l'intéressé, est motivé, en fait comme en droit, avec une précision suffisante au regard des exigences des articles L .211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

6. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été mentionnés précédemment, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet dans l'application de ces dispositions.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

9. Compte tenu de la durée du séjour en France de M. B..., qui est célibataire, et en dépit des efforts d'intégration accomplis par l'intéressé, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé ne porte pas, au regard des buts poursuivis, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, ce refus ne méconnaît ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour, que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

11. En deuxième lieu, .en se bornant à faire valoir, sans autre précision, qu'il n'a pas été entendu préalablement à l'édiction de l'obligation de quitter le territoire français, M. B... qui a été à même de faire valoir tout élément utile tenant à sa situation personnelle à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour et tout au long de l'instruction de sa demande et ne fait état d'aucun élément pertinent qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration et qui aurait été susceptible d'influer sur le prononcé ou les modalités de la mesure d'éloignement prise à son encontre, n'est pas fondé à soutenir que son droit à être entendu préalablement à une décision administrative défavorable résultant du principe général du droit de l'Union européenne de bonne administration, a été méconnu.

12. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, les moyens tirés de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

13. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi.

14. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, et en dépit des difficultés que connaîtrait la Guinée pour réintégrer ses rapatriés, la décision fixant le pays de renvoi n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de l'intéressé.

15. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige.

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante verse une somme à M. B... au titre des frais qu'il a exposés à l'occasion du litige.

DECIDE :

Article 1er: Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 septembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

2

N° 19LY03997


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03997
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MARCEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-09;19ly03997 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award