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12/03/2020 | FRANCE | N°18LY00834

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 12 mars 2020, 18LY00834


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société ATS Développement a demandé au tribunal administratif de Lyon d'une part, d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2011 du préfet du Rhône lui ordonnant de procéder sans délai au retrait et au rappel des peluches bouillottes " petit lapin fantasy " qu'elle commercialisait auprès de la société Etam Lingerie puis de détruire les produits retournés dans le délai d'un mois et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 000 d'euros en réparation des préjudices résultant de l'

illégalité fautive de l'arrêté.

Par un jugement n° 1201242 du 4 mars 2014, le trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société ATS Développement a demandé au tribunal administratif de Lyon d'une part, d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2011 du préfet du Rhône lui ordonnant de procéder sans délai au retrait et au rappel des peluches bouillottes " petit lapin fantasy " qu'elle commercialisait auprès de la société Etam Lingerie puis de détruire les produits retournés dans le délai d'un mois et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 000 d'euros en réparation des préjudices résultant de l'illégalité fautive de l'arrêté.

Par un jugement n° 1201242 du 4 mars 2014, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14LY01403 du 2 juillet 2015 devenu définitif, la cour a annulé ce jugement comme irrégulier et a renvoyé l'affaire devant le tribunal.

Par un jugement du 22 décembre 2017 le tribunal, statuant à nouveau sur la demande de la société ATS Développement, l'a rejetée après avoir admis l'intervention de la société Etam Lingerie.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 février 2018 sous le n° 18LY00834, la société ATS Développement, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement et l'arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué, qui reprend les conclusions du laboratoire SCL de Lille commis par la DDPP, n'est pas motivé ;

- les peluches bouillottes " petit lapin fantasy " n'étant pas des jouets, les dispositions du décret du 22 février 2010 relatif à la prévention des risques résultant de l'usage des jouets ne leur sont pas applicables ; en tout état de cause, les indications de la notice d'utilisation étaient suffisantes au regard des exigences du décret ;

- le préfet s'est exclusivement fondé sur les conclusions du laboratoire SCL pour prendre son arrêté, et donc sur la norme non homologuée BS 8433-2004 qui n'est pourtant pas applicable ;

- le produit est seulement non conforme à cette norme ;

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant de la performance technique de cette norme pour apprécier les propriétés techniques du produit ;

- les tests du produit n'ont pas été réalisés dans les conditions normales de l'utilisation que le consommateur est supposé en faire ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, de sorte que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions des articles L. 221-1 et L. 221-3 du code de la consommation ;

- le rappel, le retrait et la destruction des bouillotes étaient des mesures manifestement disproportionnées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2018, le ministre de l'économie et des finances, qui déclare s'en rapporter aux écritures qu'il a produites dans l'instance 14LY01403, conclut au rejet de la requête.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la consommation ;

- le décret n° 2010-166 du 22 février 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme C...,

- et les observations de Me B... pour la société ATS développement et celles de Me D... pour la société Etam Lingerie.

Considérant ce qui suit :

