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09/07/2020 | FRANCE | N°18LY01315

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 09 juillet 2020, 18LY01315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler :

1°) les arrêtés du 2 avril 2015 et du 1er juin 2015 par lesquels le président du conseil départemental de la Loire l'a suspendue de ses fonctions à titre conservatoire ;

2°) l'arrêté du 2 décembre 2015 par lequel le président du conseil départemental de la Loire lui a infligé une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions de vingt-et-un jours ;

Par un jugement n° 1505057, 1506781, 1600603 du 14 f

vrier 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé les trois décisions des 2 avril, 1er jui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler :

1°) les arrêtés du 2 avril 2015 et du 1er juin 2015 par lesquels le président du conseil départemental de la Loire l'a suspendue de ses fonctions à titre conservatoire ;

2°) l'arrêté du 2 décembre 2015 par lequel le président du conseil départemental de la Loire lui a infligé une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions de vingt-et-un jours ;

Par un jugement n° 1505057, 1506781, 1600603 du 14 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé les trois décisions des 2 avril, 1er juin et 2 décembre 2015.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 avril 2018 , le département de la Loire, représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 février 2018 annulant la décision du 2 décembre 2015 ;

2°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- les faits reprochés à Mme D... étaient matériellement établis et justifiaient la sanction disciplinaire prise à son encontre ;

- le tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit en associant la notion de dénonciation calomnieuse à l'absence de publicité de l'intervention concernant Mme C... en dehors du service ;

- le tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de fait en considérant que la dénonciation calomnieuse n'était pas établie ;

- Mme D... a bénéficié d'éléments de rémunération indus ;

- c'est à tort que le tribunal administratif, qui a entaché son jugement d'une contradiction de motifs, a considéré qu'aucun élément ne permettait de lui imputer un comportement personnel constitutif de fautes ; ce grief justifiait à lui seul la sanction ;

- elle a exercé des fonctions de cogérant de fait de la société commerciale ARJYL Assistance en méconnaissance des dispositions de l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la sanction est proportionnée aux faits commis ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2019, Mme D... représentée par Me H... conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le département de la Loire doivent être écartés ;

Par ordonnance du 16 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 20 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me I..., représentant le département de la Loire, et de Me G... représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Fonctionnaire depuis 1997 et attachée territoriale principale depuis 2008, Mme D... a intégré la direction des ressources humaines du département de la Loire en 2013 et y exerce la direction du pôle " gestions des potentiels (...) " depuis le 1er septembre 2014. Elle a été nommée adjointe du directeur général adjoint des ressources humaines du département, M. J..., le 1er septembre 2015. A la suite de deux arrêtés du 2 avril et 1er juin 2015 la suspendant de ses fonctions et de la tenue d'un conseil de discipline le 17 septembre 2015, le département de la Loire lui a infligé la sanction de vingt et un jours d'exclusion temporaire du service par un arrêté du 2 décembre 2015. Le département de la Loire relève appel du jugement rendu le 14 février 2018 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé cette sanction.

Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement :

2. Il ressort des pièces du dossier que le département de la Loire a fondé sa décision de sanctionner Mme D... sur trois griefs dont, en premier lieu, celui d'avoir, selon les termes de la décision litigieuse " - manqué à ses obligations statutaires en conditionnant, au cours du second semestre de l'année, 2014, l'augmentation de 80 % à 90 % de son temps partiel à une augmentation très substantielle de son régime indemnitaire, (...) ". Il n'est pas contesté que Mme D... a bénéficié, lors de sa prise de fonction d'adjointe au directeur des ressources humaines, d'une importante augmentation de sa prime de " niveau de potentiel professionnel ". Cette augmentation a été décidée en contrepartie de l'augmentation de la quotité de travail de Mme D..., qui est passée de 80 % à 90 % afin de lui permettre d'assumer des responsabilités supplémentaires. Ainsi que l'a relevé le tribunal administratif de Lyon, qui n'a pas entaché son jugement de contradiction de motifs, il appartenait à la hiérarchie de Mme D... d'examiner et, le cas échéant, de rejeter en tout ou partie ses prétentions sur son régime indemnitaire. Il est par ailleurs constant que l'arrêté actant l'augmentation du régime indemnitaire de cette dernière a été signé le 6 août 2014 par le directeur général des services du département et que les responsabilités de Mme D... ne lui donnaient aucun pouvoir hiérarchique sur les agents ou responsables du service en charge du calcul et de l'établissement des rémunérations. Il résulte enfin des affirmations non contredites de Mme D... qu'à la même période, des augmentations substantielles de régime indemnitaire ont été accordées à d'autres directeurs de services. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Lyon a retenu que le premier chef de sanction reproché à Mme D... n'était pas de nature à la justifier.

