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15/01/2020 | FRANCE | N°17LY04289

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 15 janvier 2020, 17LY04289


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Griselles a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner in solidum les sociétés Esa Coved, Dematech Environnement, Hydrétudes et Girard à lui verser, sur le fondement de leur responsabilité contractuelle et de la garantie décennale, la somme de 393 855 euros au titre des travaux de reprise des installations d'assainissement autonome réalisées sous sa maîtrise d'ouvrage déléguée en 2011.

Par un jugement n°s 1603382, 1603386 du 20 octobre 2017, le tribunal administratif d

e Dijon a condamné in solidum les sociétés Hydrétudes et Girard à verser à la comm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Griselles a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner in solidum les sociétés Esa Coved, Dematech Environnement, Hydrétudes et Girard à lui verser, sur le fondement de leur responsabilité contractuelle et de la garantie décennale, la somme de 393 855 euros au titre des travaux de reprise des installations d'assainissement autonome réalisées sous sa maîtrise d'ouvrage déléguée en 2011.

Par un jugement n°s 1603382, 1603386 du 20 octobre 2017, le tribunal administratif de Dijon a condamné in solidum les sociétés Hydrétudes et Girard à verser à la commune de Griselles la somme de 228 100 euros sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, a mis à leur charge définitive les frais d'expertise, ainsi que la somme de 1 500 euros à verser ensemble à la commune au titre des frais du litige.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 décembre 2018 et 15 novembre 2019, la commune de Griselles, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Dijon du 20 octobre 2017 en tant qu'il a rejeté ses demandes dirigées contre les sociétés Esa Coved et Dematech Environnement et a limité à 228 100 euros le montant de la condamnation prononcée à l'encontre des sociétés Girard et Hydrétudes ;

2°) de prononcer la condamnation in solidum de ces sociétés, d'une part, à lui verser 393 855 euros au titre des travaux de reprise des quarante-neuf installations d'assainissement non collectif réalisés sous sa maître d'ouvrage déléguée en 2011, et d'autre part, à supporter les frais d'expertise ;

3°) de mettre à la charge des sociétés Esa Coved, Dematech Environnement, Hydrétudes et Girard une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté la responsabilité contractuelle des sociétés Esa Coved et Dematech : c'est le choix opéré par le bureau d'études Dematech et validé par la société Esa-Coved, gestionnaire du service public d'assainissement non collectif, qui est à l'origine de la mise en place d'installations présentant, de par leur conception même, un risque accru de dysfonctionnement ;

- c'est également à tort qu'ils ont écarté la responsabilité contractuelle de la société Hydrétudes et de la société Girard dont les fautes sont pourtant à l'origine des désordres constatés ;

- la non-conformité des travaux aux prescriptions contractuelles ainsi que les malfaçons présentaient un caractère apparent à la date de la réception ; il appartenait au maître d'oeuvre de le signaler à l'occasion des opérations de réception ; la responsabilité contractuelle de la société Hydrétudes est engagée pour défaut de conseil à ce stade ;

- le sous-dimensionnement des installations constitue un désordre décennal de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ;

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la responsabilité décennale du bureau d'études Dematech ;

- il y a lieu de tenir compte d'un coût de maîtrise d'oeuvre évalué par l'expert au taux de 10 % et de retenir la somme de 238 975 euros TTC pour la réfection des trente-trois installations défectueuses et la reprise des quarante-neuf dispositifs de ventilation ;

- elle peut prétendre à l'indemnisation du coût de réinstallation de filières d'assainissement cette fois correctement dimensionnées pour seize habitations.

Par un mémoire, enregistré le 19 avril 2018, la société Coved, représentée par la SELARL Parme Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Griselles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'elle n'a commis aucune faute, ni dans le suivi des opérations de réhabilitation des installations d'assainissement défectueuses ni dans le choix des filières installées ; ce choix n'a, en tout état de cause, pas de lien avec les désordres constatés.

Par deux mémoires, enregistrés les 4 juillet 2018 et 12 novembre 2019, la société Girard, représentée par la SCP Beziz-Cleon-Charlemange-Creusvaux, conclut au rejet de la requête et à ce que sa part de responsabilité soit limitée à 40 %.

Elle fait valoir que :

- sa part de responsabilité doit être limitée ;

- l'évaluation du montant des travaux de reprise des désordres effectuée par les premiers juges doit être confirmée ;

- si un sous-dimensionnement entraîne une non-conformité des installations au regard de leur destination, la remise en adéquation de ces installations générerait une plus-value par rapport aux prestations telles qu'elles ont été commandées par la commune.

