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22/04/2020 | FRANCE | N°18LY03086

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 22 avril 2020, 18LY03086


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... I..., Mme B... I... et la société " La ferme de la Source " ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 février 2016 par lequel le maire de Vétraz-Monthoux les a mis en demeure d'interrompre les travaux entrepris sur un bâtiment implanté sur les parcelles cadastrées section D n° 384 et 385 situées au lieudit " Creuze ".

Par un jugement n° 1602298 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande et a mis à l

a charge solidaire des requérants une somme de 1 200 euros à verser à la commune de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... I..., Mme B... I... et la société " La ferme de la Source " ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 15 février 2016 par lequel le maire de Vétraz-Monthoux les a mis en demeure d'interrompre les travaux entrepris sur un bâtiment implanté sur les parcelles cadastrées section D n° 384 et 385 situées au lieudit " Creuze ".

Par un jugement n° 1602298 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande et a mis à la charge solidaire des requérants une somme de 1 200 euros à verser à la commune de Vétraz-Monthoux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 7 août 2018, la société " La ferme de la Source ", représentée par la SELARL Itinéraires Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2018 ;

2°) de mettre une somme de 1 800 euros à la charge de la commune de Vetraz-Monthoux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal l'a considérée comme partie à l'instance alors qu'elle n'a jamais donné mandat à Maître D... pour engager une quelconque action en justice et qu'elle n'avait pas qualité pour agir en justice en l'absence de mandat autorisant l'un de ses représentants à agir en justice ;

- à titre subsidiaire, l'arrêté interruptif de travaux du 15 février 2016 est insuffisamment motivé, d'autant qu'elle n'a pas été destinataire du procès-verbal d'infraction qu'il vise ;

- aucune autorisation préalable n'était nécessaire pour réaliser les travaux de remise en état de la construction existante, sans modification de son emprise ou de son aspect extérieur ; aucun changement de destination ne saurait davantage être retenu, puisque cette "cabane de vigneron" a toujours été destinée à l'habitation, notamment de l'exploitant agricole.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Il s'en rapporte aux écritures présentées par le préfet de la Haute-Savoie devant le tribunal administratif.

La clôture de l'instruction a été fixée au 25 novembre 2019 par une ordonnance du 8 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de commerce ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... C..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Jean Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me A... pour la société " La ferme de la Source " ;

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme I... sont propriétaires d'un tènement d'environ 6 hectares sur le territoire de la commune de Vétraz-Monthoux. Cette propriété comprend une maison principale et un bâtiment ancien dit " cabane de vigneron ", implanté sur les parcelles section D n° 384 et 385, qu'ils ont mis à disposition de la société La ferme de la Source dans le cadre d'un commodat. Des travaux ont été effectués sur ce bâtiment dans le but d'y installer un agriculteur supervisant le maraîchage biologique selon les principes de la permaculture. Le 13 janvier 2016, un procès-verbal d'infraction au code de l'urbanisme a été dressé par le maire de la commune de Vétraz-Monthoux agissant au nom de l'Etat, lequel, après avoir recueilli les observations de M. et Mme I..., a pris, en application de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, un arrêté mettant les époux I... en demeure d'interrompre les travaux entrepris sur ledit bâtiment. La société " La ferme de la Source " relève appel du jugement du 7 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté interruptif de travaux du 15 février 2016.

Sur la régularité du jugement :

2. Les mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative ont qualité, devant les tribunaux administratifs, pour représenter les parties et signer en leur nom les requêtes et les mémoires sans avoir à justifier du mandat par lequel ils ont été saisis par leur client. La présentation d'une action par un de ces mandataires ne dispense pas le tribunal administratif de s'assurer, le cas échéant, lorsque la partie en cause est une personne morale, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour engager cette action. Une telle vérification n'est toutefois pas normalement nécessaire lorsque la personne morale requérante est dotée, par des dispositions législatives ou réglementaires, de représentants légaux ayant de plein droit qualité pour agir en justice en son nom.

