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09/07/2020 | FRANCE | N°18LY01374

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 09 juillet 2020, 18LY01374


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'avis émis le 20 décembre 2016 par la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière confirmant la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois prononcée à son encontre le 22 septembre 2016 par le directeur de l'Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) de Saint-Georges-sur-Baulche.

Par un jugement n° 1700696 du 15 février 2018, le tribunal administratif de

Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... D... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'avis émis le 20 décembre 2016 par la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière confirmant la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois prononcée à son encontre le 22 septembre 2016 par le directeur de l'Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) de Saint-Georges-sur-Baulche.

Par un jugement n° 1700696 du 15 février 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 avril 2018 et deux mémoires enregistrés le 9 juillet 2019 et le 12 août 2019, Mme D..., représentée par Me Barberousse, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 15 février 2018 ;

2°) d'annuler l'avis de la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière du 20 décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) de Saint-Georges-sur-Baulche une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ;

- les faits qui lui sont reprochés sont dépourvus de caractère fautif ;

- la sanction prononcée est disproportionnée au regard des faits reprochés.

Par trois mémoires en défense enregistrés le 23 mai 2019, le 24 juillet 2019 et le 30 août 2019, l'Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) de Saint-Georges-sur-Baulche, représenté par Me Suissa, avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme D... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 2 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 19 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 2014-101 du 4 février 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... F..., première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Barberousse, avocat, représentant Mme D..., et de Me Guoguelat, avocat, représentant l'Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) de Saint-Georges-sur-Baulche ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., assistante socio-éducative au sein de l'Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) de Saint-Georges-sur-Baulche depuis 1994, a fait l'objet d'une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois à titre disciplinaire, par décision du directeur de l'établissement du 22 septembre 2016, confirmée par un avis de la commission des recours du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière du 20 décembre 2016. Mme D... relève appel du jugement du 15 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa rédaction alors applicable : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". L'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière dispose que : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Troisième groupe : La rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans (...) ".

3. Par ailleurs, l'article 3 du décret du 4 février 2014 portant statut particulier du corps des assistants socio-éducatifs de la fonction publique hospitalière prévoit que : " I. - Les assistants socio-éducatifs ont pour mission d'aider les patients, les personnes accueillies et les familles, qui connaissent des difficultés sociales, à prévenir ou surmonter ces difficultés, à maintenir ou retrouver leur autonomie, et éventuellement à faciliter leur insertion sociale et professionnelle. Dans le respect des personnes, ils recherchent les causes qui compromettent leur équilibre psychologique, économique ou social. Ils conseillent et accompagnent ces personnes dans l'objectif d'améliorer leurs conditions de vie sur le plan social, sanitaire, familial, économique, culturel et professionnel. Ils participent à l'élaboration et à la mise en oeuvre des projets sociaux et éducatifs de l'établissement dont ils relèvent. Ils participent à l'élaboration du rapport d'activité du service socio-éducatif. II. - Selon leur formation, ils exercent plus particulièrement leurs fonctions dans l'un des deux emplois suivants : (...) 2° Les éducateurs spécialisés, qui participent, en liaison avec les familles, à l'éducation des enfants ou adolescents en difficulté d'insertion et sont chargés du soutien des personnes handicapées, inadaptées ou en risque d'inadaptation. Ils concourent à leur insertion scolaire, sociale et professionnelle au moyen des techniques et activités appropriées (...) ".

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'un accident de travail intervenu le 8 février 2016, consécutif à une altercation avec l'un des jeunes dont elle assurait le transport, Mme D..., assistante socio-éducative au sein de l'Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) de Saint-Georges-sur-Baulche depuis 1994, a été placée en congé de maladie ordinaire, à compter du 20 février 2016, puis déclarée apte à reprendre son poste par avis médical du 30 avril 2016. Par décision du directeur de l'ITEP du 12 mai 2016, elle a ainsi été réaffectée au service interne de l'établissement, en charge d'un groupe de sept enfants âgés de 7 à 9 ans, présentant des troubles du comportement. Dès la première semaine suivant son retour, il a été reproché à Mme D... de ne pas être intervenue, en temps utile, au réfectoire pour ramener au calme trois jeunes bruyants et agités ou pour faire cesser un comportement inapproprié, d'avoir laissé un autre se sauver dans le bois de l'établissement, en chargeant une stagiaire travaillant dans un autre groupe de le récupérer, de s'être abstenue, à deux reprises, de mettre fin à des conflits entre deux jeunes laissés seuls dans un couloir ou au cours de la récréation et d'avoir confié à plusieurs reprises certains de ces jeunes à un autre groupe, au détriment de leurs programmes individuels. Elle n'a, en outre, pas averti son responsable de ces incidents, ni rédigé de rapport approprié. Ce comportement, et les perturbations qu'il a engendrées, sont établis tant par les constats opérés par son supérieur hiérarchique et relatés dans un rapport rédigé en juin 2016, que par les témoignages de quatre agents ayant travaillé avec ce groupe d'enfants, dont la sincérité n'est pas utilement contestée, quand bien même leurs propos ont été recueillis à l'occasion de l'instruction de la procédure disciplinaire. Mme D... ne remet pas davantage utilement en cause la réalité de ces faits en se bornant à invoquer le contexte conflictuel qui l'a opposée à la direction de l'établissement après l'accident de travail survenu le 8 février 2016. Par suite, et contrairement à ce que prétend Mme D..., les faits qui lui sont reprochés sont établis.

