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02/07/2020 | FRANCE | N°20LY01157

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 02 juillet 2020, 20LY01157


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Safetymmo Invest a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes, de désigner un expert à ses frai

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'EURL Safetymmo Invest a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes, de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, ainsi que des pénalités correspondantes, de désigner un expert à ses frais et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 7611 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900304 du 3 mars 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 mars 2020, l'EURL Safetymmo Invest, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 3 mars 2020 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions et pénalités contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- Le jugement est irrégulier en ce que le tribunal, qui a suivi les conclusions écrites du rapporteur public, jamais communiquées contradictoirement aux contribuables, a rendu une décision dénaturant les pièces produites en ne les examinant pas ;

- le jugement est irrégulier pour avoir méconnu les stipulations de l'article 6 de de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale et pour avoir porté atteinte à l'égalité des armes, le rapporteur public pouvant conclure jusqu'à deux jours avant l'audience alors que " la défense " doit absolument conclure trois jours avant l'audience qu'il est impossible de procéder par une autre voie que des observations orales d'un avocat après la lecture du mémoire du rapporteur public ;

- le jugement est irrégulier pour n'avoir pas répondu à l'argument tiré de la contradiction de l'argumentation de l'administration, qui écrit qu'elle n'a pas à engager un débat avant l'envoi d'une proposition de rectification, tout en affirmant que ce débat avait eu lieu ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que la procédure d'imposition était irrégulière alors que le vérificateur l'a privé d'un débat oral et contradictoire et que l'administration a la charge de la preuve à raison de la procédure de rectification contradictoire suivie ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que sa comptabilité devait être écartée ;

- la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge est applicable à l'ensemble des cessions de biens immobiliers ; l'administration n'a pas pris en compte les crédits de taxe sur la valeur ajoutée présents sur les déclarations CA3 déjà déposées ; l'administration a appliqué une méthode de ventilation des coûts mais n'a pas remis en cause la méthode employée par la société ayant permis de constater un crédit de taxe sur la valeur ajoutée dans la déclaration CA3 de décembre 2013 ; le service a donc validé la méthode de valorisation des stocks de la société et le crédit de taxe sur la valeur ajoutée constaté ; la vente Lévèque / Saive concerne un clos couvert, inhabitable, et non une maison neuve, en l'absence de cloisonnement intérieur, de système de chauffage et d'électricité ;

- elle produit le relevé de compte courant d'associé de M. A... dans la société Station de Lux et la copie du chèque ; elle justifie ainsi qu'il ne s'agit pas d'une minoration de recettes ; M. A... détient 50 % de la société Financière Jopalux, elle-même actionnaire de la société Station de Lux ; M. A... dispose donc d'un compte 4672 et non d'un compte courant d'associé au sens strict au sein de la société Station de Lux ;

- l'acompte de 18 500 euros versé par la SCI Pijama en août 2014 pour des travaux a été remboursé par chèque du 11 mai 2015 et ne peut donc donner lieu à taxation ;

- - la somme versée par M. C... en 2014 pour réserver un terrain à bâtir lui a été remboursée au cours des années 2015 et 2016 ;

- l'annulation des réservations et des ventes a un effet rétroactif ; les erreurs d'imputation comptable peuvent être rectifiées sans aucune conséquence fiscale :

- concernant la vente Gioffre / Safetymmo, l'administration ne conteste ni que la société a acquis le bien en qualité d'assujettie, ni que la taxe sur la valeur ajoutée découle d'une facture ; la taxe sur la valeur ajoutée est donc déductible sauf à ce que l'administration soutienne et démontre que cette facture est fictive ;

- la taxe sur la valeur ajoutée présente sur la facture de 6 000 euros émise par Citadelle Immobilier (Guy Hoquet immobilier) est déductible, même si le paiement a été effectué directement à des apporteurs d'affaires de cette société ;

- la taxe sur la valeur ajoutée présente sur la facture de 15 024 euros émise par Citadelle Immobilier (Guy Hoquet Immobilier) est déductible, même si le paiement a été effectué directement à des apporteurs d'affaires de cette société ;

- M. A... a fait verser sur son compte courant d'associé dans la société Safetymmo Invest deux chèques d'un montant total de 83 500 euros issus d'une vente faite par la SCI Julie de l'Orcène, dont M. et Mme A... sont les principaux associés ;

- l'administration n'établit pas le caractère délibéré des manquements ;

- s'agissant de l'impôt sur les sociétés, la vente Clément, qui n'a pas été à son terme, a été amenée et négociée par l'agence Guy Hoquet immobilier ;

- il n'y a pas de minoration de recettes concernant la société Station de Lux ;

- les charges correspondant aux affaires apportées par M. F...) sont déductibles ;

- la méthode de l'administration pour déterminer la variation de stock n'est pas fiable ; elle est faussée parce que l'ensemble des lots n'étant pas vendus, l'affectation selon la surface hors-oeuvre nette ne traduit pas l'état des stocks ; les lots n'avaient pas la même valeur en fonction de leur localisation ;

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée n'étant pas fondés, les rehaussements à l'impôt sur les sociétés correspondants ne le sont pas davantage ;

- le chèque de 18 500 euros concerne un prêt familial ;

- la vente C... n'a pas eu lieu donc la somme de 10 000 euros ne peut être taxée ;

- les charges correspondants aux factures Citadelle Immobilier à hauteur respectivement de 6 000 et 15 024 euros sont déductibles ;

- concernant la charge Darfeuille, l'administration ne conteste pas qu'une facture existe et qu'une prestation a été effectuée ;

- elle justifie de la réalité des charges MAPA (9 066,67 euros) et Pireni (32 545 euros), passées en " factures à recevoir " ;

- c'est à tort que l'administration a estimé que de nombreuses sommes constituaient des revenus distribués à M. A... ;

- l'administration n'établit pas le caractère délibéré des manquements ;

- elle maintient sa demande de nomination d'un expert.

