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02/04/2020 | FRANCE | N°18LY04146

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 02 avril 2020, 18LY04146


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'ordonner sous astreinte la démolition des deux poteaux électriques implantés sur sa propriété, de condamner la société Enedis à lui payer une indemnité de 30 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'emprise irrégulière dont elle s'estime victime du fait de la présence de ces poteaux et une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1704170 du 18 septembr

e 2018, le tribunal administratif de Lyon a enjoint à la société Enedis d'enlever le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'ordonner sous astreinte la démolition des deux poteaux électriques implantés sur sa propriété, de condamner la société Enedis à lui payer une indemnité de 30 000 euros en réparation des conséquences dommageables de l'emprise irrégulière dont elle s'estime victime du fait de la présence de ces poteaux et une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1704170 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a enjoint à la société Enedis d'enlever le poteau de distribution électrique en bois supportant la ligne électrique situé sur la propriété de Mme B..., dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, a condamné la société Enedis à payer à Mme B... une indemnité de 2 500 euros et une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 novembre 2018 et le 15 mai 2019, la société Enedis, représentée par la SCP d'avocats Riva et Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1704170 du 18 septembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'y a pas d'emprise irrégulière, dès lors que les ouvrages en cause sont implantés en vertu de trois conventions de servitude conclues le 10 mars 1965 avec les propriétaires des parcelles que Mme B... a acquises et qui lui sont opposables en application de l'article 1er du décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ; la régularité de l'implantation du poteau en bois découle également de ce qu'il constitue le branchement particulier de Mme B... desservant son habitation, dès lors que Mme B... n'a pas autorisé l'implantation sur sa parcelle des éléments du branchement qui est l'accessoire du contrat de fourniture d'énergie ;

- la demande de démolition ou de déplacement présentée par Mme B... doit être rejetée, dès lors qu'est possible une régularisation par le recours à la procédure de déclaration d'utilité publique prévue à l'article L. 323-4 du code de l'énergie

- le déplacement du poteau en béton porte une atteinte excessive à l'intérêt général en raison de son coût excessif, les travaux nécessaires de dépose des réseaux aériens et de terrassement pour la création sous la voirie d'un nouveau réseau souterrain ayant été évalués à 138 865,30 euros toutes taxes comprises pour le seul déplacement de la ligne à haute tension ;

- le déplacement du poteau en bois porte une atteinte excessive à l'intérêt général en raison de son coût excessif pour l'intérêt général, dès lors qu'il dessert le branchement particulier de Mme B... dans son seul intérêt et qu'ainsi les frais en seraient supportés par la société Enedis dans le seul intérêt de Mme B... et qu'il ne revient pas à ladite société d'assumer le coût d'une modification de l'installation de l'intéressée ;

- la demande de démolition ou de déplacement présentée par Mme B... doit être rejetée, dès lors que la présence des deux poteaux en litige ne porte pas une atteinte grave à la propriété de Mme B..., celle-ci ne démontrant pas que les inconvénients liés à la présence de la ligne sur sa propriété seraient plus importants que l'atteinte portée à l'intérêt général du fait du déplacement des ouvrages ; en effet,

cette demande n'est aucunement liée à la réalisation certaine et prochaine d'un projet de construction qui rendrait indispensable le déplacement de l'ouvrage ;

Mme B... n'apporta pas la preuve, comme elle le fait valoir, d'un incident ayant conduit à l'électrocution d'un artisan le 26 juillet 2012 ;

n'est pas fondée l'affirmation selon laquelle il ne serait pas possible de procéder à des travaux sur sa toiture ;

il n'est pas établi par les pièces du dossier que le poteau en bois se trouverait sur un terrain instable, alors qu'il ressort d'un procès-verbal de constat d'huissier du 16 avril 2013 que ses services ont parfaitement sécurisé l'ouvrage ;

- le poteau en bois n'alimentant que sa seule propriété et constituant ainsi son branchement particulier, Mme B... ne peut se prévaloir d'aucun préjudice.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 5 mars 2019 et le 31 juillet 2019, Mme F... B..., représentée par la SELARL SDC Avocats, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- à la réformation du jugement n° 1704170 du 18 septembre 2018 en ce que le tribunal administratif de Lyon a limité à la somme de 2 500 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la société Enedis en réparation du préjudice qu'elle a subi et a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la démolition du poteau électrique en béton situé sur sa propriété ;

- à ce que la cour ordonne la démolition de ce poteau dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 300 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;