Par deux mémoires, enregistrés les 19 juillet 2018 et 3 décembre 2019, la société Dematech Environnement, représentée par la SCP Soulie-E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Griselles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucune faute ne peut lui être reprochée et dans tous les cas, il n'existe aucun lien de causalité entre l'origine des désordres et l'étude qu'elle a réalisée ;

- la commune ne peut plus rechercher sa responsabilité contractuelle, la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil étant acquise ; en outre, en lui réglant les prestations exécutées, elle a nécessairement renoncé à se prévaloir des fautes commises.

Par deux mémoires, enregistrés les 2 octobre et 3 décembre 2019, la société Hydrétudes, représentée par la SCP Ballaloud Aladel, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et demande à la cour :

1°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum les sociétés Esa Coved, Dematech Environnement et Girard à la garantir de toute condamnation ;

2°) en tout état de cause, de limiter le montant de l'indemnisation de la commune à la somme de 25 912 euros, outre le coût de maîtrise d'oeuvre limité à 5 % ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Griselles ou qui mieux le devra une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité sur le fondement de la responsabilité contractuelle ni pour dol ni pour défaut de conseil lors des opérations de réception des travaux ;

- les désordres sont imputables à la société Girard en charge de l'exécution des travaux, de la société Dematech en charge de la réalisation d'études en amont ; ces sociétés doivent être condamnées à la garantir de toute condamnation ainsi que la société Esa Coved ;

- il y a lieu de confirmer le jugement s'agissant de l'évaluation du coût de la maîtrise d'oeuvre ; l'indemnisation du coût de substitution des seize installations sous-dimensionnées constituerait une plus-value ; en tout état de cause, il n'y a pas sous-dimensionnement, la définition de ce dimensionnement ne relevait pas de sa mission et le dimensionnement des installations n'est à l'origine d'aucun désordre ;

- les montants préconisés par l'expert ne correspondent pas au prix du marché ; l'expert préconise l'installation d'un extracteur électrique doté de cartouches anti-odeur qui ne sont pas obligatoires, et constitue une amélioration à la charge des particuliers ; quant aux tuyaux de ventilation qui sont tombés, cela relève de la seule responsabilité de la société Girard ; les travaux de reprise ne nécessitent pas de maîtrise d'oeuvre ; en tout état de cause, le taux de 10 % est disproportionné.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics alors en vigueur ;

- le code civil ;

- l'arrêté du 7 septembre 2009 fixant les prescriptions techniques applicables aux installations d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de DBO5 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... ;

- les conclusions de Mme Gondouin, rapporteur public ;

- et les observations de Me E..., représentant la société Dematech Environnement, celles de Me A..., représentant la société Girard et celles de Me B..., représentant la société Hydrétudes.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux délibérations du 20 juin 2006, le conseil municipal de la commune de Griselles (21) a, d'une part, créé un service public d'assainissement non collectif (SPANC) qu'il a décidé d'exploiter en régie, et d'autre part, confié les opérations de contrôles réglementaires des installations autonomes d'assainissement à la société Entreprise de Services et d'Assainissement (ESA) devenue Coved. En application de ce contrat, cette société a réalisé, de juin 2006 à juillet 2007, des contrôles de conformité des soixante-trois équipements situés sur le territoire de la commune. Ces contrôles ont révélé des non-conformités ayant conduit la commune de Griselles à confier à la société Dematech Environnement la réalisation d'une étude technique visant à déterminer, pour chacune des propriétés concernées, les caractéristiques techniques des dispositifs d'assainissement non collectif à y installer. Suite à la remise du rapport de cette société, le 31 août 2008, le conseil municipal de la commune a, par une délibération du 1er avril 2009, décidé une opération de réhabilitation des installations autonomes d'assainissement et autorisé le maire à signer les conventions de maîtrise d'ouvrage déléguée avec quarante-neuf propriétaires de la commune. Par acte d'engagement du 22 avril 2010, elle a confié la maîtrise d'oeuvre de l'opération à la société Hydrétudes qui a eu recours à l'entreprise Guénot Ingénierie, en qualité de sous-traitant. Puis, par acte d'engagement du 28 septembre 2010, la commune a confié l'exécution des travaux à la société Girard. Les travaux ont été réceptionnés le 22 septembre 2011 avec des réserves, levées le 28 septembre suivant. Plusieurs propriétaires ayant signalé des dysfonctionnements dès la fin de l'année 2011, la commune de Griselles a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Dijon d'une demande de désignation d'un expert. Suite à la remise du rapport d'expertise le 31 mai 2016, elle a saisi le même tribunal d'une demande de condamnation des sociétés Coved, Dematech Environnement, Hydrétudes, et Girard, à lui verser, ensemble, la somme de 393 855 euros en réparation des désordres affectant les quarante-neuf filières d'assainissement non collectif réalisées sous sa maîtrise d'ouvrage déléguée, en invoquant tant leur responsabilité contractuelle que leur responsabilité décennale. Par un jugement du 20 octobre 2017, le tribunal administratif de Dijon a condamné les sociétés Girard et Hydrétudes à verser in solidum à la commune de Griselles la somme de 228 100 euros sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs pour le changement des postes de relevage de trente-trois installations autonomes d'assainissement et la reprise du dispositif de ventilation de l'ensemble de quarante-neuf équipements installés. La commune de Griselles relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à ses conclusions de première instance.

