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26/06/2020 | FRANCE | N°19LY04297

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 26 juin 2020, 19LY04297


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- par une requête n° 1805994, d'annuler la décision par laquelle le préfet du Rhône a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour présentée le 3 mai 2017 ;

- par une requête n° 1904216, d'annuler l'arrêté du 21 mai 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

- d'enj

oindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou de réexaminer sa demande.

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- par une requête n° 1805994, d'annuler la décision par laquelle le préfet du Rhône a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour présentée le 3 mai 2017 ;

- par une requête n° 1904216, d'annuler l'arrêté du 21 mai 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou de réexaminer sa demande.

Par un jugement n° 1805994, 1904216 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 25 novembre 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 septembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du préfet du Rhône du 21 mai 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et une autorisation provisoire de séjour dans l'attente sous quarante-huit heures, à titre subsidiaire de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à Me B..., en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi sont insuffisamment motivés ;

- le préfet du Rhône n'a pas procédé à un examen particulier et exhaustif de sa situation ;

- l'arrêté en litige est intervenu en violation de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur de droit dans l'application de l'article R. 5221-11 du code du travail ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en portant une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ; elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Josserand-Jaillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Entré irrégulièrement sur le territoire français en juillet 2012 selon ses déclarations, et pris en charge par l'aide sociale à l'enfance en tant que mineur isolé, M. A..., ressortissant burkinabé, a sollicité à sa majorité un titre de séjour sur le fondement du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui lui a été refusé par une décision, confirmée par le tribunal administratif, du préfet du Rhône en date du 22 septembre 2015 lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant son pays d'origine pour destination. Le 3 mai 2017, M. A..., qui s'était maintenu sur le territoire, a sollicité un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Rhône a gardé le silence plus de quatre mois sur cette demande, faisant naître une décision implicite dont l'intéressé a sollicité l'annulation devant le tribunal administratif de Lyon, puis, par un arrêté du 21 mai 2019, dont M. A... a sollicité l'annulation par une seconde demande, le préfet du Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire, et a fixé son pays d'origine pour destination de cette mesure. M. A... relève appel du jugement du 17 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses deux demandes.

Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :

2. En premier lieu, il ressort de la lecture de l'arrêté du 21 mai 2019 que le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire, laquelle n'a pas à faire l'objet en l'espèce d'une motivation distincte, comme la décision fixant le pays de destination comportent respectivement l'énoncé des considérations de droit, en précisant notamment l'application du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les faits propres à la situation de M. A... portés à la connaissance de l'administration, sur lesquels le préfet du Rhône s'est fondé pour prendre ces décisions, dans une mesure suffisante pour permettre au destinataire d'en connaître et contester utilement les motifs, et au juge d'exercer son contrôle de l'excès de pouvoir en pleine connaissance de cause. Ces décisions sont ainsi suffisamment motivées. Enfin, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la seule circonstance que le préfet ait examiné d'office si le requérant remplissait les conditions de délivrance du titre de séjour prévu à l'article L. 313-10 du même code ne saurait dès lors constituer un défaut d'examen complet de la situation de l'intéressé.

3. En deuxième lieu, l'article 6 de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Burkina Faso sur la circulation et le séjour des personnes du 14 septembre 1992 stipule que : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre État une activité professionnelle industrielle, commerciale ou artisanale doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, avoir été autorisés à exercer leur activité par les autorités compétentes de l'État d'accueil. " L'article 10 de la même convention dispose que : " Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les ressortissants burkinabés doivent posséder un titre de séjour. (...). Ces titres de séjour sont délivrés conformément à la législation de l'État d'accueil. " Aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". / (...) ". Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. " Il résulte de ces stipulations que la convention franco-burkinabée renvoie, par son article 10, à la législation nationale pour la délivrance et le renouvellement des titres de séjour. Ainsi, les ressortissants burkinabés souhaitant exercer une activité professionnelle, industrielle, commerciale ou artisanale en France doivent solliciter un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. M. A... fait valoir que, s'il a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il a présenté concomitamment une demande d'autorisation de travail sur laquelle le préfet du Rhône devait statuer au regard de l'article L. 313-10 du même code préalablement à l'examen de sa situation au regard du séjour.

5. Aux termes de l'article R. 5221-11 du code du travail : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. / Elle peut également être présentée par une personne habilitée à cet effet par un mandat écrit de l'employeur ". Aux termes de l'article R. 5221-15 du même code : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, après un refus d'instruction par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en date du 28 novembre 2017 d'une demande similaire datée du 17 novembre 2017, le préfet indique avoir reçu de la SARL La Tablature le formulaire de demande d'autorisation de travail pour salarié étranger daté du 12 décembre 2017 en vue de l'embauche de M. A... sur un poste de cuisinier en apprentissage. Or, en l'absence de réponse expresse au terme d'un délai de deux mois et par application des dispositions précitées, ainsi que l'a à bon droit relevé le tribunal administratif, cette demande d'autorisation de travail avait été implicitement rejetée à la date des décisions en litige, le 21 mai 2019. Le préfet, qui a ainsi statué sur la demande sans qu'il ait été tenu par aucun texte de recueillir préalablement l'avis du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi sur la demande du 12 décembre 2017, a ainsi pu se fonder sur la circonstance que le requérant ne disposait d'aucun contrat de travail visé au sens des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans commettre d'erreur de droit.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

8. M. A... est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, alors qu'il était encore mineur en juillet 2012 et il y réside depuis à la date des décisions qu'il conteste. Il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente obligation de quitter le territoire français en date du 22 septembre 2015, méconnaissant ainsi une mesure de police dont la légalité a été reconnue par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 juin 2016 et un arrêt de la cour administrative d'appel du 5 décembre 2016. M. A... est célibataire et sans charge de famille. Son père, sa mère et ses frères et soeurs résident au Burkina Faso, qu'il a quitté pour des raisons économiques, où il a vécu jusqu'en 2012. S'il fait état de ses diplômes obtenus en France, il n'est aucun obstacle à ce qu'il valorise ceux-ci dans son pays d'origine. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et notamment de l'avis des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qu'après sa prise en charge curative en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut sans risques voyager vers son pays d'origine. Dans ces conditions, en dépit de ses efforts d'intégration soulignés par l'équipe de l'aide sociale à l'enfance qui l'a maintenu en contrat " jeune majeur " et nonobstant la perspective de son embauche dans une entreprise de restauration, les décisions en litige ne portent pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par suite, elles ne méconnaissent pas les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, ces décisions ne sont pas entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elles sont susceptibles de comporter pour la situation personnelle de l'intéressé.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ."

10. Il résulte des circonstances de fait précédemment énoncées, que M. A... ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels pouvant donner lieu à une admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale ou portant la mention " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Rhône, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'a pas entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le préfet du Rhône a rejeté sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée et, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. Josserand-Jaillet, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 juin 2020.

N° 19LY04297 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04297
Date de la décision : 26/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : RAHMANI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-26;19ly04297 ?
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