- à ce que soit porté à la somme de 30 000 euros le montant de l'indemnité qui lui est due en réparation des conséquences dommageables de l'emprise irrégulière dont elle s'estime victime ;

3°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Enedis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'implantation sans titre sur sa propriété des deux poteaux électriques - l'un en bois, l'autre en béton - est constitutive d'une emprise irrégulière ; en effet, les deux conventions conclues le 10 mars 1965 par Électricité de France avec M. A... E... portent sur les parcelles cadastrées section AL n° 3 et n° 4, devenues la parcelle cadastrée section ZD n° 1 dont elle n'est pas propriétaire ; la convention conclue le 10 mars 1965 par Électricité de France avec M. C... D..., qui porte sur les parcelles cadastrées section AL n° 6 et n° 47, devenue la parcelle cadastrée section ZD n° 2, a pour objet le remplacement par un poteau en béton d'un poteau en bois situé dans la partie inférieure de sa propriété et non le poteau en bois implanté à une dizaine de mètres de sa maison d'habitation ; cette dernière convention ne lui est pas opposable en ce qui concerne l'implantation du poteau en béton, dès lors qu'elle n'est pas mentionnée dans son titre de propriété et qu'elle n'a pas été publiée au service de la publicité foncière ; contrairement à ce que soutient la société Enedis, le poteau en bois ne supporte pas seulement son branchement particulier mais une ligne de distribution d'électricité ;

- aucune régularisation de la présence de ces deux poteaux électriques n'est possible notamment pas par déclaration d'utilité publique, dès lors que la servitude d'utilité publique prévue au code de l'énergie ne peut que grever des terrains non bâtis qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes, alors que sa propriété est bâtie ;

- le déplacement des poteaux ne porterait pas atteinte à l'intérêt général, dès lors qu'ils peuvent sans aucune difficulté technique et sans coût excessif être installés à l'extérieur de sa propriété ; en effet,

le devis produit par la société Enedis porte notamment sur des travaux d'enfouissement de réseau électrique des deux secteurs de La Combe et de Belhomme et le changement d'un transformateur, alors que seul est nécessaire le déplacement des deux poteaux ;

ceux-ci portent atteinte à son droit de propriété en l'empêchant de réaliser des travaux sur sa propriété ;

les deux poteaux portent atteinte à sa sécurité, dès lors que la ligne à haute tension A ne respecte pas les distances minimales de sécurité, que le poteau électrique en bois est implanté en terrain instable aggravé par son installation d'assainissement imposée par la loi sur l'eau du 3 janvier 1992 et notamment une buse en béton de recueillement des eaux pluviales, que ce poteau penche dangereusement en direction de sa maison, notamment en cas de fort vent du nord et que la ligne a cédé le 29 septembre 2015 ;

- du fait de la présence, constitutive d'une emprise irrégulière, de ces deux poteaux électriques implantés dangereusement sur sa propriété, elle subit à hauteur de 30 000 euros un préjudice de jouissance et une perte de vénale de son bien immobilier qu'il lui est impossible de vendre en l'état.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;

- le code de l'énergie ;

- le décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président assesseur,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- les observations de Me Cadet, avocat (SCP d'avocats Riva et Associés), pour la société Enedis,

- et les observations de Me Dalle-Crode, avocat (SELARL SDC Avocats), pour Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. La société Enedis relève appel du jugement n° 1704170 du 18 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, à la demande de Mme B..., enjoint à cette société d'enlever le poteau électrique en bois situé sur la propriété de Mme B... dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, et l'a condamnée à payer à Mme B... une indemnité de 2 500 euros en réparation des troubles de jouissance subis du fait de l'implantation sur sa propriété de deux poteaux électriques, l'un en bois, l'autre en béton. Par la voie de l'appel incident, Mme B... conclut à ce que la cour ordonne sous astreinte la démolition du poteau de distribution électrique en béton et à ce que soit porté à la somme de 30 000 euros le montant de l'indemnité qui lui est due en réparation des conséquences dommageables de l'emprise irrégulière dont elle s'estime victime.

