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19/12/2019 | FRANCE | N°18LY02722

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 19 décembre 2019, 18LY02722


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances mutuelle et la société civile professionnelle de notaires Marie-Pierre Badet-Blériot, Jean-Jacques Eyrolles, Catherine André-Eyrolles, ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner solidairement la commune de Vallon-Pont-d'Arc et son assureur, la société Groupama Méditerranée à lui verser la somme de 558 080,94 euros en réparation du préjudice résultant de la résolution judiciaire de contrats de vente en l'état futur d'achèvement relatifs à un

projet situé route de Gorges à Vallon-Pont-d'Arc par un jugement du tribunal de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Les sociétés MMA IARD, MMA IARD Assurances mutuelle et la société civile professionnelle de notaires Marie-Pierre Badet-Blériot, Jean-Jacques Eyrolles, Catherine André-Eyrolles, ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner solidairement la commune de Vallon-Pont-d'Arc et son assureur, la société Groupama Méditerranée à lui verser la somme de 558 080,94 euros en réparation du préjudice résultant de la résolution judiciaire de contrats de vente en l'état futur d'achèvement relatifs à un projet situé route de Gorges à Vallon-Pont-d'Arc par un jugement du tribunal de grande instance de Privas du 29 novembre 2012.

Par un jugement n° 1608997 du 15 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2018 et un mémoire enregistré le 2 avril 2019, les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelle, représentées par la SELARL d'avocats Plantavin-Reina, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 mai 2018 ; 2°) A titre principal de condamner solidairement la commune de Vallon Pont d'Arc et son assureur, la société Groupama Méditerranée, à lui verser la somme demandée et, à titre subsidiaire, en cas de partage de responsabilité avec le notaire, de les condamner à hauteur de 50 % des préjudices subis ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Vallon Pont d'Arc et de son assureur, la société Groupama Méditerranée, la somme de 5 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement, qui ne s'est pas prononcé sur la responsabilité de la commune, est insuffisamment motivé ;

- le maire de Vallon Pont d'Arc a commis une faute en donnant à quatre reprises des renseignements erronés quant à la validité du permis de construire ;

- cette faute est à l'origine du préjudice subi par les victimes.

Par un mémoire enregistré le 11 mars 2019, la commune de Vallon-Pont-d'Arc et la société Groupama Méditerranée concluent au rejet de la requête et demandent qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge solidaire des requérants, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

- le code des assurances ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bertrand Savouré, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Maître I..., représentant les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelle, de Me O..., représentant la commune de Vallon-Pont-d'Arc et Groupama Méditerranée ;

Considérant ce qui suit :

1. La SA Chames, qui exerçait, jusqu'à sa liquidation judiciaire le 9 juin 2009, une activité d'hôtellerie, était titulaire d'un bail commercial, puis propriétaire d'un ensemble de parcelles situées à Vallon-Pont-D'arc (Ardèche). Elle a obtenu le 6 août 1991 un permis de construire, délivré au nom de la commune, en vue de l'extension d'une construction existante et la création d'un hôtel restaurant comportant quarante-quatre chambres. Les travaux ayant été interrompu à partir du mois d'août 1993, la direction départementale de l'équipement l'a informé, par deux courriers du 16 juin 1994 et du 30 août 1994, de la péremption potentielle du permis de construire en l'absence de travaux pendant plus d'un an. Sur demande de la SA Chames, le maire de Vallon-Pont-D'arc a cependant indiqué, par trois courriers similaires des 17 septembre 2004, 26 octobre 2005 et 22 juin 2006 que son permis de construire était toujours valide. Par acte du 15 février 2007, la SA Chames a vendu à des particuliers, en l'état futur d'achèvement, les lots objets du permis de construire.

2. Puis, par arrêté du 17 avril 2007, le maire de Vallon-Pont-D'arc a estimé que le permis de construire était périmé du fait de son interruption depuis plus d'un an et, notamment, que les éléments du dossier attestaient l'absence de modification des bâtiments existants entre les mois de février 1994 et mai 1995. Il a en conséquence mis en demeure la SA Chames de cesser immédiatement les travaux entrepris. Toutefois, par un arrêté ultérieur du 13 juillet 2007, le maire a retiré son arrêté du 17 avril 2007 en se bornant à faire état de ce que " les informations détenues en mairie permettent de constater que le permis de construire n'est pas périmé ". Ce dernier arrêté a cependant été retiré par arrêté du préfet de l'Ardèche du 18 juillet 2007, qui a constaté que l'arrêté du 13 juillet 2007 était entaché d'un défaut de motivation et d'une erreur de fait, dès lors que, d'une part, les éléments dont il disposait permettaient d'établir une interruption des travaux de plus d'un an à compter du mois d'août 1993 et que, d'autre part, les photographies prises le 7 février 1994 et le 5 mai 1995 ne révélaient l'édification d'aucun ouvrage.