Sur la responsabilité décennale :

2. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a retenu, sans être contesté, que les désordres affectant les postes de relevage ainsi que les phénomènes d'odeurs nauséabondes, dont il a reconnu l'imputabilité aux sociétés Hydrétudes et Girard, sont de nature à rendre les installations d'assainissement non collectifs impropres à leur destination. Il a, en revanche, rejeté les conclusions de la commune de Griselles portant sur le sous-dimensionnement de seize installations en considérant que la mise en conformité sur ce point de ces installations génèrerait une plus-value par rapport aux prestations telles qu'elles avaient été commandées par la commune.

3. En premier lieu, selon l'article 2 de l'arrêté du 7 septembre 2009 visé ci-dessus, " Les installations d'assainissement non collectif ne doivent pas porter atteinte à la salubrité publique, à la qualité du milieu récepteur, ni à la sécurité des personnes. Elles ne doivent pas présenter de risques pour la santé publique (...). ". L'article 3 du même arrêté précise que " Les installations d'assainissement non collectif doivent être conçues, réalisées et entretenues conformément aux principes généraux et prescriptions techniques décrits dans le présent arrêté. / Les caractéristiques techniques et le dimensionnement des installations doivent être adaptées aux flux de pollution à traiter, aux caractéristiques de l'immeuble à desservir, telles que le nombre de pièces principales, aux caractéristiques de la parcelle où elles sont implantées, particulièrement l'aptitude du sol à l'épandage, ainsi qu'aux exigences décrites à l'article 5 et à la sensibilité du milieu récepteur. (...) ".

4. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise judiciaire, que le dimensionnement des installations d'assainissement non collectif a été effectué en tenant compte non des caractéristiques des immeubles à desservir mais de l'occupation réelle des habitations, conduisant pour seize d'entre elles à un sous-dimensionnement. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ces installations présenteraient un danger pour la sécurité des personnes ou un risque environnemental avéré. La seule circonstance que les propriétaires devront, s'ils décident de vendre leur logement, remettre aux normes ces installations sous-dimensionnées, n'est pas en soi de nature à rendre ces installations impropres à leur destination. Il en résulte que la commune de Griselles n'est pas davantage fondée en appel à rechercher la responsabilité des constructeurs, et en particulier de la société Hydrétudes, sur le fondement de la garantie décennale.

5. En deuxième lieu, le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur le fondement de la garantie décennale ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables. Il résulte de l'instruction et ainsi qu'il a été dit au point 1, que la commune de Griselles a confié à la société Dematech Environnement, la réalisation d'une étude technique visant à déterminer, pour chacune des propriétés concernées, les caractéristiques techniques des dispositifs d'assainissement non collectif à y installer. Il lui appartenait après analyse des contraintes techniques et réglementaires de chacune des parcelles de préconiser la filière d'assainissement non collectif la mieux adaptée à chaque cas, le maître d'oeuvre ayant une mission de relecture de ses travaux et d'adaptation des devis déjà établis. Il en résulte que la société Dematech Environnement a participé à la conception des travaux et peut voir sa responsabilité décennale engagée vis-à-vis de la commune de Griselles. Toutefois, il résulte de l'instruction que les désordres de nature décennale tenant au dysfonctionnement des postes de relevage et aux odeurs nauséabondes ne sont pas imputables à la société Dematech Environnement compte tenu des missions qui lui étaient confiées.

Sur la responsabilité contractuelle :

6. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage et interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation.

