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04/06/2020 | FRANCE | N°19LY03011

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 04 juin 2020, 19LY03011


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le 11 juillet 2019, M. D... B..., alors retenu au centre de rétention administrative de Lyon Saint-Exupéry (69125 aéroport Lyon - Saint-Exupéry), représenté par Me F..., a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions en date du 10 juillet 2019 par lesquelles le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée

d'un an et a fixé le pays de destination ;

2°) de l'admettre provisoirement à l'ai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Le 11 juillet 2019, M. D... B..., alors retenu au centre de rétention administrative de Lyon Saint-Exupéry (69125 aéroport Lyon - Saint-Exupéry), représenté par Me F..., a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions en date du 10 juillet 2019 par lesquelles le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a fixé le pays de destination ;

2°) de l'admettre provisoirement à l'aide juridictionnelle ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1905378 du 15 juillet 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, a admis M. B... à l'aide juridictionnelle provisoire puis a annulé la décision du 10 juillet 2019 du préfet de la Savoie portant obligation de quitter le territoire français et a annulé par voie de conséquence d'une telle annulation les décisions préfectorales du même jour portant refus de délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Ce jugement a également mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. D... d'une somme de 600 euros, ceci sous réserve de l'obtention définitive par M. D... de l'aide juridictionnelle et de la renonciation de son conseil à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2019, le préfet de la Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 juillet 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande présentée le 11 juillet 2019 par M. B... devant le tribunal administratif de Lyon ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le magistrat désigné a considéré que la situation de M. B... n'avait pas fait l'objet d'un examen particulier par ses services ; il a fait état des circonstances dans lesquelles M. B... a été contrôlé par les services des douanes ; il a mentionné la seule présentation par l'intéressé d'un passeport gambien dépourvu de visa l'autorisant à circuler et à séjourner en France ; l'absence de présentation de justificatifs sur un droit à circulation ou au séjour en France, l'intéressé ayant d'abord déclaré avoir perdu son titre de séjour italien puis l'avoir oublié en Italie ; il a retranscrit les dires de l'intéressé, contradictoires et confus, lors de ses auditions par les services de police concernant ce titre de séjour italien, son déplacement en Allemagne et son lieu de résidence en Italie et sur la " perte " de ses documents de séjour italien ; le centre de coopération policière et douanière de Modane a indiqué que le titre de séjour italien portant la mention " motif humanitaire " délivré à M. B... était expiré depuis le 18 juin 2019 ; qu'il ne s'est pas vu reconnaître une protection au titre de l'asile et n'avait effectué aucune demande de renouvellement de son titre de séjour italien ; bien que l'intéressé ne dispose d'aucun droit au séjour en Italie, une demande de réadmission auprès des autorités italiennes a été toutefois adressée le 10 juillet 2019 et a été explicitement rejetée par ces dernières le 12 juillet 2019 ; l'intéressé à la date de l'arrêté en litige du 10 juillet 2019 ne disposait d'aucun droit au séjour en Allemagne et en France ; il ne justifie pas disposer de moyens d'existence ; il a refusé de repartir en Gambie et a déclaré vouloir repartir en Italie, pays où à la date de l'arrêté en litige, il ne dispose d'aucun droit au séjour ; le juge des libertés et de la détention dans son ordonnance du 12 juillet 2019 a retenu que " n'ayant plus de titre de séjour italien valable alors qu'il rentrait d'un séjour en Allemagne, M. B... n'était pas réadmissible en Italie où il se trouve désormais en situation irrégulière ; il ne justifie pas de liens personnels et familiaux stables et durables en France ni d'ailleurs au demeurant en Italie où il déclare être hébergé chez un ami ; il n'a déclaré aucune adresse en France ou en Italie.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2019, M. B..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que l'Etat verse une somme de 1 200 euros à son conseil au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative à charge pour ce dernier de renoncer à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- les décisions portant obligation de quitter le territoire, lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour sont insuffisamment motivées ; le préfet a commis une erreur de droit en ne procédant pour chacune de ces décisions à un examen particulier et sérieux de sa situation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L.531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision lui refusant un délai de départ volontaire :