3. Le chantier ayant ainsi été arrêté, les acquéreurs des lots ont saisi le tribunal de grande instance de Privas d'une action en résolution des contrats, à laquelle il a été fait droit par un jugement du 29 novembre 2012. La cour d'appel de Nîmes, par un arrêt du 22 mai 2014, a estimé que la SCP de notaires Marie-Pierre Badet-Blériot, Jean-Jacques Eyrolles, Catherine André-Eyrolles avait commis un manquement à son devoir de conseil et était entièrement responsable du préjudice subi. La Cour d'appel de Nîmes a jugé en substance que le notaire, professionnel du droit, aurait dû s'interroger en 2007 sur la validité d'un permis de construire délivré seize ans plus tôt et que les courriers adressés par le maire ne pouvaient, dans les circonstances de l'espèce, constituer une justification suffisante de la persistance de la validité du permis de construire. La SCP de notaires a ainsi été condamnée à rembourser aux acquéreurs des sommes dont le montant cumulé s'élève à 548 080,94 euros, outre les frais de procès fixés à 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

4. Les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelle ont demandé au tribunal administratif de Lyon la condamnation solidaire de la commune de Vallon-Pont-d'Arc et de son assureur, la société Groupama Méditerranée, à lui rembourser les sommes versées aux victimes. Elles interjettent appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

Sur la motivation du jugement attaqué :

5. Pour rejeter les demandes indemnitaires des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelle, le tribunal s'est borné à estimer que la faute commise par l'office notarial était " entièrement exonératoire " sans examiner explicitement si le maire de Vallon-Pont-D'arc avait commis une faute et, par conséquent, sans apprécier la gravité respective des fautes commises par les co-auteurs des dommages. Par suite, le tribunal ne peut être regardé comme ayant suffisamment motivé son jugement et doit donc être annulé.

6. Il y a lieu pour la cour de statuer par voie d'évocation sur les conclusions présentées par les sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelle.

Sur la responsabilité de la commune de Vallon-Pont-d'Arc :

7. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le maire de Vallon-Pont-d'Arc a adressé à trois reprises au pétitionnaire des courriers des 17 septembre 2004, 26 octobre 2005 et 22 juin 2006, indiquant sans ambiguïté que le permis de construire délivré était toujours valide et ce, quand bien même ils mentionnaient aussi la nécessité de recueillir l'avis de l'architecte des bâtiments de France. Si, ainsi que l'a jugé la Cour d'appel de Nîmes, le notaire a commis une imprudence fautive en admettant, sur la foi de ces courriers, la persistance de la validité du permis de construire, il n'en demeure pas moins que lesdits courriers ont pu induire en erreur le notaire et les acquéreurs, lesquels pouvaient légitimement croire en la véracité des affirmations du maire, qui est l'autorité délivrant le permis de construire et qui dispose des moyens de vérifier l'état d'avancement des travaux. L'existence de ces moyens de vérification est d'ailleurs démontrée par le fait que l'arrêté du 17 avril 2007 mentionne que les éléments du dossier attestaient l'absence de modification des bâtiments existants entre les mois de février 1994 et mai 1995. Les renseignements erronés fournis par le maire constituent donc une faute engageant la responsabilité de la commune. Par ailleurs, le vendeur, qui ne pouvait ignorer que le permis de construire était caduc compte tenu de l'écoulement du temps et des interruptions de travaux, a également commis une faute. En revanche, aucune faute des acquéreurs n'est caractérisée en l'espèce. Il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation du partage de responsabilités en fixant à 50 % la part de la commune.

Sur le préjudice :

8. Les sociétés requérantes demandent le remboursement des sommes versées à raison des préjudices reconnus par la cour d'appel de Nîmes, constitués, selon les cas, par les frais de dossier, des frais bancaires et d'assurances, des intérêts d'emprunts inutilement exposés, de leur préjudice moral fixé à 5 000 euros ainsi que des pertes de loyers résultant de la résolution de la vente, alors qu'ils étaient acquis en vue de leur location. Le montant cumulé de ces préjudices s'élève à 558 080,94 euros.

En ce qui concerne les frais de dossier, les frais divers, les frais d'assurances et les intérêts d'emprunts :

9. M. et Mme B... ont engagé des frais de dossier à hauteur de 450 euros, des frais bancaires divers à hauteur de 100 euros, des intérêts d'emprunt à hauteur de 32 480,43 euros et des frais d'assurance à hauteur de 4 598,88 euros.

10. Mme J... a engagé des frais de dossier à hauteur de 450 euros, des frais divers à hauteur de 186 euros, des intérêts d'emprunt à hauteur de 26 666,06 euros et des frais d'assurance à hauteur de 2 546 euros.

