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02/07/2020 | FRANCE | N°18LY03051

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 02 juillet 2020, 18LY03051


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 11 mars 2016 par laquelle le président de la chambre d'agriculture de l'Ardèche lui a infligé la sanction de la révocation, d'enjoindre à cette autorité de le réintégrer juridiquement et de mettre les frais de l'instance à la charge de la chambre d'agriculture de l'Ardèche.

Par jugement n° 1603560 lu le 4 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour


Par une requête enregistrée le 2 août 2018 et un mémoire (non communiqué) enregistré le 26 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 11 mars 2016 par laquelle le président de la chambre d'agriculture de l'Ardèche lui a infligé la sanction de la révocation, d'enjoindre à cette autorité de le réintégrer juridiquement et de mettre les frais de l'instance à la charge de la chambre d'agriculture de l'Ardèche.

Par jugement n° 1603560 lu le 4 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 août 2018 et un mémoire (non communiqué) enregistré le 26 mai 2020, la chambre départementale d'agriculture de l'Ardèche, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande à fins d'annulation et d'injonction présentée au tribunal par M. B... ;

2°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- le jugement, qui fait droit à une demande d'annulation qui devait être regardée comme partielle et donc irrecevable, car dirigée contre un acte indivisible, le jugement est entaché d'irrégularité ;

- en ce qu'il fait droit à deux moyens sans exposer ce qui a conduit le tribunal à écarter les arguments opposés en défense, le jugement est insuffisamment motivé ;

- il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir consulté la commission paritaire régionale, non encore constituée, non plus que la commission des chambres réunies que son président a refusé de convoquer ;

- les informations délivrées à M B..., dans le courrier du 12 février 2016, étaient conformes aux exigences des articles 24 et 25 du statut ;

- les autres moyens articulés en première instance, tirés de l'absence de manquement disciplinaire, de la disproportion entre la sanction et les motifs et du détournement de pouvoir ne sont pas fondés.

Par mémoire enregistré le 7 novembre 2018, M. C... B..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la chambre d'agriculture de l'Ardèche au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen tiré du défaut de motivation du jugement, pris en ses deux branches, manque en fait ;

- les deux motifs de censure retenus par le tribunal sont fondés ;

- sur le terrain de l'effet dévolutif, les moyens tirés de l'absence de manquement disciplinaire, de la disproportion entre sanction et motifs et du détournement de pouvoir sont de nature à justifier le maintien de l'annulation de la sanction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 ;

- le décret n° 2015-1539 du 26 novembre 2015 ;

- l'arrêté du 20 mars 1972 homologuant le statut du personnel administratif des chambres d'agriculture (18ème édition) ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Arbarétaz, président,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me A... pour la chambre départementale d'agriculture de l'Ardèche ainsi que celles de Me D... pour M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., agent titulaire de la chambre d'agriculture de l'Ardèche ayant exercé les fonctions de chef de service et de directeur adjoint, a été révoqué pour motif disciplinaire par décision du 11 mars 2016 prise par le président de l'établissement pour s'être opposé à la réorganisation des services et avoir refusé l'affectation qui lui était assignée. La chambre départementale d'agriculture de l'Ardèche relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la sanction aux motifs, d'une part, que la commission paritaire regroupée des anciennes chambres régionales, instance préfigurant la commission paritaire régionale de la chambre nouvellement créée en Auvergne Rhône-Alpes, n'avait pas été consultée et, d'autre part, que l'intéressé n'avait pas été complètement informé de la nature de la procédure dont il faisait l'objet.

Sur l'appel de la chambre départementale d'agriculture de l'Ardèche :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

2. L'étendue d'une demande d'annulation s'apprécie en fonction de la formulation de cette demande, sans égard à la demande à fin d'injonction qui l'accompagne le cas échéant. En présentant, dans ses écritures de première instance, un recours pour excès de pouvoir contre sa révocation prononcée, le 11 mars 2016, M. B... a demandé l'annulation de cette décision, sans restriction. Il suit de là que le tribunal, qui n'avait pas à s'interroger sur la portée de la demande à fin d'injonction en réintégration juridique à seule fin de rejeter comme irrecevable la demande d'annulation après en avoir restreint l'étendue, n'a pas entaché son jugement d'irrégularité en y faisant droit et n'a pas excédé les limites de sa saisine en prononçant une annulation totale de la sanction.

3. Le tribunal a expressément indiqué, au point 5 de son jugement, le motif qui le conduisait à ne pas retenir comme fondé l'argument opposé en défense tiré du refus des services de la chambre régionale de convoquer la commission paritaire des chambres regroupées, tandis qu'en exposant que le courrier du 12 février 2016 ne mentionne pas le caractère disciplinaire de la procédure engagée, le point 6 indique en quoi cette pièce, quel que soit son contenu, ne peut être regardée, selon le tribunal, comme répondant aux garanties statutaires en matière d'information de l'agent poursuivi. Il suit de là que le jugement attaqué est suffisamment motivé au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative.