3. D'une part, la demande introductive d'instance ayant été présentée en son mon, la société " La ferme de la Source " avait la qualité de partie en première instance. La société requérante ne peut utilement faire valoir à l'encontre du jugement attaqué, qui n'avait pas à en vérifier l'existence, qu'elle n'aurait jamais donné mandat à Maître D..., une telle circonstance, si elle est avérée, pouvant seulement engager la responsabilité de l'avocat à son égard.

4. D'autre part, la demande introductive d'instance mentionne que " La ferme de la Source ", qui est une société par actions simplifiée, est représentée par son président en exercice. Alors que cette personne tire des dispositions de l'article L. 227-6 du code de commerce et des dispositions de l'article 1849 du code civil, de plein droit, qualité pour agir en justice au nom de la société requérante, le moyen selon lequel le tribunal aurait entaché son jugement d'une irrégularité en ne recherchant pas la justification des conditions de sa représentation en justice doit, en tout état de cause, être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté interruptif de travaux du 15 février 2016 :

5. En premier lieu, si la motivation de l'arrêté interruptif de travaux que prescrit l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme doit permettre à son destinataire de comprendre les motifs qui le fondent et d'être en mesure de les contester, la société " La ferme de la Source ", qui n'est pas visée par l'arrêté interruptif de travaux du 15 février 2016 et n'avait pas davantage à être destinataire du procès-verbal d'infraction dressé le 13 janvier 2016, ne saurait utilement faire valoir que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé de ce fait.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme : " L'interruption des travaux peut être ordonnée soit sur réquisition du ministère public agissant à la requête du maire, du fonctionnaire compétent ou de l'une des associations visées à l'article L. 480-1, soit, même d'office, par le juge d'instruction (...)/ Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux. (...) ". Aux termes de l'article L. 480-4 du même code : " Le fait d'exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application (...) est puni d'une amende (...) ". Aux termes de l'article R. 421-17 du même code, doivent faire l'objet d'une déclaration préalable " a) Les travaux ayant pour effet de modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment existant, à l'exception des travaux de ravalement (...) f) Les travaux qui ont pour effet la création soit d'une emprise au sol, soit d'une surface de plancher supérieure à cinq mètres carrés et qui répondent aux critères cumulatifs suivants :- une emprise au sol créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés ;- une surface de plancher créée inférieure ou égale à vingt mètres carrés (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d'infraction mentionné au point 1, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, que les travaux ont consisté en une extension d'environ 16 m² du bâtiment en litige. Il ressort en outre de ce procès-verbal qu'un percement dans la façade arrière du bâtiment a été réalisé. Ces constatations ne sont pas sérieusement contredites par la société requérante, laquelle se borne à soutenir, sans étayer ses allégations, que les travaux entrepris n'auraient modifié ni l'emprise au sol ni l'aspect extérieur de la construction existante. Ainsi, les travaux ont eu pour effet la création d'une emprise au sol supérieure à cinq mètres carrés et de modifier l'aspect extérieur du bâtiment, de sorte qu'ils devaient faire l'objet d'une déclaration préalable en application des a) et f) de l'article R. 421-17 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, et à supposer même qu'aucun changement de destination ne pouvait en l'espèce être opposé, les travaux ont été réalisés en violation de l'article L. 421-4 du code de l'urbanisme ainsi que l'oppose le premier motif de l'arrêté attaqué. Il en résulte que le maire, qui aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif, a pu légalement ordonner la cessation de ces travaux sur le fondement de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme cité au point précédent.

8. Il résulte de ce qui précède que la société " La ferme de la Source " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de la commune de Vétraz-Monthoux, qui n'a pas la qualité de partie dans une instance relative à une décision prise par son maire au nom de l'Etat.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société " La ferme de la Source " est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société " La ferme de la Source " et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée à la commune de Vétraz-Monthoux.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2020 à laquelle siégeaient :

M. Thierry Besse, président,

Mme H... F..., première conseillère,

Mme G... C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 22 avril 2020.

2

N° 18LY03086

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03086
Date de la décision : 22/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-05-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contrôle des travaux. Interruption des travaux.


Composition du Tribunal
Président : M. BESSE
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-22;18ly03086 ?
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