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19/12/2019 | FRANCE | N°19LY01814

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 19 décembre 2019, 19LY01814


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'une part, d'annuler les décisions du 3 avril 2019 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et a fixé le pays de destination, ensemble la décision du même jour ordonnant son assignation à résidence ;

- d'autre part, d'enjoindre au p

réfet du Rhône de mettre en oeuvre la procédure d'effacement de son signalement aux fins ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'une part, d'annuler les décisions du 3 avril 2019 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et a fixé le pays de destination, ensemble la décision du même jour ordonnant son assignation à résidence ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet du Rhône de mettre en oeuvre la procédure d'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter du jugement.

Par un jugement n° 1902632 du 12 avril 2019, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, enjoint au préfet du Rhône de mettre en oeuvre, sans délai, la procédure d'effacement du signalement de M. A... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, mis à la charge de l'État le versement au conseil de M. A... de la somme de 1 000 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

I) Par une requête, enregistrée le 14 mai 2019, le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement n° 1902632 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon du 12 avril 2019 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de mettre en oeuvre, sans délai, la procédure d'effacement du signalement de M. A... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, et à la mise à la charge de l'État d'une somme au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que, contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, la durée de l'interdiction de retour n'a pas été fixée par le simple fait que M. A... aurait menti sur son âge pour bénéficier d'un droit indu en présentant à 1'État français de faux documents, mais il a été tenu compte du fait que l'intéressé ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire, qu'il ne justifiait de la présence d'aucun membre de sa famille en France et ne démontrait pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu l'essentiel de sa vie, et du fait qu'il a tenté de bénéficier d'un avantage indu en présentant aux services de l'État de faux documents en vue de les tromper sur sa minorité, ce comportement constituant une menace pour l'ordre public au regard de sa faible durée de présence en France. La durée de l'interdiction de retour n'est pas disproportionnée eu égard aux conditions de vie de l'intéressé en France et à son absence d'attaches familiales dans ce pays. A titre subsidiaire, la condamnation de l'État à verser à M. A... une somme de 1 000 euros est excessive et non justifiée.

Par un mémoire, enregistré le 15 juillet 2019, présenté pour M. C... A..., il conclut :

1) au rejet de la requête ;

2) à l'annulation du jugement du 12 avril 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 3 avril 2019 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ;

3) à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4) à la mise à la charge de l'État du versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour Me B... de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant, eu égard à sa minorité ;

- les décisions en litige méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de fait, dès lors que le préfet du Rhône ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article L. 511-II-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aucune absence de titre de séjour ne pouvant être retenue à l'encontre d'un mineur et alors qu'il existait des circonstances particulières ;

- le moyen soulevé par le préfet n'est pas fondé.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 juillet 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Par un mémoire non communiqué, enregistré le 22 novembre 2019, M. A... a produit de nouvelles pièces.

II) Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2019 sous le n° 19LY02746, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1902632 du 12 avril 2019 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 3 avril 2019 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler les décisions du 3 avril 2019 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour Me B... de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant, eu égard à sa minorité ;

- les décisions en litige méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de fait, dès lors que le préfet du Rhône ne pouvait se fonder sur les dispositions de l'article L. 511-II-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aucune absence de de titre de séjour ne pouvant être retenue à l'encontre d'un mineur et alors qu'il existait des circonstances particulières.

Les demandes de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle ont été rejetées par des décisions des 12 juin 2019 et 24 juillet 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observation.

III) Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2019 sous le n° 19LY02748, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1902632 du 12 avril 2019 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande d'annulation des décisions du 3 avril 2019 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination et de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'il a fait valoir au soutien de sa requête tendant à l'annulation du jugement des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation des décisions en litige et que l'exécution du jugement attaqué est de nature à entraîner des conséquences difficilement réparables.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.

