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12/03/2020 | FRANCE | N°18LY00690

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 12 mars 2020, 18LY00690


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société VSB Energies Nouvelles a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 30 mai 2016 par lequel le préfet de la Nièvre a refusé de lui délivrer le permis de construire six aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Saint-Sulpice, ensemble la décision du 13 septembre 2016 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1603116 du 26 décembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requ

ête enregistrée le 22 février 2018, la société VSB Energies Nouvelles, représentée par Me Elfassi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société VSB Energies Nouvelles a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 30 mai 2016 par lequel le préfet de la Nièvre a refusé de lui délivrer le permis de construire six aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Saint-Sulpice, ensemble la décision du 13 septembre 2016 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1603116 du 26 décembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 22 février 2018, la société VSB Energies Nouvelles, représentée par Me Elfassi, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 décembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Nièvre du 30 mai 2016, ensemble la décision du 13 septembre 2016 rejetant son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Nièvre de lui délivrer le permis de construire sollicité ou, à titre subsidiaire, de reprendre l'instruction de sa demande, dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est irrégulier, à défaut d'être signé ;

- le jugement est irrégulier, en ce qu'il a inversé la charge de la preuve ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- le refus de permis de construire litigieux est entaché d'incompétence négative, dès lors que le préfet de la Nièvre s'est, à tort, estimé tenu de rejeter sa demande de permis de construire au vu de l'avis du ministre de la défense ;

- le ministre de la défense et le préfet de la Nièvre ont commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le projet porte atteinte à la sécurité publique ;

- elle s'en remet à ses écritures de première instance pour les autres moyens qu'elle avait alors soulevés ;

- subsidiairement, une expertise devra être ordonnée pour déterminer l'incidence sur projet litigieux sur la sécurité des vols.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Il expose s'en rapporter aux écritures produites en première instance par le préfet de la Nièvre.

Par un mémoire enregistré le 6 mai 2019, l'association Saint-Sulpice une écologie responsable, représentée par Me D... (SELARL DMMJB Avocats), avocat, conclut au rejet de la requête.

Elle expose que :

- son intervention est recevable ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 mai 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- le code des transports ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;

- l'arrêté du 26 août 2011 du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent au sein d'une installation soumise à autorisation au titre de la rubrique 2980 de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'arrêté du 16 mars 2012 relatif à la conception et à l'établissement des procédures de vol aux instruments ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E..., première conseillère,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me D... représentant l'association Saint-Sulpice une écologie responsable ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 9 juin 2015, la société VSB Energies Nouvelles a sollicité la délivrance d'un permis de construire en vue de l'implantation de six éoliennes sur le territoire de la commune de Saint-Sulpice. Par arrêté du 30 mai 2016, le préfet de la Nièvre a rejeté sa demande, en se fondant notamment sur le refus de la direction de la sécurité aéronautique de l'Etat, laquelle relève du ministre en charge de la défense, de donner son accord à ce projet. Le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de la pétitionnaire tendant à l'annulation de cet arrêté, ainsi qu'à celle de la décision du 13 septembre 2016 rejetant son recours gracieux, par un jugement du 26 décembre 2017, dont elle relève appel.

Sur l'intervention de l'association Saint-Sulpice une écologie responsable :

2. L'association Saint-Sulpice une écologie responsable, qui a notamment pour objet de défendre le site paysager et le patrimoine écologique dans la région nivernaise, plus particulièrement sur le territoire de la communauté de communes Amognes-Coeur du Nivernais dont fait partie la commune de Saint-Sulpice et qui n'était pas partie en première instance, justifie d'un intérêt au maintien du jugement contesté. Son intervention est, par suite, recevable.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte les signatures du président de la formation de jugement et du rapporteur, ainsi que du greffier d'audience. Ainsi, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité au regard de ces dispositions ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, la circonstance, à la supposer établie, que les premiers juges se seraient mépris sur la charge de la preuve n'est susceptible d'affecter que le bien-fondé du jugement attaqué et demeure sans incidence sur sa régularité.

5. La société VSB Energies Nouvelles n'est ainsi pas fondée à soutenir que le jugement du 26 décembre 2017 du tribunal administratif de Dijon est entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque les constructions ou travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-4 sont soumis, en raison de leur emplacement, de leur utilisation ou de leur nature, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions prévus par d'autres législations ou réglementations que le code de l'urbanisme, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu d'autorisation au titre de ces législations ou réglementations, dans les cas prévus par décret en Conseil d'Etat, dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord de l'autorité compétente ". L'article R. 425-9 du même code précise que : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense ". L'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, depuis repris à l'article L. 6352-1 du code des transports, dispose que : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. Des arrêtés ministériels déterminent les installations soumises à autorisation (...). L'autorisation peut être subordonnée à l'observation de conditions particulières d'implantation, de hauteur ou de balisage suivant les besoins de la navigation aérienne dans la région intéressée. (...) ". En vertu de l'article 1er de l'arrêté du 25 juillet 1990 susvisé : " les installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des armées comprennent : / a) En dehors des agglomérations, les installations dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol (...) ".

