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30/06/2020 | FRANCE | N°18LY03512

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 30 juin 2020, 18LY03512


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme F... et Carole A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1606841 du 23 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions relatives aux contributions sociales et rejeté, dans son article 2, le

surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme F... et Carole A... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2009, 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1606841 du 23 juillet 2018, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer partiel sur les conclusions relatives aux contributions sociales et rejeté, dans son article 2, le surplus des conclusions de leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 septembre 2018, M. et Mme A..., représentés par Me D..., demandent à la cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 juillet 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités maintenues à leur charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les remboursements de frais de la société Jucema, considérés comme injustifiés à l'issue de la vérification de comptabilité de cette société, qui ne constituent pas des avantages en nature, doivent être imposés comme des suppléments de rémunération et non comme des revenus de capitaux mobiliers ;

- dès lors qu'ils ont reversé dans la caisse sociale les sommes correspondant aux rappels d'impôt sur les sociétés des trois exercices rectifiés à l'issue de la vérification de comptabilité de la société Jucema, ils doivent bénéficier de la cascade complète.

Par un mémoire enregistré le 8 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer partiel et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient que :

- les frais déduits par la société Jucema n'étaient assortis d'aucune pièce justificative ;

- les sommes devant être imposées dans la catégorie des traitements et salaires et non comme revenus de capitaux mobiliers en tant qu'avantages et rémunérations occultes ; les contributions sociales sont entièrement déchargées et l'impôt sur le revenu à concurrence de ce qu'implique le changement de base légale ;

- la cascade complète n'est pas applicable s'agissant de revenus qualifiés d'occultes.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pruvost, président,

- les conclusions de Mme G..., rapporteure publique,

- et les observations de Me D..., représentant M. et Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Jucema, dont Mme B... A... détient 99 % des parts et son époux le restant et dont elle assure la gérance, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la déduction de diverses charges comptabilisées parmi lesquelles des frais de représentation, de voyage et de déplacement et a estimé que ces sommes devaient être soumises à l'impôt sur le revenu entre les mains de M. et Mme A... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. M. et Mme A... ont, en conséquence, été assujettis, suivant la procédure contradictoire, à des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de la réintégration de ces sommes, majorées de 25 %, dans leurs revenus imposables des années 2009, 2010 et 2011, auxquels l'administration a appliqué des majorations pour manquement délibéré. Par un jugement du 23 juillet 2018 le tribunal administratif de Grenoble, après avoir constaté que les conclusions relatives aux contributions sociales étaient partiellement devenues sans objet en raison du dégrèvement de la majoration d'assiette de 25 % des contributions sociales, a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.

Sur l'étendue du litige :

2. En cours d'instance, l'administration a renoncé à imposer les frais de représentation, de voyage et de déplacement réintégrés dans les résultats de la SARL Jucema dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et leur a appliqué le régime d'imposition des associés majoritaires de SARL s'agissant de Mme A... et le régime des traitements et salaires s'agissant de M. A.... Par une décision du 17 janvier 2019, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur départemental des finances publiques de l'Isère a prononcé, en conséquence, le dégrèvement total des contributions sociales et des pénalités établies au titre des années 2009, 2010 et 2011, et, à concurrence de 10 946 euros en droits et 5 691 euros en pénalités, de 7 845 euros en droits et 1 415 euros en pénalités, et de 4 949 euros en droits et 2 556 euros en pénalités, le dégrèvement des compléments d'impôt sur le revenu et des pénalités établis au titre, respectivement, des années 2009, 2010 et 2011. Il en résulte que les conclusions de M. et Mme A... tendant à la décharge des contributions sociales et des pénalités appliquées à ces contributions sont devenues sans objet de même que, dans la mesure des montants indiqués ci-dessus, leurs conclusions tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes.

Sur le surplus des conclusions :

En ce qui concerne la base légale des compléments d'impôt sur le revenu :

3. Pour imposer entre leurs mains les sommes versées à M. et Mme A... par la SARL Jucema, l'administration s'est initialement fondée sur le c de l'article 111 du code général des impôts, aux termes duquel sont notamment considérés comme revenus distribués " les rémunérations et avantages occultes ". Eu égard aux dégrèvements partiels prononcés en cours d'instance et aux justifications fournies par le ministre, il doit être regardé comme ayant saisi la cour d'une demande de maintien des impositions en litige sur le fondement des articles 62 et 82 du code général des impôts.