La demande de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée par une décision du 24 juillet 2019 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel), confirmée par une ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Lyon du 19 septembre 2019.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les observations de Me B... pour M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant de nationalité camerounaise qui a déclaré être né le 28 décembre 2002, être entré irrégulièrement en France et être arrivé à Lyon début septembre 2018, après avoir transité par l'Italie, a été pris en charge en appartement éducatif au Centre d'enseignement professionnel et d'accueil pour les jeunes (CEPAJ). Le 3 avril 2019, il a été placé en garde à vue pour des faits de fausse déclaration dans le but d'obtenir des prestations sociales et pour la détention de faux documents. Le préfet du Rhône, par des décisions du même jour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a assorti ces décisions d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois. En premier lieu, d'une part, par sa requête enregistrée sous le n° 19LY01814, le préfet du Rhône interjette appel du jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé la décision du 3 avril 2019 prononçant à l'encontre de M. A... une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois, qu'il lui a enjoint de mettre en oeuvre, sans délai, la procédure d'effacement du signalement de M. A... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen, et mis à la charge de l'État le versement au conseil de M. A... de la somme de 1 000 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. D'autre part, M. A..., par la voie de l'appel incident, demande à la cour d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions du 3 avril 2019 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination. En deuxième lieu, par sa requête enregistrée sous le n° 19LY02746, M. A... interjette appel du jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions du 3 avril 2019 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination. En dernier lieu, par sa requête enregistrée sous le n° 19LY002748, il conclut également à ce que soit ordonné le sursis à l'exécution de ce jugement en tant qu'il a rejeté lesdites conclusions de sa demande.

2. Les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 dudit code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.

6. Pour refuser à M. A... la qualité de mineur, le préfet du Rhône s'est fondé, en premier lieu, sur l'expertise médicale du 2 avril 2019 concluant à un âge moyen de vingt-neuf ans avec un âge minimum de vingt-et-un ans, en deuxième lieu sur les aveux de l'intéressé au cours de son audition par les services de police, le 3 avril 2019, au cours de laquelle il a déclaré être né en réalité le 10 juin 1992 et, enfin, sur la transmission par le centre de coopération policière et douanière franco-italien de Vintimille de ses empreintes digitales établissant qu'il était connu en Italie sous trois identités comportant une date de naissance différente mais concernant toutes un individu majeur né au Cameroun.

7. M. A..., qui déclare être né le 28 décembre 2002 et a été placé par une ordonnance en assistance éducative du juge des enfants du 24 octobre 2018, en tant que mineur étranger isolé, auprès du service de l'aide sociale à l'enfance de la Métropole, invoque sa minorité à la date de la décision en litige. Il a produit notamment un acte de naissance, un extrait d'acte de naissance et une carte consulaire délivrés par le Consulat du Cameroun à Paris, mentionnant cette date de naissance.

8. Toutefois, en premier lieu, comme l'a relevé le premier juge, selon le rapport d'analyse du service de fraude documentaire de la police aux frontières du 2 avril 2019, l'acte de naissance établi au nom de Franck Steve A... né le 28 décembre 2002, ne comporte pas la signature du secrétaire du centre contrairement à ce que prévoit l'article 14 de l'ordonnance n° 81/002 portant sur l'organisation de l'état-civil, des fautes de typographie sont présentes sur les mentions fixes, celles-ci sont réalisées en offset de mauvaise qualité, le façonnage du document n'est pas conforme au document authentique et il est constaté l'absence de dentelure sur le bord gauche du document. L'extrait de l'acte de naissance camerounais mentionnant la même date de naissance comporte des mentions fixes réalisées à l'aide d'une imprimante de type jet d'encre au lieu d'une impression en offset quadrichromie. Il en est de même du fond d'impression. En soutenant que les services de l'ambassade ont pu recourir à un autre mode d'impression pour des raisons de rupture de fournitures d'impression de type encre offset, M. A... ne justifie pas les autres malfaçons constatées sur l'acte de naissance. Il résulte de ce qui précède que les documents d'état-civil dont se prévaut le requérant présentent des signes visibles de contrefaçon. Comme le mentionne le procès-verbal de police du 19 février 2019, la carte consulaire et l'extrait de l'acte de naissance délivrés par le consulat du Cameroun dont justifie M. A... ont été établis à partir de la copie de l'acte de naissance de M. A... délivrée en 2003 au Cameroun, dont l'authenticité n'est pas établie.

