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12/03/2020 | FRANCE | N°19LY02982

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 12 mars 2020, 19LY02982


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 29 avril 2019 par lesquelles le préfet de la Savoie l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1903162 du 14 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour >
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2019, M. B..., représenté par Me Sergent, avocat,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 29 avril 2019 par lesquelles le préfet de la Savoie l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n° 1903162 du 14 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 juillet 2019, M. B..., représenté par Me Sergent, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1903162 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 14 juin 2019 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois, d'enregistrer sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et de lui notifier une nouvelle décision, dans un délai d'un mois, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu ;

- en s'abstenant de saisir pour avis le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires enregistrés les 6 et 13 février 2020, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme A..., présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant guinéen, né le 18 août 1998 à Conakry, est entré en France le 1er décembre 2016. Sa demande d'asile a été rejetée le 30 août 2017 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Ce rejet a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, le 11 décembre 2018. Il relève appel du jugement du 14 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 29 avril 2019 par lesquelles le préfet de la Savoie, sur le fondement des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. "

3. Aux termes de l'article R. 511-1 du même code : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... bénéficie d'un traitement médicamenteux pour des troubles psychologiques et d'anxiété. Toutefois, la seule démarche entreprise par l'intéressé auprès des services préfectoraux depuis le rejet de sa demande d'asile consiste en une demande de rendez-vous, enregistrée le 8 avril 2019 sur une plateforme numérique, et fixée au 20 juin 2019 en vue de déposer une demande de titre de séjour dont le fondement n'était, à ce stade, pas précisé. Dans ces conditions, M. B... qui ne peut être regardé comme ayant informé le préfet de ses problèmes de santé avant l'intervention de la mesure d'éloignement litigieuse, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Savoie a entaché sa décision d'un vice de procédure.

6. En deuxième lieu, par les certificats médicaux qu'il produit, le requérant n'établit pas plus en appel qu'en première instance qu'il ne pourrait bénéficier effectivement en Guinée d'un traitement approprié à son état de santé, ou qu'un retour dans ce pays serait de nature à aggraver les troubles psychologiques dont il souffre. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

7. En troisième lieu, lorsqu'il présente une demande de titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre le cas échéant à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de la demande. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux.

8. Il ressort des pièces du dossier et ainsi qu'il a été dit précédemment que M. B... bénéficiait d'un suivi médical en raison de son état de santé. Ainsi, il était en mesure de porter ces éléments à la connaissance de l'administration avant l'intervention de la mesure d'éloignement en litige. La seule circonstance qu'il aurait également déposé une demande de titre et obtenu un rendez-vous en préfecture pour le 20 juin 2019 ne permet pas d'établir que l'intéressé avait à faire valoir des éléments susceptibles d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision litigieuse et qu'il aurait été privé du droit d'être entendu, garanti notamment par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'est présent en France que depuis deux ans et demi, qu'il ne justifie pas être dépourvu d'attache familiale en Guinée et qu'il n'établit pas plus qu'il ne pourrait effectivement suivre, dans ce pays, un traitement approprié à son état de santé. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :

11. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. (...) ".

12. Ainsi qu'il a déjà été dit, M. B... n'établit pas qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en Guinée. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 20 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 mars 2020.

N° 19LY02982 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02982
Date de la décision : 12/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SERGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-03-12;19ly02982 ?
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