L'affaire a été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative par ordonnance du 18 mai 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président de chambre,

- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me E... et de M. A..., représentant l'EURL Safetymmo Invest ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Safetymmo Invest, qui exerce une activité de marchand de biens, ainsi qu'à titre accessoire de prestations et travaux immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. Par une proposition de rectification du 12 juillet 2016, de nombreux rehaussements en matière de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 et d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 ont été portés à la connaissance de l'EURL Safetymmo Invest. Cette dernière a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des impositions et pénalités correspondantes. L'URL Safetymmo Invest relève appel du jugement en date du 3 mars 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

2. Le jugement attaqué comporte le visa des pièces produites par la requérante. Cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire. Il ne résulte ni des pièces du dossier de premières, ni des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lyon se serait conformé aux conclusions du rapporteur public en n'analysant pas les pièces produites par la requérant et qu'il a visées.

3. Le rapporteur public, qui a pour mission d'exposer les questions que présente à juger le recours sur lequel il conclut et de faire connaître, en toute indépendance, son appréciation, qui doit être impartiale, sur les circonstances de fait de l'espèce et les règles de droit applicables ainsi que son opinion sur les solutions qu'appelle, suivant sa conscience, le litige soumis à la juridiction à laquelle il appartient, prononce ses conclusions après la clôture de l'instruction à laquelle il a été procédé contradictoirement. L'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du caractère contradictoire de la procédure applicable à l'instruction. Il suit de là que, pas plus que la note du rapporteur ou le projet de décision, les conclusions du rapporteur public - qui peuvent d'ailleurs ne pas être écrites - n'ont à faire l'objet d'une communication préalable aux parties. Celles-ci ont en revanche la possibilité, après leur prononcé lors de la séance publique, de présenter des observations, soit oralement à l'audience, soit au travers d'une note en délibéré. Ainsi, les conclusions du rapporteur public permettent aux parties de percevoir les éléments décisifs du dossier, de connaître la lecture qu'en fait la juridiction et de saisir la réflexion de celle-ci durant son élaboration tout en disposant de l'opportunité d'y réagir avant que la juridiction ait statué.

4. La demande de décharge d'une imposition supplémentaire et des intérêts de retard, lesquels ne constituent pas une sanction, n'entre pas dans le champ d'application des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que ces stipulations ne visent que les procès portant sur des droits ou obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale.

5. S'agissant de la demande de décharge des pénalités dont ont été assorties les impositions et, en tout état de cause, s'agissant de la demande de décharge de ces impositions et des intérêts dont elles ont été assorties, contrairement à ce que soutient la requérante, elle avait la possibilité, après leur prononcé des conclusions du rapporteur public, de présenter des observations au travers d'une note en délibéré. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.

6. Les écritures de la requérante relevant la contradiction de l'argumentation de l'administration, qui écrit qu'elle n'a pas à engager un débat avant l'envoi d'une proposition de rectification, tout en affirmant que ce débat avait eu lieu, ne constituent qu'un argument au soutien du moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire pendant la vérification de comptabilité. Dès lors que le tribunal administratif a écarté ce moyen en se fondant sur des règles de charge et d'administration de la preuve et sur les éléments de faits qu'il a énoncés, il n'était pas tenu de se prononcer explicitement sur l'argument de la requérante.

7. Dans le cas où la vérification de la comptabilité d'une entreprise a été effectuée soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. Dès lors qu'il est constant que la vérification de comptabilité de l'entreprise a bien eu lieu sur place, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration supporte la charge de la preuve de l'existence d'un débat oral et contradictoire à raison de la procédure de rectification contradictoire qu'elle a suivie.

8. Le tribunal administratif ayant écarté la comptabilité au motif que l'administration établissait son caractère non probant, la requérante ne peut utilement faire valoir qu'elle était régulière en la forme.

9. Contrairement à ce que soutient la requérante le fait d'avoir écarté une comptabilité comme non probante ne prive l'administration ni de la possibilité de fonder des rectifications sur des éléments de cette comptabilité, ni de la faculté, dans un souci de réalisme économique, de prendre en considération des crédits ou charges non justifiés.

10. Les autres moyens susvisés ont été écartés à bon droit par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé et exempt de contradictions et dont il y a lieu d'adopter les motifs.

11. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, l'EURL Safetymmo Invest n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les frais d'instance exposés par l'EURL Safetymmo Invest soient mis à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL Safetymmo Invest est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Safetymmo Invest et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme B..., présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.

N° 20LY01157 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01157
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SANCHEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-02;20ly01157 ?
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