- il excipe de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L.511-1- II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce concerne la décision lui faisant interdiction de retour :

- il excipe de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire et lui refusant un délai de départ volontaire ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L.511-1- III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridique totale par décision en date du 25 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Chambéry le 3 octobre 1997 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant gambien, né le 25 décembre 1999 en Gambie, a été contrôlé par les services de la douane le 10 juillet 2019 à la Motte Servolex (Savoie) alors qu'il se trouvait à bord d'un bus en provenance de Lyon et en direction de l'Italie. Par arrêté du 10 juillet 2019, le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé les pays vers lesquels il pourrait être reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par arrêté du même jour, reconnu légal successivement par le juge de la liberté et de la détention du tribunal de grande instance de Lyon le 12 juillet 2019 puis par ordonnance du 14 juillet 2019 de la cour d'appel de Lyon, le préfet a placé en rétention administrative M. B.... A l'issue de l'audience s'étant déroulée le 15 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon, par jugement du 15 juillet 2019, a annulé la décision du 10 juillet 2019 portant obligation de quitter le territoire et par voie de conséquence les décisions lui refusant un délai de départ volontaire, fixant les pays de destination et lui interdisant un retour en France pour une durée d'un an. Le préfet de la Savoie fait appel de ce jugement du 15 juillet 2019.

Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ". Aux termes de l'article L. 531-1 de ce code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1 et L. 311-1 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne, en vigueur au 13 janvier 2009 (...) ".

3. Il ressort des dispositions qui précèdent que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou du deuxième alinéa de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat.

4. La circonstance que M. B... ait pu avoir en 2017 un titre de séjour mention humanitaire délivré par les autorités italiennes dont il est constant qu'il avait expiré depuis le 18 juin 2019 soit avant la décision portant obligation de quitter le territoire ne faisait pas obstacle à l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français à son encontre mais était uniquement susceptible d'avoir une incidence sur la désignation du pays de renvoi. Dans ces conditions, le préfet de la Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a retenu le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de M. B..., du fait de l'absence de mention quant à l'examen d'une possibilité de remise à l'Italie, pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire et a annulé par voie de conséquence les décisions fixant le pays de destination et portant interdiction de retour du territoire.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur les moyens communs :

6. En premier lieu, par un arrêté n°73-2019-05-28-004 du 28 mai 2019, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Savoie du 29 mai 2019 le préfet de Savoie a donné délégation à M. Pierre Molager, secrétaire général de la préfecture, signataire de l'arrêté attaqué, à l'effet de signer l'ensemble des actes à l'exception des réquisitions de la force armée et des arrêtés de conflit. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté.

7. En second lieu, l'arrêté en litige vise les textes applicables, notamment le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le 3° du II de l'article L.511-1 et le III de l'article L.511-1 du même code, ainsi que la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment ses articles 3 et 8. Pour prononcer à son encontre l'obligation de quitter le territoire, le préfet de Savoie a indiqué que M. B... ne pouvait justifier être entré régulièrement sur le territoire, qu'il était actuellement dépourvu de titre de séjour en cours de validité et n'avait pas respecté les exigences de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. De plus, pour refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire à M. B..., le préfet a retenu qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire dès lors que, n'ayant pas déclaré le lieu de sa résidence effective en France et ne justifiant pas disposer de moyens d'existence en dehors d'une somme de 85 euros, il ne présentait pas de garanties suffisantes de représentation. Le préfet a également mentionné concernant l'interdiction de retour en France que M. B... ne dispose d'aucune attache familiale en France et qu'il n'a pas demandé l'asile. Il a rappelé les conditions d'interpellation du requérant, l'expiration de son titre de séjour italien et qu'aucun motif humanitaire ne s'opposait au prononcé d'une interdiction de retour. Si l'intéressé soutient que l'arrêté aurait dû indiquer qu'il était en France en qualité de touriste, qu'il possédait un passeport en cours de validité et se rendait en Italie lors du contrôle effectué, l'arrêté qui comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement est suffisamment motivé.