3. Le département de la Loire a, en deuxième lieu, fondé sa décision de sanction sur le reproche fait à Mme D... d'avoir : " porté à la légère, voire de manière mensongère, au début de l'année 2015, des accusations visant à écarter de la direction des ressources humaines Madame L***, dans le cadre d'une entreprise principalement menée par le directeur des ressources humaines, Monsieur J... dont elle était l'adjoint ". Il ne ressort pas de ces termes qu'il a été reproché à Mme D..., dans le cadre de la procédure disciplinaire, d'avoir été l'auteure d'une dénonciation calomnieuse, accusation dont elle a, d'ailleurs, été relaxée dans le cadre d'une procédure pénale, par un jugement du 20 décembre 2018. Le département de la Loire n'est dès lors pas fondé à soutenir, en tout état de cause, que le tribunal administratif de Lyon a commis une erreur de droit en associant la notion de dénonciation calomnieuse à l'absence de publicité de l'intervention concernant Mme L*** en dehors du service, ce qu'il n'a, au demeurant, pas fait. Il ressort en outre des pièces du dossier que Mme D... s'est bornée à adresser à M. J..., son supérieur hiérarchique, un court rapport daté du 23 mars 2015 qui n'a d'autre objet que de relater des propos d'une ancienne collaboratrice de Mme L*** ayant fait état de difficultés relationnelles avec cette dernière. Contrairement aux affirmations du département de la Loire, aucune des pièces du dossier ne permet d'établir que Mme D... a soutenu que Mme L*** était l'auteure de harcèlement moral, ni qu'elle a porté contre elle des accusations visant à l'écarter de la direction des ressources humaines, ni qu'elle a tenté d'influencer la commission d'enquête chargée d'examiner la situation de cet agente. Il ressort en revanche des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que les échanges professionnels avec Mme L*** ont pu s'exercer dans un climat relationnel difficile et de nature à attirer l'attention des responsables des ressources humaines du département de la Loire. Par suite, le département de la Loire n'est pas non plus fondé à soutenir que l'action exercée par Mme D... au sujet de Mme L*** était constitutif d'une faute.

4. En troisième et dernier lieu, le département de la Loire a retenu pour motif de la sanction litigieuse que Mme D... avait " exercé pendant plusieurs années les fonctions de cogérant de fait de la société commerciale ARJYL Assistance en méconnaissance de la réglementation sur les cumuls d'emplois et en se plaçant en situation de conflit d'intérêts manifeste. ". Il ressort des pièces du dossier que la société ARJYL Assistance, qui a pour membres fondateurs et associés Mme J..., épouse de M. J... et M. D... conjoint de Mme D..., a pour objet de dispenser des formations et des conseils et d'assurer des prestations d'audit principalement à destination des collectivités publiques et établissements sociaux et médico-sociaux. Mme D... ne conteste pas avoir mis à profit le temps partiel dont elle bénéficiait pour assurer, pour le compte de cette société, diverses interventions. Elle bénéficiait pour cela d'autorisations de cumul d'activités. Ni ces activités, ni la circonstance qu'il a été retrouvé dans la boîte de messagerie électronique professionnelle de Mme D... plusieurs dizaines de mails en lien avec l'activité de la société ne permettent d'établir qu'elle exerçait une cogestion de fait de cette société avec M. J.... Le département de la Loire soutient encore que Mme D... s'est trouvée en situation de conflit d'intérêts à plusieurs reprises dès lors que la société ARJYL Assistance a été chargée d'animer la journée des maires en 2011 et 2012 ainsi qu'un colloque sur l'autisme en 2012. Il ne résulte toutefois d'aucun des éléments produits par le département de la Loire que Mme D... soit intervenue pour le compte de la société dans la préparation ou la réalisation de l'une de ces trois manifestations. Dans ces circonstances, ainsi que l'a justement relevé le tribunal administratif de Lyon, le conflit d'intérêts invoqué par le département de la Loire n'est pas caractérisé.

5. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'aucun des griefs ayant fondé la sanction disciplinaire litigieuse n'étant de nature à justifier une sanction, le département de la Loire n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 2 décembre 2015 prononçant l'exclusion temporaire de fonctions de Mme D.... Ses conclusions à fin d'annulation doivent par suite être rejetées.

Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative faisant obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme D..., qui n'est pas la partie perdante, une somme à ce titre, les conclusions du département de la Loire en ce sens doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête du département de la Loire est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Loire et à Mme B... D....

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme F... A..., présidente de chambre,

Mme K..., présidente-assesseure,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

No 18LY013152


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01315
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Motifs. Faits n'étant pas de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET PHILIPPE PETIT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-09;18ly01315 ?
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