La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/06/2020 | FRANCE | N°19LY02832

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 15 juin 2020, 19LY02832


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ain du 29 novembre 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par jugement n° 1809524 du 15 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 18 juillet 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju

gement du 15 avril 2019 ainsi que l'arrêté du 29 novembre 2018 susvisé ;

2°) d'enjoindre au préfet de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ain du 29 novembre 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

Par jugement n° 1809524 du 15 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 18 juillet 2019, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 avril 2019 ainsi que l'arrêté du 29 novembre 2018 susvisé ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en raison de l'impartialité du magistrat désigné et du non-respect du principe du contradictoire ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et ses motifs sont entachés d'erreurs matérielles ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 743-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la fixation du pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par mémoire enregistré le 14 janvier 2020, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 5 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,

- les observations de Me B... pour M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant albanais né le 15 septembre 1989, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, pour la dernière fois le 5 octobre 2016. Il relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 231-1-1 du code de justice administrative : " Les magistrats des tribunaux administratifs (...) exercent leurs fonctions en toute indépendance, dignité, impartialité, intégrité et probité et se comportent de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard. / Ils s'abstiennent de tout acte ou comportement à caractère public incompatible avec la réserve que leur imposent leurs fonctions (...) ". Les propos prêtés par le requérant au magistrat ayant statué sur la demande de première instance ne sont corroborés par aucun commencement de démonstration. Par suite, le moyen tiré du défaut d'impartialité de la formation de jugement doit être écarté.

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Si M. C... soutient que le principe du contradictoire devant la juridiction de première instance aurait été méconnu dès lors que le premier juge a fait référence à des décisions rendues par les juridictions administratives de droit commun et spécialisées le concernant, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Ain s'était prévalu de ces mêmes décisions dans son arrêté en litige et dans ses écritures en première instance. Par suite, cette circonstance n'a entaché le jugement attaqué d'aucune irrégularité.

Sur le fond du litige :

4. En premier lieu, M. C... reprend en appel, sans les assortir d'élément de fait ou de droit nouveaux, les moyens tirés de l'insuffisante motivation et du défaut d'examen qui entacheraient les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus par le premier juge.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés (...) et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...), le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen (...) ". Aux termes de l'article 33 de la Convention de Genève : " 1. Aucun des États Contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradant ".

6. Il résulte des mentions de l'arrêté en litige que M. C... a fait l'objet le 5 septembre 2013 d'une décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 3 septembre 2014. La demande de réexamen présentée par l'intéressé a également été rejetée les 6 janvier 2015 et 2 juillet 2015 respectivement par l'OFPRA et la CNDA. Dans ces conditions, et alors que M. C... a présenté le 27 juillet 2018 une demande de réexamen de sa demande d'asile ayant succédé à une demande de réexamen définitivement rejetée en 2015, sans apporter d'élément nouveau attestant de la réalité de menaces pesant sur lui en cas de retour dans son pays, le préfet de l'Ain a pu légalement édicter la mesure d'éloignement en litige sur le fondement du 5°) de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans méconnaître les stipulations de l'article 33 de la Convention de Genève ni celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En troisième lieu, M. C... réitère en appel son moyen tiré d'erreurs matérielles entachant les motifs de l'obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. M. C..., entré en France une première fois en 2012 avec sa mère et ses deux soeurs et une seconde fois en octobre 2016 après avoir été reconduit à la frontière, a récupéré la garde de ses deux filles mineures nées en France en 2013 et 2014 en juillet 2018 et n'est plus en contact avec la mère de celles-ci. S'il se prévaut de la présence en France de sa mère et ses soeurs, qui ont obtenu des titres de séjour, M. C... ne justifie pas de la nécessité de sa présence auprès d'elles et n'a produit aucun élément en première instance ni en appel justifiant de son intégration socioprofessionnelle au sein de la société française hormis une promesse d'embauche datant d'avril 2016. Il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Albanie où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt ans. Dans ces conditions, et alors que la cellule familiale qu'il forme avec ses deux enfants mineurs pourra se reconstituer en Albanie où ceux-ci pourront être scolarisés, l'obligation de quitter le territoire ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

10. En cinquième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, la décision fixant le pays de destination ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

11. En sixième lieu, l'appelant se prévaut de nouveaux éléments démontrant selon lui l'actualité de craintes de traitements inhumains et dégradants qu'il risquerait de subir en cas de retour en Albanie. M. C... produit un jugement rendu, le 5 juillet 2017, par la cour de cassation de Tirana, traduit partiellement en français, qui ne permet toujours pas de tenir pour établis les faits de traite d'êtres humains dont aurait été victime sa soeur en Albanie ni les risques encourus par ce dernier en cas de retour dans ce pays. La coupure de presse du 7 décembre 2017 relate l'incendie d'un appartement situé à Bajram Curri Tropoje dont il n'est pas rapporté la preuve qu'il aurait appartenu à la mère de M. C... ni que l'incendie serait d'ailleurs d'origine criminelle. Ces éléments ne permettent pas d'établir que l'intéressé serait exposé, de façon personnelle et actuelle, à des risques sérieux pour sa vie, sa sécurité ou sa liberté en cas de retour en Albanie ni que les autorités de cet Etat refuseraient ou seraient dans l'impossibilité de le protéger. Par suite, en désignant le pays dont il possède la nationalité comme pays de renvoi, le préfet de l'Ain n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté pris le 29 novembre 2018 à son encontre par le préfet de l'Ain. Les conclusions de sa requête d'appel, présentées aux mêmes fins, doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il présente sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

13. En vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les cours administratives d'appel peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires. Les passages de la requête de M. C... commençant par les mots " en l'espèce " et se terminant par les mots " regroupement familial " (page 5 de la requête) présentent un caractère diffamatoire et doivent être supprimés.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les passages de la requête de M. C... commençant par les mots " en l'espèce " et se terminant par les mots " regroupement familial " (page 5 de la requête) sont supprimés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2020, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 15 juin 2020.

6

N° 19LY02832


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02832
Date de la décision : 15/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-15;19ly02832 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award