8. En troisième lieu, en ce qui concerne les décisions lui refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et lui interdisant de revenir sur le territoire français, il ressort des termes mêmes de ces décisions que le préfet a procédé à un examen personnalisé de la situation du requérant. Le moyen tiré de l'erreur de droit ainsi alléguée qui manque en fait doit être écarté.

Sur les moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. La circonstance que M. B... ait pu avoir en 2017 un titre de séjour mention humanitaire délivré par les autorités italiennes dont il est constant qu'il avait expiré depuis le 18 juin 2019, soit avant la décision portant obligation de quitter le territoire ne faisait pas obstacle à l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français à son encontre mais était uniquement susceptible d'avoir une incidence sur la désignation du pays de renvoi. Dans ces conditions, doit être écarté le moyen tiré de l'erreur de droit qui entacherait la décision en litige au regard des dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les moyens propres au refus de délai de départ volontaire :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre du requérant n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité de ladite décision ne peut être accueillie.

11. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. ".

12. Il ressort des pièces du dossier que M. B... qui selon ses déclarations aux services de la douane et de la police résidait habituellement en Italie depuis trois ans hormis son séjour en Allemagne à l'issue duquel il a traversé la France pour retourner en Italie mais dont le titre de séjour italien était expiré depuis le 18 juin 2019 et qui n'a pas fourni à l'administration aucune adresse en France ne présente pas de garantie de représentation en France. Dans ces conditions, et alors même que M. B... avait manifesté l'intention de repartir en Italie et indique ne pas représenter une menace à l'ordre public, c'est sans erreur que le préfet a estimé qu'il existait un risque que l'étranger se soustraie à l'obligation de quitter le territoire et a décidé de ne pas accorder de délai à M. B....

Sur les moyens propres relatifs à la décision fixant le pays de destination :

13. M. B... soutient qu'en fixant la Gambie comme l'un des pays vers lesquels il pourrait être reconduit, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Toutefois comme l'indique le préfet et comme mentionné dans ses déclarations à la police, M. B... a vécu la majorité de son existence en Gambie, pays où résident notamment sa mère et sa soeur. M. B... n'allègue pas encourir de risques en cas de retour en Gambie. Par suite les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur les moyens propres relatifs à la décision portant interdiction de retour :

14. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire ayant été écartés, M. B... n'est pas fondé à exciper de leur illégalité à l'encontre de la décision portant interdiction de retour.

15. En second lieu, le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

16. M. B... s'est borné à indiquer à l'audience du 15 juillet 2019 que sa situation relevait de circonstances humanitaires sans apporter davantage de précision en appel. Il ne ressort pas de ses écritures ni des pièces au dossier l'existence de circonstances humanitaires. En l'absence notamment de liens stables et durables en France, il ne ressort pas davantage de tels éléments que cette décision porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale Par suite, et dès lors qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai, c'est à bon droit que le préfet a assorti cette décision d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les moyens tirés d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du III de l'article L. 511-1du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent par suite être écartés. Pour les mêmes raisons, il y a également lieu d'écarter le moyen du requérant faisant état d'une erreur manifeste d'appréciation à avoir pris à son encontre une telle interdiction de retour.

17. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 10 juillet 2019, faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays à destination.

18. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. B... aux fins d'injonction doivent être rejetées. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas partie perdante, verse à l'avocat de M. B... une somme quelconque au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1905378 du 15 juillet 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie, au préfet du Rhône et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires de Lyon et de Chambéry.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente-assesseure,

Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 4 juin 2020.

2

N° 19LY03011


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03011
Date de la décision : 04/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : RAHMANI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-04;19ly03011 ?
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