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme B... :

2. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonné la démolition ou le déplacement d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition ou le déplacement à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition ou le déplacement n'entraînent pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

3. Aux termes de l'article L. 323-4 du code de l'énergie, reprenant ceux du troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie : " La déclaration d'utilité publique investit le concessionnaire, pour l'exécution des travaux déclarés d'utilité publique, de tous les droits que les lois et règlements confèrent à l'administration en matière de travaux publics. Le concessionnaire demeure, dans le même temps, soumis à toutes les obligations qui dérivent, pour l'administration, de ces lois et règlements. / La déclaration d'utilité publique confère, en outre, au concessionnaire le droit : / 1° D'établir à demeure des supports et ancrages pour conducteurs aériens d'électricité, soit à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit sur les toits et terrasses des bâtiments, à la condition qu'on y puisse accéder par l'extérieur, étant spécifié que ce droit ne pourra être exercé que sous les conditions prescrites, tant au point de vue de la sécurité qu'au point de vue de la commodité des habitants, par les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 323-11. Ces décrets doivent limiter l'exercice de ce droit au cas de courants électriques tels que la présence de ces conducteurs d'électricité à proximité des bâtiments ne soient pas de nature à présenter, nonobstant les précautions prises conformément aux décrets des dangers graves pour les personnes ou les bâtiments ; / 2° De faire passer les conducteurs d'électricité au-dessus des propriétés privées, sous les mêmes conditions et réserves que celles spécifiques au 1° ci-dessus ; / 3° D'établir à demeure des canalisations souterraines, ou des supports pour conducteurs aériens, sur des terrains privés non bâtis, qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes ; / 4° De couper les arbres et branches d'arbres qui, se trouvant à proximité des conducteurs aériens d'électricité, gênent leur pose ou pourraient, par leur mouvement ou leur chute, occasionner des courts-circuits ou des avaries aux ouvrages. ". Selon l'article 1er du décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 susvisé : " Une convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire ayant pour objet la reconnaissance des servitudes d'appui, de passage, d'ébranchage ou d'abattage prévues au troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 susvisée peut remplacer les formalités prévues au quatrième alinéa dudit article. / Cette convention produit, tant à l'égard des propriétaires et de leurs ayants droit que des tiers, les effets de l'approbation du projet de détail des tracés par le préfet, qu'elle intervienne en prévision de la déclaration d'utilité publique des travaux ou après cette déclaration, ou, en l'absence de déclaration d'utilité publique, par application de l'article 298 de la loi du 13 juillet 1925 susvisée. ".

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par acte authentique du 1er juin 2002, Mme B... a acquis la parcelle cadastrée section ZD n° 2 comprenant des bâtiments à usage d'habitation avec dépendances et terrain attenant et correspondant aux anciennes parcelles cadastrées section AL n° 44, n° 46, n° 47 et n° 51, et que, sur la parcelle cadastrée section ZD n° 2 de l'intéressée, sont implantés deux poteaux électriques, l'un en bois, l'autre en béton, lesquels, ainsi qu'il ressort des photographies figurant dans le mémoire de Mme B... enregistré le 31 juillet 2019 au greffe de la cour, supportent tous deux une ligne de distribution d'électricité, et pas seulement le branchement particulier à l'habitation de Mme B..., contrairement à ce que soutient la société Enedis s'agissant du poteau en bois. Cette société ne saurait, en tout état de cause, justifier de l'implantation régulière de ces deux poteaux électriques par les deux conventions de servitude conclues le 10 mars 1965 par Électricité de France avec M. A... E..., dès lors que ces deux conventions portent sur les parcelles cadastrées à l'époque section AL n° 3 et n° 4 qui ne composent pas la parcelle nouvellement cadastrée section ZD n° 2 dont Mme B... est propriétaire et supportant les deux poteaux en litige. Si, par convention du 10 mars 1965, M. C... D... a reconnu à Électricité de France le droit de remplacer le support en bois pour conducteurs aériens implanté sur la parcelle cadastrée à l'époque section AL n° 47 par un support en béton sur la même parcelle, cette servitude n'est pas opposable à Mme B..., dès lors qu'elle ne peut être régie par les dispositions précitées de l'article 1er du décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 susvisé, lequel a été édicté postérieurement à la conclusion de la convention instituant cette servitude, et qu'il ne résulte pas de l'instruction que ladite servitude aurait été mentionnée dans l'acte de vente signé par Mme B... ni qu'elle aurait été publiée au service de la publicité foncière ou portée à la connaissance de l'intéressée par tout autre moyen. Dans ces conditions, la société Enedis ne justifie pas d'un droit ou titre opposable à établir sur la propriété de Mme B... les deux poteaux électriques en cause, lesquels sont, dès lors, irrégulièrement implantés.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'aucune régularisation de l'implantation des deux poteaux de distribution électrique sur la propriété privée de Mme B... n'est possible, dès lors que celle-ci refuse de conclure une convention de servitude avec la société Enedis et que cette société ne peut, contrairement à ce qu'elle soutient, mettre en oeuvre la procédure de déclaration d'utilité publique prévue à l'article L. 323-4 du code de l'énergie sur la parcelle comprenant la maison d'habitation de Mme B..., la servitude d'établissement de conducteurs aériens instituée par cette procédure ne pouvant grever que des terrains non bâtis qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes, ainsi qu'il résulte des dispositions précitées du 3° du second alinéa de l'article L. 323-4 du code de l'énergie.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des constats d'huissier du 16 avril 2013 et du 2 juin 2016 produits par Mme B..., que les câbles de la ligne électrique supportée par le poteau en bois, situé à 12,5 mètres de la maison d'habitation de Mme B... et qui ne supporte pas seulement le branchement particulier à cette habitation, contrairement à ce que soutient la société Enedis, passent à une hauteur très réduite de sa toiture, l'un des câbles touchant celle-ci, et que le poteau lui-même menace de chuter sur la maison en raison d'une instabilité due notamment à la proximité immédiate de la zone de déversement d'une buse en béton de recueillement des eaux pluviales. La société Enedis ne justifie pas, par les pièces qu'elle produit, de difficultés techniques ou financières particulières qui rendraient excessive l'atteinte portée à l'intérêt général par le déplacement de ce poteau en bois. Dans ces conditions, cette société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon lui a enjoint d'enlever le poteau en bois de distribution électrique situé sur la propriété de Mme B....