1. La société ATS Développement est spécialisée dans la conception et la fabrication de conditionnements évènementiels de produits, de produits promotionnels, de supports de vente et d'opérations marketing. La société ETAM Lingerie lui a commandé des bouillottes animalières pour l'ensemble de son réseau en France et à l'étranger dénommées " peluche bouillotte petit lapin fantasy " qu'elle a fait fabriquer par son fournisseur habituel. Les produits ont été livrés à la fin de l'été et au courant de l'automne 2011. Le 28 octobre 2011, la direction départementale de la protection des populations (DDPP) de l'Essonne a fait procéder à un prélèvement sur ce produit commercialisé dans un magasin Etam Lingerie de St Quentin. Le laboratoire d'Etat qui a effectué les tests sur les prélèvements a conclu à la non-conformité du " lapin fantasy ", qu'il a classé dans son rapport d'essai dans la catégorie des jouets manifestement destinés aux enfants de moins de trente-six mois, aux dispositions de l'article 3 du décret du 22 février 2010 relatif à la sécurité des jouets. Cette conclusion fait suite au constat que la poche de gel incluse dans la peluche se perce en déversant son contenu après le 4ème cycle de surchauffe dans un four à micro-ondes. Par un arrêté du 29 décembre 2011, le préfet du Rhône a ordonné en conséquence à la société ATS Développement de procéder sans délai au retrait et au rappel des peluches bouillottes " petit lapin fantasy " qu'elle commercialisait auprès de la société Etam Lingerie puis de détruire les produits retournés dans le délai d'un mois. Par un jugement du 4 mars 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la société ATS Développement tendant à l'annulation de cet arrêté et à l'indemnisation des préjudices en résultant. Par un arrêt du 2 juillet 2015 devenu définitif, la cour a annulé ce jugement comme irrégulier pour avoir omis de répondre au moyen tiré de la pertinence du mode opératoire du laboratoire pour évaluer le risque lié à l'utilisation de la bouillotte et a renvoyé l'affaire devant le tribunal. La société ATS Développement relève appel du jugement du 22 décembre 2017 en tant seulement que le tribunal, statuant à nouveau, a rejeté ses conclusions d'excès de pouvoir.

2. L'article 2 du décret du 22 février 2010 relatif à la sécurité des jouets définit comme jouets les produits conçus pour être utilisés, exclusivement ou non, à des fins de jeu par des enfants de moins de quatorze ans ou destinés à cet effet. Son article 3 n'autorise la vente de jouets que s'ils répondent aux exigences essentielles de sécurité en ne mettant pas en danger la sécurité ou la santé des utilisateurs ou celles de tiers lorsqu'ils sont utilisés conformément à leur destination ou à leur usage prévisible, compte tenu du comportement des enfants, pendant leur durée d'utilisation prévisible et normale. Aux termes de l'article L. 221-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige : " Les produits et les services doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le produit en cause est constitué d'une peluche figurant un lapin, renfermant une poche de gel qui après chauffage au bain-marie ou au micro-ondes permet de l'utiliser comme bouillotte. Cette bouillotte animalière n'est ainsi pas conçue pour être utilisée à des fins de jeu par des enfants de moins de quatorze ans ni a fortiori de moins de trente-six mois, ni destinée à un tel usage, comme cela ressort également de la notice d'utilisation de la bouillotte qui précise qu'elle doit être tenue hors de portée des enfants. Au demeurant, la peluche renfermant la poche de gel, qui a été reconvertie en range-pyjama par la société Etam Lingerie après une opération " d'explantation " des poches de gel afin de poursuivre la commercialisation du produit, ne l'est pas davantage prise isolément. Il en résulte que le préfet du Rhône n'a pas pu se fonder légalement sur les dispositions de l'article 3 du décret du 22 février 2010 pour ordonner à la société ATS Développement de procéder au retrait et au rappel des produits en cause. En tout état de cause, la " peluche bouillotte petit lapin fantasy ", au regard de sa classification par l'administration dans la catégorie des jouets manifestement destinés aux enfants de moins de trente-six mois, ne compromet pas la sécurité de tels consommateurs dans des conditions normales d'utilisation d'un jouet ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel qui la commercialise.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la société ATS Développement est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions d'excès de pouvoir. Ce jugement et l'arrêté du 29 décembre 2011 contesté doivent être annulés.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à la société ATS Développement au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1201242 du tribunal administratif de Lyon du 22 décembre 2017 en tant qu'il rejette les conclusions d'excès de pouvoir dirigées contre l'arrêté du préfet du Rhône du 29 décembre 2011, ensemble cet arrêté, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la société ATS Développement une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société ATS Développement, à la société Etam Lingerie et au ministre de l'économie et des finances. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 13 février 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président,

Mme A..., président assesseur,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 mars 2020.

2

N° 18LY00834


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

49-05-02 Police. Polices spéciales. Police sanitaire (voir aussi : Santé publique).


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Céline MICHEL
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : DS AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 12/03/2020
Date de l'import : 18/04/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18LY00834
Numéro NOR : CETATEXT000041738867 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-03-12;18ly00834 ?
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