4. Aux termes, d'une part, de l'article 62 du code général des impôts : " Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l'impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s'ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l'impôt sur les sociétés par application de l'article 211, même si les résultats de l'exercice social sont déficitaires, lorsqu'ils sont alloués : a) aux gérants majoritaires des sociétés à responsabilité limitée n'ayant pas opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes (...) ". Les remboursements de frais, même non justifiés, consentis à un gérant majoritaire de SARL, qui sont susceptibles d'être regardés comme un complément de rémunération trouvant son origine dans l'exercice des fonctions de l'intéressé, constituent, en principe, un élément de sa rémunération imposable, en application des dispositions précitées, dans la catégorie des rémunérations alloués aux gérants majoritaires de SARL, sauf si leur montant, ajouté aux autres éléments de la rémunération, a pour effet de porter le total de celle-ci à un niveau excessif. Dans cette hypothèse, les remboursements de frais injustifiés peuvent être imposés comme revenus de capitaux mobiliers.

5. Aux termes, d'autre part, de l'article 82 du code général des impôts : " Pour la détermination des bases d'imposition, il est tenu compte du montant net des traitements, indemnités et émoluments, salaires, pensions et rentes viagères, ainsi que de tous les avantages en argent ou en nature accordés aux intéressés en sus des traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères proprement dits. (...). ". Le montant du revenu net imposable est déterminé selon les règles prévues par l'article 83 du code général des impôts. Il résulte de ces dispositions que les avantages en argent ou en nature accordés par les employeurs à leurs salariés en sus de leurs émoluments et salaires ont en principe le caractère de salaires et sont imposables en tant que tels. L'administration ne peut les imposer sur le fondement des revenus de capitaux mobilier que si elle établit que leur octroi à l'intéressé aboutit à porter sa rémunération à un niveau excessif.

6. En l'espèce, les frais litigieux de restauration, représentation, voyages et déplacements remboursés par la SARL Jucema à Mme A..., gérante et associée majoritaire, et à M. A..., salarié, ont été enregistrés sous le libellé " notes de frais " et " voyages et déplacements " dans la comptabilité. Il est constant que ces frais trouvent leur origine dans l'exercice de leurs fonctions et qu'eu égard aux fonctions occupées, ces avantages et compléments de rémunération ne portent pas leur rémunération à un niveau excessif. Ainsi, les sommes versés doivent être regardées comme des avantages et compléments de rémunération imposables, s'agissant de Mme A..., sur le fondement de l'article 62 du code général des impôts et, s'agissant de M. A..., sur le fondement de l'article 82 du code. La substitution de base légale ne privant les contribuables d'aucune garantie, il y a lieu de la prononcer et de maintenir les compléments d'impôt sur le revenu auxquels M. et Mme A... ont été assujettis dans la limite des montants qu'impliquent les nouvelles bases légales retenues. L'administration ayant toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 2 ci-dessus, déjà tiré les conséquences d'une telle substitution de base légale en prononçant les dégrèvements qui en découlent dont le montant n'est pas contesté par les requérants, il n'y a pas lieu de prononcer de ce chef une décharge supplémentaire des impositions assignées à ce titre.

En ce qui concerne l'application de la cascade :

7. Aux termes de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales : " (...) Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent, dans la mesure où le bénéfice correspondant aux rectifications effectuées est considéré comme distribué, par application des articles 109 et suivants du code général des impôts, à des associés ou actionnaires (...), demander que l'impôt sur le revenu supplémentaire dû par les bénéficiaires en raison de cette distribution soit établi sur le montant du rehaussement soumis à l'impôt sur les sociétés diminué du montant de ce dernier impôt. (...) Les demandes que les contribuables peuvent présenter au titre des troisième et quatrième alinéas doivent être faites au plus tard dans le délai de trente jours consécutif à la réception de la réponse aux observations prévue à l'article L. 57 ou, à défaut, d'un document spécifique les invitant à formuler lesdites demandes. (...) ".

8. Les dispositions de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales ne visent que les sommes réputées distribuées en conséquence d'un rehaussement des bénéfices déclarés par une société. Ainsi qu'il a été dit, l'imposition des sommes en litige, appréhendées directement par M. et Mme A..., doit être maintenue sur le fondement de l'article 62 du code général des impôts s'agissant de Mme A... et de l'article 82 du code s'agissant de M. A.... Dès lors, le moyen tiré de l'application des dispositions de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que, sous réserve des dégrèvements intervenus en cours d'instance, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de leur demande.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de M. et Mme A... et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à leur verser au titre des frais exposés dans l'instance.

DECIDE :

Article 1er : A concurrence de 10 946 euros en droits et 5 691 euros en pénalités pour l'année 2009, 7 845 euros en droits et 1 415 euros en pénalités pour l'année 2010, et 4 949 euros en droits et 2 556 euros en pénalités pour l'année 2011, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme F... et Carole A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme C... présidente-assesseure,

Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique le 30 juin 2020.

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N° 18LY03512

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03512
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme CONESA-TERRADE
Avocat(s) : CABINET DURAFFOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-30;18ly03512 ?
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