7. En dernier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du chiffrage et du plan des travaux produits par la société Enedis et n'est pas sérieusement contesté par Mme B..., que le déplacement du poteau en béton, situé en contrebas sur la propriété de l'intéressée, éloigné de plusieurs dizaines de mètres de son habitation et qui supporte une ligne à haute tension A alimentant un hameau composé de neuf maisons d'habitation, présente des difficultés techniques sérieuses, en ce qu'il nécessite notamment la dépose du réseau aérien et des travaux de terrassement pour la création d'un nouveau réseau souterrain sous la voirie, ainsi qu'un coût de 138 865,30 euros toutes taxes comprises, ces difficultés techniques et ce coût important excédant les inconvénients que la présence de ce poteau entraîne pour les intérêts privés de Mme B.... Dans ces conditions, celle-ci n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande de première instance tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte à la société Enedis de déplacer hors de sa propriété le poteau en béton de distribution électrique.

Sur les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... :

8. En premier lieu, Mme B... n'établit pas qu'elle a subi une perte de valeur vénale de sa propriété du fait de la présence des deux poteaux électriques, alors que ceux-ci étaient déjà implantés sur la parcelle cadastrée section ZD n° 2 lorsqu'elle en a fait l'acquisition en 2002.

9. En second lieu, il résulte de l'instruction que la présence des deux poteaux électriques sur la propriété de Mme B..., et en particulier celle du poteau en bois distant de 12,5 mètres seulement de sa maison d'habitation et qui ne supporte pas seulement le branchement particulier à cette habitation, contrairement à ce que soutient la société Enedis, a entraîné des risques conséquents pour la sécurité de l'intéressée et a porté atteinte aux conditions de jouissance de son bien immobilier, l'autorisation des services d'Enedis étant requise pour la réalisation par Mme B... des travaux envisagés de réfection de sa grange en raison de la proximité du poteau en bois. Compte tenu du comportement de Mme B..., qui a fait obstacle le 29 septembre 2015 à ce qu'il soit remédié rapidement aux risques liés à la sécurité entraînés par la présence du poteau en bois, ainsi qu'il ressort du constat d'huissier du 17 juin 2016 produit par la société Enedis, il sera fait une juste appréciation du préjudice de jouissance subi par l'intéressée en l'évaluant à la somme de 2 500 euros.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Enedis n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon l'a condamnée à verser à Mme B... la somme de 2 500 euros en réparation des conséquences dommageables de l'emprise irrégulière dont Mme B... est victime du fait de la présence des deux poteaux électriques sur sa propriété. Pour les mêmes motifs, Mme B... n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a limité à la somme de 2 500 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la société Enedis en réparation de ces conséquences dommageables.

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Enedis et par Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Enedis et les conclusions présentées par Mme B... devant la cour sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Enedis et à Mme F... B....

Délibéré après l'audience du 12 mars 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 avril 2020.

2

N° 18LY04146


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04146
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Liberté individuelle - propriété privée et état des personnes - Propriété - Emprise irrégulière.

Energie - Lignes électriques.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics - Suppression de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SCP MAURICE- RIVA-VACHERON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-02;18ly04146 ?
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