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27/02/2020 | FRANCE | N°19LY00483

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 27 février 2020, 19LY00483


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par jugement n° 1805418 lu le 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête enre

gistrée le 6 février 2019, M. A... représenté par Me C... demande à la cour :

1°) d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Par jugement n° 1805418 lu le 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 février 2019, M. A... représenté par Me C... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2018 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, dans un délai d'un mois et après remise d'une autorisation provisoire de séjour de trois renouvelable, de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a des liens réguliers et intenses avec son enfant avec qui il établit des relations intenses et régulières, et l'intérêt supérieur de ce dernier exige qu'il reste en France ;

- ses justificatifs doivent être pris en compte sous peine de méconnaître le principe les stipulations de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissant le droit à un procès équitable ;

- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées et dépourvues d'un examen particulier ;

- elles méconnaissent les dispositions des articles L. 313-11 (7°) et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales celles de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ; elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant de Guinée (Conakry), né le 1er janvier 1980 et qui expose être entré en France en 2010, relève appel du jugement lu le 25 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du13 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, le refus de séjour en litige comporte les motifs de droit et de fait qui le fonde et est dès lors suffisamment motivé.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère se serait abstenu d'examiner la situation personnelle de M. A....

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger (...) qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française (...) sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré sur le territoire français à l'âge de trente ans et n'est pas dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses parents. S'il peut se prévaloir de près de huit années de présence sur le territoire français à la date de l'arrêté en litige, cette durée résulte de son maintien sur le territoire en méconnaissance de refus de séjour successifs assortis d'obligations de quitter le territoire. Compte tenu de ces circonstances et alors que l'intéressé ne se prévaut d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière, il n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant le titre de séjour sollicité le préfet de l'Isère aurait méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou encore des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En l'absence d'autres éléments, cette décision n'est pas non plus entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée (...) à l'étranger (...) dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir (...) ". La durée de présence de M. A... sur le territoire français et la délivrance d'un permis de séjour italien valable du 1er mars 2010 au 1er mars 2013 au titre de la protection subsidiaire ne révèle aucune circonstance justifiant que de manière impérieuse, M. A... continue de séjourner sur le territoire. En l'absence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code précité.

7. Toutefois, le préfet de l'Isère a examiné, à titre subsidiaire, la possibilité de régulariser la situation de M. A... au regard des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Aux termes de cet article : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est père d'un enfant né le 7 août 2010 sur le territoire français suite à sa relation avec une ressortissante kenyane titulaire d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ". Il ressort de plusieurs attestations de proches et notamment de la mère de l'enfant que M. A... contribue à l'éducation de cet enfant et à son entretien par le versement d'une somme de 50 euros mensuels. Par ailleurs, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Grenoble, dans son jugement du 3 janvier 2017, après avoir reconnu que M. A... exerce l'autorité parentale conjointe sur cet enfant, a fixé un droit de visite de ce dernier. La réalité et la stabilité des relations affectives entre M. A... et son enfant sont, en conséquence, établies. Par suite, et sans égard à la rupture de vie commune entre les parents, qui est étrangère aux intérêts protégés par les stipulations précitées, l'intérêt supérieur de l'enfant est de poursuivre son développement auprès de son père. M. A... est fondé à soutenir que le préfet de l'Isère ne pouvait refuser de lui délivrer un titre de séjour sans méconnaître les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant. En conséquence, le refus de titre de séjour en litige et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et les décisions fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'une année sont entachés d'illégalité et doivent être annulés.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande, et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que de l'arrêté du 13 juillet 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

11. Eu égard au motif qui fonde l'annulation des décisions en litige et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans la situation de droit ou de fait du requérant y ferait obstacle, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de l'Isère délivre à M. A... une carte de séjour temporaire. En conséquence, il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. M. A... étant bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, son avocat peut prétendre au bénéfice des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, l'État versera, en application de ces dispositions, la somme de 1 000 euros à Me C..., sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 octobre 2018 et l'arrêté du 13 juillet 2018 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A..., l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour d'une durée d'un an sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. A... une carte de séjour temporaire dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : En application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'État versera la somme de 1 000 euros à Me C..., sous réserve que cet avocat renonce à percevoir le bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur près du tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 6 février 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbaretaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 février 2020.

N° 19LY00483


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00483
Date de la décision : 27/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : ABOUDAHAB

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-02-27;19ly00483 ?
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