7. En premier lieu, si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.

8. La société VSB Energies Nouvelles a sollicité la délivrance d'un permis de construire en vue de l'implantation de six éoliennes d'une hauteur de 145 mètres, sur le territoire de la commune de Saint-Sulpice, à une soixantaine de kilomètres à l'est de la base aérienne d'Avord et à une vingtaine de kilomètres au nord-est de l'aérodrome de Nevers-Fourchambault. Il ressort des pièces du dossier que la procédure de vol dite " aux instruments " définie pour l'approche de la base aérienne d'Avord s'appuie notamment sur deux balises dites " NDB-AVD " et " VOR-NEV " et un point GPS " OA 403 " à partir desquels s'appliquent, dans un rayon de 55,5 km, une altitude minimale de zone (MSA), altitude la plus basse qui puisse être utilisée par les aéronefs, fixée, aux droits du projet, à 2 700 pieds, soit 822 mètres, laquelle doit comprendre une marge minimale de franchissement d'obstacle (MFO) de 300 mètres, destinée à compenser les imprécisions dans l'évaluation de la position de l'aéronef et dans sa conduite, conformément aux critères définis en application de l'arrêté du 16 mars 2012 susvisé. Il en résulte, ainsi que le confirme notamment le rapport technique établi le 16 février 2018 par la société CGX à la demande de la pétitionnaire, que, dans ces zones, aucun obstacle ne peut dépasser une altitude de 522 mètres sans remettre en cause la sécurité des aéronefs amenés à les survoler. Il est constant que la plus haute des éoliennes projetées, atteignant une altitude de 580 mètres, dépasse de 58 mètres cette limite. Il en est de même de la procédure liée à la balise " QG406 " de l'aérodrome de Nevers. Les aménagements proposés par ce rapport technique du 16 février 2018, dont se prévaut la société VSB Energies Nouvelles, se limitent à une modification de ces procédures de vol aux instruments, en segmentant les secteurs concernés ou en relevant à 2 900 pieds leur MSA, sans démontrer que les normes jusqu'alors applicables ne seraient pas justifiées, ni proposer de modifications du projet propres à le rendre conforme à celles-ci. Dans ces conditions, la société VSB Energies Nouvelles n'est pas fondée à soutenir, compte tenu des obstacles à la navigation aérienne que comporte ainsi son projet, que le ministre en charge de la défense aurait commis une erreur d'appréciation en s'y opposant.

9. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées que, dans l'hypothèse d'un projet susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ne peut être délivré en l'absence d'une autorisation spéciale du ministre en charge de la défense. Ce dernier ayant, comme indiqué précédemment, refusé de donner son accord au projet de la société VSB Energies Nouvelles, le préfet de la Nièvre était dès lors tenu de refuser la délivrance du permis de construire sollicité. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à reprocher au préfet de ne pas avoir porté sa propre appréciation sur sa demande et sur le refus d'autorisation ainsi opposé par le ministre en charge de la défense, et d'avoir ainsi entaché sa décision " d'incompétence négative ".

10. En troisième lieu, le préfet de la Nièvre ayant ainsi été tenu de rejeter la demande dont il était saisi, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'il aurait lui-même commise en rejetant la demande dont il était saisi doit être écarté comme inopérant.

11. Enfin, il appartient au requérant, tant en première instance qu'en appel, d'assortir ses moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. Il suit de là que le juge d'appel n'est pas tenu d'examiner un moyen que l'appelant se borne à déclarer reprendre en appel, sans l'assortir des précisions nécessaires.

12. En se bornant à indiquer reprendre les autres moyens qu'elle avait soulevés en première instance, sans les énoncer et fournir les précisions indispensables à l'appréciation de leur bien-fondé, ni joindre à sa requête une copie du mémoire de première instance qui contenait ces précisions, la société VSB Energies Nouvelles ne met pas la cour en mesure de se prononcer sur les erreurs qu'aurait pu commettre le tribunal administratif en écartant ces moyens.

13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la société VSB Energies Nouvelles n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. La présente décision rejetant les conclusions à fin d'annulation de la société VSB Energies Nouvelles et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la société VSB Energies Nouvelles.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association Saint-Sulpice-une écologie responsable est admise.

Article 2 : La requête de la société VSB Energies Nouvelles est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société VSB Energies Nouvelles, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à l'association Saint-Sulpice une écologie responsable.

Copie en sera adressée au préfet de la Nièvre et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 4 février 2020, à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., présidente de chambre,

Mme F..., présidente-assesseure,

Mme B... E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 mars 2020.

2

N° 18LY00690


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-035 Energie.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CABINET BCTG et AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 12/03/2020
Date de l'import : 18/04/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18LY00690
Numéro NOR : CETATEXT000041738866 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-03-12;18ly00690 ?
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