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18/06/2020 | FRANCE | N°18LY02568

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 18 juin 2020, 18LY02568


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 2 novembre 2016 par laquelle le procureur de la République, près le Tribunal de grande instance de Lyon, lui a retiré son agrément de policier municipal.

Par un jugement n° 1700028 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2018, et un mémoire non communiqué enregistré le 4 décembre 2019, M. E..., représen

té par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 2 novembre 2016 par laquelle le procureur de la République, près le Tribunal de grande instance de Lyon, lui a retiré son agrément de policier municipal.

Par un jugement n° 1700028 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 juillet 2018, et un mémoire non communiqué enregistré le 4 décembre 2019, M. E..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 mai 2018 ;

2°) d'annuler la décision précitée du procureur de la République, près le Tribunal d'Instance de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que le rapporteur public n'était pas impartial, et que ce dernier a procédé au renvoi à des conclusions prononcées devant une autre formation de jugement ;

- le jugement est entaché d'omissions à statuer sur les moyens tirés du détournement de procédure et de ce que l'auteur de la décision s'est estimé en situation de compétence liée ;

- la procédure est irrégulière dès lors que le procureur de la République n'a pas pris en compte ses observations écrites;

- il n'a pas été suffisamment informé des modalités de la procédure contradictoire, le courrier du Procureur de la République du 11 octobre 2016 étant ambigu ;

- la décision litigieuse est entachée d'erreurs de fait et d'erreur d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2019, la commune de Mornant, représentée par Me B..., intervient au soutien de la défense et demande que soit mise à la charge de M. E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 99-291 du 15 avril 1999 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G..., présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me C... pour M. E... et de Me B... pour la commune de Mornant ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., né le 30 janvier 1969, a été agréé le 9 mars 2005 en qualité de policier municipal par le préfet du Rhône et a obtenu le 7 juillet 2005 l'agrément du procureur près le tribunal de grande instance de Lyon. Il relève appel du jugement du 2 mai 2018 du tribunal administratif de Lyon qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 novembre 2016 par laquelle le procureur de la République lui a retiré son agrément de policier municipal.

Sur l'intervention de la commune de Mornant :

2. La commune de Mornant ayant intérêt au rejet de la requête d'appel de M. E..., son intervention en défense doit être admise.

Sur la régularité du jugement :

3. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal n'a pas répondu aux moyens, soulevés par M. E... dans le mémoire enregistré le 9 juillet 2018, qui n'étaient pas inopérants, tirés de ce que la décision est entachée d'un détournement de pouvoir et de ce que le procureur de la République s'est cru en situation de compétence liée. Le tribunal a ainsi entaché son jugement d'omissions à statuer. Ce jugement doit par suite, être annulé, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen relatif à la régularité du jugement.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. E... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur la légalité de la décision du 2 novembre 2016 :

5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 122-1 du même code prévoit que " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix ". Enfin l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 prévoit que : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardés dans leur avancement à l'ancienneté ".

6. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 11 octobre 2016, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon, a informé M. E... qu'en raison de faits précisément détaillés, il envisageait de lui retirer son agrément de policier municipal. Ce même courrier lui précisait qu'il avait la possibilité, dans un délai de quinze jours, de présenter des observations orales et/ou écrites et de se faire assister d'un conseil. Les indications dans ce courrier étaient suffisantes pour que M. E... puisse présenter des observations ce qu'il a d'ailleurs fait par un courrier du 26 octobre 2016. Par ailleurs M. E... a été reçu en entretien le 27 octobre 2016, et il n'établit ni ne soutient que la communication de son dossier lui aurait été refusée. Par suite, et alors même qu'il n'aurait pas été destinataire ou informé d'un courrier du conseil de la commune du 10 octobre 2016, pièce qui ne fait pas partie de son dossier, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le procureur de la république aurait méconnu les garanties offertes par les dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ou celles de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905.

7. En deuxième lieu, il ne résulte pas des termes de la décision en litige, que le procureur de la République n'aurait pas procédé à un examen de la situation de M. E... et tenu compte notamment de ses observations écrites, alors même qu'elles n'ont pas été visées, ce que le procureur n'était pas tenu de faire.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 511-2 du code de la sécurité intérieure : Les fonctions d'agent de police municipale ne peuvent être exercées que par des fonctionnaires territoriaux recrutés à cet effet (...) Ils sont (...) agréés par le représentant de l'Etat dans le département et le procureur de la République, puis assermentés. Cet agrément et cette assermentation restent valables tant qu'ils continuent d'exercer des fonctions d'agents de police municipale. (...) L'agrément peut être retiré ou suspendu par le représentant de l'Etat ou le procureur de la République après consultation du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale. (...) ". D'autre part, aux termes de l'article R. 515-8 du même code, inséré dans le chapitre relatif à la déontologie des agents de police municipale : " L'agent de police municipale est tenu, dans la limite de ses attributions, d'exécuter les tâches relevant de la compétence du maire que celui-ci lui confie en matière de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publiques ". L'article R. 515-20 dispose également que " L'agent de police municipale est tenu de se conformer aux instructions du maire et, le cas échéant, des agents de police municipale chargés de son encadrement, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que l'agrément accordé à un policier municipal peut légalement être retiré lorsque l'agent ne présente plus les garanties d'honorabilité auxquelles est subordonnée sa délivrance. L'honorabilité d'un agent de police municipale, nécessaire à l'exercice de ses fonctions, dépend notamment de la confiance qu'il peut inspirer, de sa fiabilité et de son crédit.

10. Le retrait d'agrément prononcé par le procureur de la République est fondé sur le fait que l'intéressé n'a pas respecté certaines consignes du maire, notamment en refusant de conduire le véhicule mis à sa disposition, en omettant de porter l'intégralité de son uniforme pour l'exercice de ses missions, en ne se présentant pas systématiquement aux lieux d'entrée et de sortie des écoles publiques. Il a aussi relevé une attitude et des propos irrespectueux envers des administrés, les gendarmes et une assistante de la mairie. Même s'il n'est pas établi que le requérant aurait refusé à plusieurs reprises de porter l'uniforme, les autres agissements qui lui sont reprochés sont de nature, à eux-seuls, à remettre en cause la confiance nécessaire au bon accomplissement de sa mission tant en ce qui concerne ses collègues et ses supérieurs, que le maire et l'autorité judiciaire. M. E... ne présentant plus les garanties d'honorabilité requises pour occuper les fonctions d'autorité auxquelles il avait été nommé, le procureur de la République n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation ou d'erreurs de fait.

11. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et de la teneur de la décision en litige que le procureur de la République aurait méconnu l'étendue de sa compétence.

12. En dernier lieu, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du procureur de la République du 2 novembre 2016 lui retirant son agrément de policier municipal.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que demande M. E... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées aux mêmes fins par la commune de Mornant, qui en, sa qualité d'intervenante, n'est pas partie à l'instance, doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la commune de Mornant est admise.

Article 2 : Le jugement n° 1700028 du 2 mai 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation la décision du procureur de la République du 2 novembre 2016 est rejetée.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Mornant sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E..., au ministre de la justice, Garde des Sceaux, et à la commune de Mornant.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... A..., présidente de chambre,

Mme H..., présidente-assesseure,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2020.

2

N° 18LY02568


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02568
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-025 Police. Personnels de police.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SAUMET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-18;18ly02568 ?
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