9. En second lieu, alors qu'ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de police du 3 avril 2019, M. A... a reconnu lui-même être né le 10 juin 1992, et être parti du Cameroun muni d'un faux acte de naissance mentionnant sa date de naissance en 2002, et alors qu'il avait fait l'objet d'un précédent refus de prise en charge en qualité de mineur étranger isolé, fin 2017, à Créteil dans le Val-de-Marne, avec une date de naissance différente, le 28 décembre 2000, mais une filiation, une naissance dans la même maternité, un parcours migratoire et un récit des conditions de vie au Cameroun identiques, il n'apporte aucun élément permettant de contredire l'analyse documentaire ni l'analyse osseuse, ou de nature à confirmer la réalité de l'âge qu'il prétend avoir, de tels éléments ne pouvant résulter de la seule production, en appel, de documents relatifs à une demande de passeport déposée auprès du consulat général du Cameroun à Paris en avril 2019 et délivré ultérieurement et de documents établis postérieurement à la date des décisions en litige. Au demeurant, la date du 28 juillet 2002 mentionnée comme étant celle de la naissance de l'intéressé sur l'extrait d'acte de naissance établi le 16 juillet 2019 par le consulat général de la République du Cameroun à Paris diffère de celle mentionnée sur les autres actes d'état-civil produits par M. A....

10. Par suite, M. A..., qui n'établit pas être mineur à la date de la décision qu'il conteste, ne peut se prévaloir des dispositions du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relatives aux droits de l'enfant doit être écarté.

11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

12. M. A... est entré irrégulièrement en France en septembre 2018, sept mois avant la décision en litige. Célibataire et sans enfant, il ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière sur le territoire français et n'allègue pas disposer d'attaches familiales en France, alors qu'il conserve nécessairement des attaches au Cameroun, où réside notamment sa grand-mère qui l'a élevé et où lui-même a vécu la majeure partie de sa vie. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée de séjour et des conditions d'entrée et de séjour de l'intéressé en France, et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision contestée ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle ne méconnaît pas, dès lors, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte des circonstances de fait précitées que le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en faisant obligation à M. A... de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :

14. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) ".

15. M. A... soutient qu'il présente des garanties de représentation suffisantes dès lors qu'il est hébergé dans le cadre de sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance et qu'en raison de sa minorité il n'était pas tenu de disposer d'un titre de séjour. Il résulte toutefois de ce qui a été dit qu'ayant fait usage de documents falsifiés, il entre dans le champ d'application du e) du 3 du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permet au préfet, pour ce seul motif, de refuser un délai de départ volontaire à un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement.

16. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 12, la décision refusant un délai de départ volontaire à M. A... ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour :

17. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé (...) / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

18. Pour estimer qu'il y avait lieu de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois, le préfet du Rhône a considéré que M. A..., en l'absence de circonstances humanitaires, ne justifiait ni de la nature, ni de l'ancienneté de ses liens avec la France, et qu'il présentait un comportement délictueux constitutif d'une menace à l'ordre public au regard de son temps de séjour particulièrement court sur le territoire français.

19. Il appartenait au préfet, en vertu des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'assortir l'obligation de quitter le territoire français sans délai d'une interdiction de retour sur le territoire français. L'intéressé ne se prévaut, en outre, d'aucune circonstance humanitaire au sens de ces dispositions. Ainsi, et nonobstant la circonstance, à la supposer établie, qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les dispositions précitées ni commis d'erreur d'appréciation en assortissant sa mesure d'éloignement d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois. C'est, dès lors, à tort, que, pour annuler cette décision, le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de ce que le comportement de M. A... ne constituait pas une menace à l'ordre public.

20. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....

21. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait négligé de tenir compte, outre de la menace pour l'ordre public que représente la présence de l'intéressé sur le territoire français, de la durée de cette présence, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement, ni qu'il ait négligé de se livrer à un examen particulier de la situation de M. A....

22. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision interdisant à M. A... le retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et mis à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et, d'autre part, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce même jugement, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation des décisions du 3 avril 2019 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions de la requête n° 19LY02748 de M. A... aux fins de sursis à exécution :

23. Le présent arrêt statuant sur la requête de M. A... dirigée contre le jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans les présentes instances, au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 1902632 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon du 12 avril 2019 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions de M. A... dans les requêtes n° 19LY01814 et n° 19LY02746 sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de M. A... enregistrée sous le n° 19LY02748.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A.... Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.

1

2

Nos 19LY01814, 19LY02746, 19LY02748


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01814
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : VIBOUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-19;19ly01814 ?
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