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30/06/2020 | FRANCE | N°19LY02890

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 30 juin 2020, 19LY02890


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de l'Isère sur sa demande de délivrance de titre de séjour et l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 1800686-1800688-1902522-1902523 du 9 juillet 2019, le tribunal adminis

tratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet de l'Isère sur sa demande de délivrance de titre de séjour et l'arrêté du 15 mars 2019 par lequel le préfet a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination.

Par un jugement nos 1800686-1800688-1902522-1902523 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juillet 2019 et le 31 octobre 2019, Mme D..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 15 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 15 mars 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", ou subsidiairement, d'examiner à nouveau sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler dans le même délai, ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme D... soutient que :

- l'arrêté méconnaît tant le 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été régulièrement communiquée au préfet de l'Isère qui n'a présenté aucune observation.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Pruvost, président ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... D..., ressortissante algérienne née en 1982, est entrée régulièrement en France en août 2011 sous couvert d'un visa de court séjour. En mars 2017, elle a sollicité, en même temps que son époux, M. A... D..., la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 15 mars 2019, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination. Par un jugement du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté les demandes d'annulation des refus implicites nés du silence gardé par l'autorité préfectorale sur les demandes de titre de séjour présentées par M. et Mme D... ainsi que leurs demandes d'annulation des arrêtés dont ils ont été l'objet, l'un et l'autre. Par la présente requête, Mme D... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du 15 mars 2019.

2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...). ".

3. Mme D... fait valoir qu'elle réside en France depuis 2011, soit depuis plus de sept ans et demi à la date de l'arrêté attaqué, que ses cinq enfants sont nés sur le territoire français, trois d'entre eux étant scolarisés, et qu'avec son époux et sa famille, elle est hébergée par son beau-père, titulaire d'une carte de résident. Elle invoque également son insertion dans la société française, tant sur le plan social que professionnel. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, si Mme D... est entrée régulièrement en France en 2011, elle s'y est ensuite maintenue irrégulièrement jusqu'en 2017, soit pendant plus de six ans et demi, sans avoir jamais engagé aucune démarche afin de régulariser sa situation, ce qui a nécessairement limité sa possibilité d'insertion dans la société française, en particulier sur le plan professionnel. Par ailleurs, eu égard aux conditions de son séjour en France, sa participation à un atelier social et solidaire pendant une année, au début de son séjour en France, ne suffit pas à caractériser une insertion particulière dans la société française. Si elle maîtrise la langue française et si son époux ainsi que ses enfants, nés en France entre 2012 et 2019 dont trois sont scolarisés, étaient également en France à la date de l'arrêté attaqué, rien ne fait obstacle à ce que la famille poursuive sa vie privée et familiale en Algérie, pays dont tous les membres ont la nationalité, alors que son époux est également en situation irrégulière. Mme D... et son époux ont vécu jusqu'à l'âge de trente-deux et vingt-neuf ans en Algérie, où ils conservent nécessairement des attaches personnelles, outre leurs attaches familiales. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour, le préfet a méconnu les stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

4. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

5. Les décisions de refus d'admission au séjour et l'obligation de quitter le territoire français n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de Mme D... de leurs parents. Compte tenu du jeune âge de ces enfants, de la circonstance, ainsi qu'il a été dit au point 3 ci-dessus, que la cellule familiale peut se reconstituer en Algérie, et du fait qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité en Algérie, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme C..., présidente-assesseure,

Mme G..., première conseillère.

Lu en audience publique le 30 juin 2020.

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N° 19LY02890

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02890
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme EVRARD
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-30;19ly02890 ?
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