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26/06/2020 | FRANCE | N°19LY01843

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 26 juin 2020, 19LY01843


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision par laquelle le préfet du Rhône a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour ;

- d'annuler les décisions du 25 mai 2018 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;

- d'enj

oindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision par laquelle le préfet du Rhône a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour ;

- d'annuler les décisions du 25 mai 2018 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter sans délai le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement nos 1707276, 1804877 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de M. C....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée sous le n° 19LY01843 le 16 mai 2019, M. C... représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement nos 1707276, 1804877 du 12 mars 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 25 mai 2018 par lesquelles le préfet du Rhône a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation après consultation de la commission du titre de séjour et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en retenant des pièces concernant les années 2006 et 2007 pour fonder sa décision ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il justifie d'une résidence ininterrompue en France depuis dix ans à la date des décisions en litige ;

- les décisions contestées sont intervenues au terme d'une procédure irrégulière à défaut de la consultation de la commission du titre de séjour en application du 2e alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- ces décisions sont insuffisamment motivées ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de sa demande ;

- il justifie d'une vie privée, professionnelle et familiale en France à laquelle le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée ; ce refus est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ;

- il justifie courir des risques pour sa sécurité personnelle dans son pays d'origine ; la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président,

- les observations de Me A... pour M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., né le 6 mars 1970 à Paris, de nationalité togolaise, est entré en France, selon ses déclarations, le 2 juillet 2006. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée le 31 octobre 2006 par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) confirmée le 8 décembre 2008 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par une décision du 9 mars 2009, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français. Le 22 juin 2015, il a présenté au préfet du Rhône une nouvelle demande de titre de séjour que, par un arrêté du 28 août 2015, ce préfet, qui lui a de nouveau fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a rejetée. Il a alors présenté, le 24 novembre 2016, une nouvelle demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. C... relève appel du jugement du 12 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de son recours tendant à l'annulation des décisions du 25 mai 2018 par lesquelles le préfet du Rhône a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement.

2. En premier lieu, à l'exception de trois attestations de membres de sa famille se déclarant en cette qualité, qu'il a produites à hauteur d'appel, M. C... a produit à l'appui de sa demande et en première instance de nombreux documents en vue d'établir sa présence habituelle en France, dont des pièces portant sur la période antérieure aux dix années pleines précédant la date des décisions en litige. M. C... ne saurait dès lors faire grief aux premiers juges, qui ce faisant n'ont pas étendu le champ de l'application des dispositions invoquées par le requérant au-delà des conditions que celles-ci fixent, d'avoir examiné la valeur probante de l'ensemble de ces pièces, non plus qu'il ne saurait en tirer que l'administration n'aurait pas procédé à un examen circonstancié de sa demande.

3. En deuxième lieu, tandis qu'aucun texte ou principe ne fait obligation à l'administration d'énumérer explicitement dans sa décision chacun des éléments de fait relatifs à la situation personnelle de l'intéressé, les décisions en litige énoncent les considérations de fait et de droit sur lesquelles elles se fondent dans une mesure suffisante pour permettre au destinataire d'en comprendre et contester utilement les motifs et au juge de l'excès de pouvoir d'exercer son contrôle en pleine connaissance de cause. Ces décisions sont dès lors suffisamment motivées.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

5. M. C... produit, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, de nombreuses pièces qui attestent de sa présence habituelle sur le territoire français entre janvier 2010 et mai 2018. En revanche, à l'exception des opérations bancaires qui nécessitaient sa présence effective le 17 août 2006, le 13 septembre 2006, le 6 novembre 2006, le 5 janvier 2007, le 5 février 2007, le 6 mai 2008, le 6 octobre 2008, et de la délivrance par une association caritative d'un colis alimentaire le 30 décembre 2009, les différents courriers dont il a été destinataire avant cette dernière date ne permettent pas d'établir la réalité de sa présence en France. Enfin, il doit être tiré des termes de l'attestation, produite par M. C..., de l'Union des forces du changement qui lui a été délivrée le 12 octobre 2009 à Lomé qu'à cette date " il (était) contraint de quitter le Togo ", et, par suite, hors de France. Dès lors, les documents qu'il produit ne permettent pas de justifier du caractère habituel de sa présence en France depuis plus de dix ans à la date des décisions en litige. Par suite, le préfet du Rhône n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Ces stipulations ne sauraient, en tout état de cause, s'interpréter comme comportant pour un Etat l'obligation générale de respecter le choix, par un demandeur de titre de séjour, d'y établir sa résidence privée et de permettre son installation ou le regroupement de sa famille sur son territoire.

7. M. C... se prévaut de sa durée de séjour en France, où résident des membres de sa famille, et de ses compétences pour occuper rapidement un emploi. Cependant, il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré deux précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre. Il ne justifie pas ses allégations sur une perspective d'intégration professionnelle en France. S'il est né à Paris, M. C... a vécu de l'âge de deux ans jusqu'à, selon ses déclarations, l'âge de trente-six ans au Togo où il a nécessairement conservé des attaches. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il encourrait des risques qui ne lui permettraient pas d'y mener une vie privée et familiale normale. Dans ces conditions, les décisions en cause n'ont pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus. Le préfet du Rhône n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché le refus de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

8. En cinquième lieu, comme il a été dit ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. C... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus de titre à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

9. Enfin, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que ce dernier texte énonce que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C..., à qui l'asile a été refusé, encourt des risques actuels et personnels en cas de retour au Togo, pays dont il possède la nationalité.

10. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, ses demandes ont été rejetées. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Josserand-Jaillet, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 juin 2020.

N° 19LY01843


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01843
Date de la décision : 26/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-26;19ly01843 ?
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