7. En premier lieu, la commune de Griselles reproche à la société ESA, devenue Coved, de ne pas lui avoir prêté son concours technique et administratif pour l'instruction et le contrôle de l'opération de réhabilitation placée sous sa maîtrise d'ouvrage déléguée. Toutefois, ainsi qu'il en résulte du A de l'article 2 du contrat conclu le 20 juin 2006, il appartenait à la commune de Griselles, en sa qualité de gestionnaire du SPANC, de solliciter le concours de son prestataire technique pour notamment l'instruction des documents de conception des installations d'assainissement non collectif envisagés dans chacune des 49 propriétés concernées. Il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Griselles aurait sollicité le concours de son cocontractant lors de la phase de conception des travaux. En revanche, il résulte de l'instruction que la société Esa, devenue Coved, est intervenue à l'issue des travaux pour effectuer le " contrôle technique de la réalisation ". Toutefois et alors que le A de l'article 2 du contrat du 20 juin 2006 précise que ce contrôle doit être réalisé " après construction mais avant remblaiement afin de s'assurer que les dispositions décrites dans le projet ont été respectées ", il est constant que la société ESA a procédé aux " contrôles de réalisation " après le remblaiement sans avoir été destinataire des documents de conception. S'il peut effectivement lui être reproché d'avoir réalisé ces contrôles sans disposer des moyens nécessaires et de les avoir cependant facturés à la commune de Griselles, ces fautes ne sont pas à l'origine des désordres constatés.

8. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, dès lors que la société Dematech Environnement a participé à la conception des travaux en qualité de constructeur, la commune de Griselles n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité contractuelle postérieurement à la réception des travaux et à la levée des réserves.

9. En troisième lieu, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que la société Hydrétudes, en validant les préconisations de la société Dematech Environnement pour l'installation de filières d'assainissement compactes dotées d'un filtre à laine de roche, aurait agi dans l'intention de nuire à la commune de Griselles. D'autre part, s'il est constant que la société Girard n'a pas exécuté les travaux qui lui étaient confiés avec les diligences normalement attendues d'un professionnel, les fautes qu'elle a ainsi commises ne sont pas assimilables à une fraude ou à un dol. Par suite, la réception des travaux ayant été prononcée et les réserves ayant été levées, la commune de Griselles n'est pas fondée, en tout état de cause, à rechercher la responsabilité contractuelle de ces entreprises, dont la responsabilité décennale a déjà été au demeurant reconnue par le jugement du tribunal administratif, non contesté sur ce point.

10. En dernier lieu, la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'oeuvre en avait eu connaissance en cours de chantier.

11. Il résulte de l'instruction et ainsi que le fait valoir la commune de Griselles, que les principaux dysfonctionnements constatés concernent les postes de relevage, indispensables pour assurer l'évacuation des eaux usées traités vers le milieu hydraulique superficiel. Il résulte du rapport d'expertise que le matériel installé par la société Girard ne correspond pas à celui agréé par la maîtrise d'oeuvre, que l'absence de barre de guidage et de pied d'assise sur ces postes permettait le déplacement de la pompe et entraînait son dysfonctionnement, que l'absence d'étanchéité des installations et les pénétrations d'eaux de pluies ont contribué au déclenchement des pompes en continu, les mettant ainsi hors d'usage et provoquant de ce fait des pannes, des engorgements et des débordements des filières concernées. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que les réseaux de ventilation des installations d'assainissement non collectif étaient dépourvus d'extracteur éolien, contrairement aux recommandations du fabricant, et que la longueur des canalisations de ventilation et la présence de coude à 90° contribuaient à générer des odeurs désagréables. Ces malfaçons étaient toutes aisément décelables par un maître d'oeuvre normalement précautionneux. Ainsi, la société Hydrétudes avait l'obligation d'appeler l'attention de la commune de Griselles sur ces malfaçons apparentes qui faisaient obstacle à une réception sans réserve des travaux. Néanmoins, dès lors que le tribunal administratif de Dijon a retenu, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, la responsabilité des sociétés Hydrétudes et Girard, la commune de Griselles n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la société Hydrétudes au titre de ces mêmes désordres pour défaut de conseil lors des opérations de réception.

12. Par ailleurs, à supposer que la commune de Griselles ait entendu faire valoir la circonstance que le maître d'oeuvre ne lui a pas signalé, au moment de la réception des travaux, le non-respect des prescriptions relatives au dimensionnement de seize installations d'assainissement non collectif, au regard des caractéristiques des immeubles à desservir, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 4, que cette erreur de conception serait à l'origine d'un quelconque dysfonctionnement et serait de nature à porter atteinte à la santé publique ni à la qualité du milieu récepteur. En l'absence de désordre affectant l'ouvrage au moment de sa réception, la commune de Griselles n'est en tout état de cause pas fondée à rechercher la responsabilité de la société Hydrétudes pour défaut de conseil lors des opérations de réception à raison de cette erreur de conception.