En ce qui concerne le fond du litige :

4. Aux termes de l'article 24 du statut des personnels administratifs des chambres d'agriculture homologué par l'arrêté du 20 mars 1972 susvisé : " Les mesures disciplinaires applicables aux agents titulaires peuvent être : a) l'avertissement par écrit, b) le blâme avec inscription au dossier, c) la révocation (...) dans les deux derniers cas, les sanctions sont prononcées après avis de la commission paritaire compétente et après que l'agent ait été mis en mesure de prendre communication de son dossier et de connaître les faits reprochés (...) ". Aux termes de l'article 25 du même statut : " La cessation d'emploi de l'agent après son engagement définitif ne peut intervenir que dans les cas suivants : (...) 3°) par révocation par mesure disciplinaire après observations des formalités prescrites en matière disciplinaire et avis de la commission paritaire compétente (...) ".

5. Ces dispositions se bornent à exiger que l'agent poursuivi soit informé de l'engagement d'une procédure disciplinaire et mis à même d'obtenir communication de son dossier avant consultation de la commission paritaire qui, elle-même, doit précéder la sanction. Le courrier du 12 février 2016, s'il n'informe pas M. B... de la nature de la procédure alors envisagée, le convoquait à une ultime réunion d'explication organisée le 24 février suivant. Ce n'est qu'à cette échéance que le président de l'établissement, tirant les conséquences du refus persistant d'obéissance de M. B..., lui a indiqué par courrier rédigé et notifié le 29 février 2016 l'engagement d'une procédure de révocation comprenant la consultation de la commission administrative paritaire. Il suit de là que l'intéressé a reçu les informations exigées par les dispositions citées au point 3 et que le courrier du 12 février 2016, antérieur à l'engagement de la procédure disciplinaire, n'a pu la vicier pour ne pas comporter les garanties propres au déroulement de celle-ci.

6. Toutefois, aux termes de l'article 9 du même statut : " Il est créé (...) pour l'ensemble du personnel, une commission régionale paritaire ayant pour cadre la circonscription d'élection de la chambre régionale d'agriculture (...) III - Rôle. La commission régionale paritaire se porte garante de l'application des dispositions statutaires (...) qui régissent les conditions d'emploi du personnel de droit public (...) de l'ensemble des organismes employeurs de la circonscription de la commission (...) Elle est compétente pour donner son avis sur toutes les questions concernant le personnel (...) / Cette commission doit notamment : (...) - donner son avis avant toute mesure de licenciement (...) ", tandis qu'aux termes de l'article 2 du décret du 26 novembre 2015 susvisé organisant le regroupement des chambres d'agriculture régionales dans les régions alors constituées par la fusion d'anciennes régions : " Jusqu'au prochain renouvellement général des membres élus, les chambres régionales des régions (...) Auvergne et Rhône-Alpes (...) comprennent l'ensemble des membres élus des chambres régionales regroupées (...) ". Aux termes de l'article 7 du même décret : " Les délégués syndicaux des chambres régionales regroupées (...) conservent leurs mandats jusqu'au 31 mars 2016. Du 1er janvier au 31 mars 2016, la commission paritaire d'établissement de la nouvelle chambre régionale est composée des membres titulaires et suppléants des commissions paritaires d'établissement des chambres regroupées ".

7. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées, d'une part, que la commission paritaire installée auprès de la chambre régionale d'agriculture Auvergne Rhône-Alpes, devait être consultée sur la révocation de M. B... employé par la chambre de l'Ardèche, établissement relevant de cette nouvelle circonscription consulaire et, d'autre part, que dans l'attente d'élections organisées, au plus tard, le 31 mars 2016, la commission siégeait par regroupement des deux anciennes formations régionales.

8. Or, cette consultation qui constitue une garantie pour l'agent poursuivi, ne saurait être regardée comme impossible et son absence comme insusceptible de vicier la sanction litigieuse au seul motif que les services de la chambre régionale ont opposé à la demande de saisine un refus manifestement contraire à la lettre des textes qui viennent d'être analysés. Il appartenait au président de la chambre départementale soit de mettre en demeure le président, ou en cas de carence de celui-ci le vice-président - ainsi que le prévoit le IV de l'article 9 du statut - de convoquer la commission siégeant en formation transitoire après lui avoir rappelé les dispositions précitées de l'article 7 du décret du 26 novembre 2015 ou bien de différer la consultation de quelques semaines, dans l'attente de l'installation de la nouvelle commission paritaire régionale.

9. L'autorité disciplinaire n'ayant pas été démunie de moyens de consulter la commission paritaire régionale sur le projet de sanction à infliger à M. B..., et ce vice de procédure suffisant à fonder l'annulation de la révocation, la chambre départementale d'agriculture de l'Ardèche n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé la sanction prononcée le 11 mars 2016 et enjoint au président de l'établissement de réintégrer l'intéressé. Les conclusions de la requête doivent, par suite, être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les conclusions présentées par la chambre départementale d'agriculture de l'Ardèche, partie perdante, doivent être rejetées tandis qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cet établissement une somme de 1 500 euros au titre des frais de l'instance exposés par M. B....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la chambre départementale d'agriculture de l'Ardèche est rejetée.

Article 2 : La chambre départementale d'agriculture de l'Ardèche versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la chambre départementale d'agriculture de l'Ardèche et à M. C... B....

Délibéré après l'audience du 5 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 juillet 2020.

Le président, rapporteur

Ph. ArbarétazLe président assesseur,

Ph. Seillet

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 18LY03051 2

al


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-05-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Procédure. Conseil de discipline.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe ARBARETAZ
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : RENOUARD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Date de la décision : 02/07/2020
Date de l'import : 28/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18LY03051
Numéro NOR : CETATEXT000042114642 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-02;18ly03051 ?
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