6. Par ailleurs, ces faits constituent autant de manquements aux principes essentiels qui structurent sa mission éducative, tels que rappelés par une note de service n° 23/2015 de la direction de l'établissement en vue de " sécuriser la réponse aux jeunes " et qui consistent " à assurer et assumer [sa] propre autorité personnelle auprès des jeunes avec empathie et fermeté " et à calmer " l'enfant qui dépasse les limites posées " en ne passant le relais à un collègue qu'en cas de nécessité et à en faire rapport sans délai au directeur et au chef de service. Contrairement à ce que prétend Mme D..., l'obligation de rédiger un tel rapport n'est ainsi pas limitée aux seules hypothèses de violence, quand bien même il peut permettre d'actionner un " protocole violence ". En outre, ayant sollicité à quatre reprises au cours de cette seule semaine le relai d'autres collègues, elle ne démontre pas le caractère nécessaire, et par suite justifié, de telles sollicitations, lesquelles doivent demeurer exceptionnelles. Enfin, il n'appartenait, en tout état de cause, pas à Mme D... de remettre en cause le bien-fondé de ces principes, ni de s'en affranchir ou d'y substituer ses propres méthodes, alors même qu'elle les estimerait trop " répressifs " ainsi qu'il ressort de ses écritures devant la commission de recours ou des propos tenus lors de l'entretien préalable à sa suspension du 27 mai 2016. Par suite, les faits qui lui sont reprochés constituent des fautes propres à justifier une sanction disciplinaire.

7. Enfin, ces manquements se sont produits de manière répétés tout au long de la semaine suivant le retour de Mme D... dans ce service, malgré un premier rappel de son supérieur intervenu dès le mardi 24 mai 2016. Ils ont été de nature à perturber gravement le fonctionnement du service, en favorisant une forte agitation des enfants et en les plaçant ainsi en situation d'insécurité, en modifiant inopinément le déroulement de certains de leurs plannings individuels d'activités, en nécessitant l'intervention d'autres collègues en dehors de leurs missions et en générant de l'épuisement chez certains d'entre eux, notamment chez l'autre éducatrice en charge du même groupe. La réalité et l'ampleur de ces perturbations résultent, comme indiqué précédemment, de témoignages concordants de son supérieur et de collègues ayant travaillé à ses côtés, sans que ne soit démontrée une exagération tenant à un ressentiment nourri par la direction à l'égard de Mme D.... En outre, ces faits succèdent à un précédent rappel à l'ordre, prononcé à son encontre le 15 mars 2016, pour avoir elle-même déposé une main-courante à l'encontre d'un pensionnaire en méconnaissance du protocole alors applicable dans une telle situation, ainsi qu'à d'autres difficultés de même nature rencontrées alors qu'elle était affectée au service internat ainsi qu'il résulte du rapport du chef de service éducatif en date du 20 mai 2016. Enfin, il est constant que Mme D... avait reçu toutes les formations nécessaires à la bonne exécution de ses fonctions et qu'elle participait régulièrement aux séances d'analyse de la pratique, mises en place au sein de l'établissement. Plusieurs rappels du comportement attendu d'un assistant socio-éducatif lui avaient en outre été antérieurement adressés, notamment le 15 février 2016 ou encore à l'occasion de différents entretiens avec ses supérieurs. Dans ces circonstances et nonobstant l'absence de précédentes procédures disciplinaires, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la sanction d'exclusion temporaire de trois mois prononcée à son encontre serait disproportionnée.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ITEP de Saint-Georges-sur-Baulche, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme D.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 800 euros au titre des frais exposés par l'ITEP de Saint-Georges-sur-Baulche au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Mme D... versera à l'Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) de Saint-Georges-sur-Baulche une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D..., au ministre des solidarités et de la sante et à l'Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP) de Saint-Georges-sur-Baulche.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., présidente de chambre,

Mme G..., présidente-assesseure,

Mme B... F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

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N° 18LY01374


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01374
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BARBEROUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-09;18ly01374 ?
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