Sur le montant du préjudice :

13. En premier lieu, il ressort des énonciations du jugement attaqué que les premiers juges ont évalué le montant des travaux de reprise des trente-trois postes de relevage à la somme de 163 350 euros toutes taxes comprises (TTC), conformément aux préconisations de l'expert. Les sociétés Girard et Hydrétudes font valoir que ce montant est surévalué et qu'il y a lieu de retenir le montant des travaux prévus à l'origine dans le cadre de la procédure de passation du marché. Toutefois, les travaux de reprise des désordres comprennent non seulement la fourniture et la pose de postes de relevage conformément aux prescriptions du CCTP mais également et nécessairement la dépose des installations existantes à remplacer. Il ne résulte pas de l'instruction que le coût total de ces travaux aurait été surévalué par les premiers juges.

14. En deuxième lieu, les premiers juges ont estimé à 53 900 euros TTC, conformément aux conclusions de l'expert, le coût des travaux de reprise du dispositif de ventilation des quarante-neuf installations d'assainissement non collectif comprenant la fourniture d'extracteurs éoliens et électriques ainsi que la pose de cartouches anti-odeurs. Cependant, et ainsi que le fait valoir la société Hydrétudes, ces prestations qui n'avaient pas été prévues par le marché initial apportent aux ouvrages une plus-value qui doit être déduite du montant de l'indemnisation due à la commune de Griselles. Il sera fait une juste appréciation du coût des seuls travaux nécessaires à la reprise des désordres affectant le dispositif de ventilation en en fixant le montant à la somme de 26 000 euros TTC.

15. En dernier lieu, si la commune de Griselles soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a fixé à environ 5 % du montant de ces travaux le coût de la maîtrise d'oeuvre, elle n'apporte à la cour aucun élément de nature à remettre à cause l'appréciation des premiers juges. Il résulte de ce qui précède que les frais de maîtrise d'oeuvre doivent être évalués à 9 450 euros, soit 8 150 euros retenus par les premiers juges concernant les travaux de reprise des postes de relevage et 1 300 euros pour les travaux de reprise des dispositifs de ventilation.

16. Il résulte de ce qui précède que la société Hydrétudes est seulement fondée à demander que l'indemnité, que le tribunal administratif l'a condamnée à verser à la commune de Griselles, avec la société Girard, soit réduite à la somme de 198 800 euros TTC.

Sur les appels en garantie :

17. Il ressort des énonciations du jugement contesté que les premiers juges ont condamné la société Girard à garantir la société Hydrétudes à hauteur de 80 % de la condamnation prononcée, sur le fondement de la garantie décennale, au titre de la reprise des désordres affectant les postes de relevage et à hauteur de 25 % de la condamnation prononcée, sur le même fondement, au titre de la reprise des désordres affectant le dispositif de ventilation. La société Girard, qui se borne à demander que sa part de responsabilité soit limitée à 40 %, n'apporte à la cour aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation des premiers juges sur ce point.

18. La société Hydrétudes, qui ne conteste pas davantage utilement le jugement sur ce point, n'est pas fondée à appeler en garantie les sociétés Dematech Environnement et Coved, dont la responsabilité est écartée, à raison des désordres de nature décennale affectant les installations d'assainissement non collectif.

Sur les dépens :

19. Par le jugement attaqué, les premiers juges ont mis à la charge définitive et in solidum, des sociétés Girard et Hydrétude, les frais d'expertise. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Griselles n'est pas fondée à soutenir que les dépens devaient également être supportés par les sociétés Coved et Dematech Environnement.

Sur les frais liés au litige :

20. Dans les circonstances de l'espèce, les conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 228 100 euros que les sociétés Hydrétudes et Girard ont été condamnées in solidum à verser à la commune de Griselles par le jugement du tribunal administratif de Dijon est ramenée à 198 800 euros toutes taxes comprises.

Article 2 : La société Girard est condamnée à garantir la société Hydrétudes à hauteur de 80 % de la somme de 171 500 euros et 25 % de la somme de 27 300 euros.

Article 3 : L'article 1er du jugement n° 1603382, 1603386 du tribunal administratif de Dijon du 20 octobre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Griselles et aux sociétés Coved, Dematech Environnement, Hydrétudes et Girard.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 janvier 2020.

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N° 17LY04289


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme GONDOUIN
Avocat(s) : SELARL PARME AVOCATS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 15/01/2020
Date de l'import : 21/01/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17LY04289
Numéro NOR : CETATEXT000041423407 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-15;17ly04289 ?
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