11. M. M... a engagé des frais divers à hauteur de 250 euros.

12. M. K... a engagé des frais de dossier à hauteur de 750 euros, des frais divers à hauteur de 3 205,52 euros, des intérêts d'emprunt à hauteur de 17 734,10 euros et des frais d'assurance à hauteur de 4016,76 euros.

13. M. et Mme D... ont engagé des frais divers à hauteur de 1 368,47 euros, des intérêts d'emprunt à hauteur de 6 804,54 euros et des frais d'assurance à hauteur de 1 840,23 euros.

14. M. et Mme L... ont engagé des frais de dossier à hauteur de 450 euros, des frais d'hypothèque et de garantie à hauteur de 1 853,78 euros, des intérêts d'emprunt à hauteur de 11 603,74 euros et des frais d'assurance à hauteur de 1 743,36 euros.

15. M. et Mme G... ont engagé des frais de dossier à hauteur de 450 euros, des intérêts d'emprunt à hauteur de 10 776,73 euros et des frais d'assurance à hauteur de 1 929,78 euros.

16. M. A... a engagé des frais de dossier à hauteur de 600 euros, des intérêts d'emprunt à hauteur de 24 904 euros et des frais d'assurance à hauteur de 5 088,96 euros.

17. M. C... et Mme E... ont engagé des frais d'hypothèque et de garantie à hauteur de 1 142 euros, des intérêts d'emprunt à hauteur de 21 622,65 euros et des frais d'assurance à hauteur de 1 436,40 euros.

18. M. et Mme H... ont engagé des frais de dossier à hauteur de 450 euros, des frais d'hypothèque et de garantie à hauteur de 2 282 euros, des intérêts d'emprunt à hauteur de 4 462,64 euros et des frais d'assurance à hauteur de 695,22 euros.

19. Du fait de la faute commise par le maire, qui a induit les acquéreurs en erreur, ces derniers ont inutilement engagé les frais mentionnés aux points 8 à 17 du présent arrêt, soit pour un montant total de 194 938,25 euros.

En ce qui concerne les troubles dans les conditions d'existence :

20. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence des victimes en les fixant à une somme de 5 000 euros, soit un montant total cumulé de 50 000 euros.

En ce qui concerne les pertes de loyer :

21. Les victimes ont signé avec la SA Dom'ville des baux commerciaux relatifs à des biens immobiliers. Ces contrats, qui commençaient à courir du jour de la signature de l'acte authentique et devaient se terminer le 30 septembre 2016, fixaient pour chacun d'eux le montant du loyer annuel, ses modalités de révision et de paiement chaque semestre. Les pertes de loyers subis par les acquéreurs sont directement imputables aux renseignements erronés fournis par le maire. Ainsi que l'a jugé la cour d'appel de Nîmes, ces préjudices doivent être évalués à 57 688,80 euros en ce qui concerne M. et Mme B..., 23 361 euros en ce qui concerne Mme J..., 32 858,80 euros en ce qui concerne M. M..., 32 476,60 euros en ce qui concerne M. K..., 23 322,65 euros en ce qui concerne M. et Mme L..., 23 268,05 euros en ce qui concerne M. et Mme G..., 32 476,60 euros en ce qui concerne M. A..., 24 622,65 euros en ce qui concerne M. C... et Mme E... et enfin 23 656,10 euros en ce qui concerne M. et Mme H....

En ce qui concerne les frais de procès auxquels le notaire a été condamné :

22. L'office notarial a été condamné à verser aux victimes la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sa qualité de partie perdante au procès devant la cour d'appel de Nîmes. Les sommes versées en application de cette condamnation sont imputables à la faute du maire.

23. Il résulte de ce qui précède que la société MMA IARD, seule subrogée dans les droits des victimes, est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et que les préjudices imputables à la faute du maire s'élèvent à 558 080,94 euros. Eu égard au partage de responsabilité mentionné au point 3, il y a lieu de condamner solidairement la commune et son assureur à lui verser la somme de 279 040,47 euros.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que la commune de Vallon-Pont-d'Arc et la société Groupama Méditerranée demandent sur leur fondement soient mises à la charge des sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelle, qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre solidairement à la charge de la commune de Vallon-Pont-D'arc et la société Groupama Méditerranée le paiement de la somme de 2 000 euros à verser à la société MMA IARD au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 mai 2018 est annulé.

Article 2 : La commune de Vallon-Pont-d'Arc et la société Groupama Méditerranée sont solidairement condamnées à verser à la société MMA IARD la somme de 279 040,47 euros.

Article 3 : La commune de Vallon-Pont-d'Arc et la société Groupama Méditerranée verseront chacune à la société MMA IARD la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande et des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux sociétés MMA IARD et MMA IARD Assurances mutuelle, à la commune de Vallon-Pont-d'Arc et à la société Groupama Méditerranée.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme F..., présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 décembre 2019.

2

N° 18LY02722


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02722
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-05-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de l'urbanisme. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : PLANTAVIN REINA ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-19;18ly02722 ?
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