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12/12/2019 | FRANCE | N°19LY00076

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 12 décembre 2019, 19LY00076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... G... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 20 août 2015 par laquelle le préfet du Rhône a refusé d'accorder le regroupement familial demandé en faveur de son fils, M. B... E... A....

Par un jugement n° 1601147 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2019, Mme C... G..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annule

r le jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 septembre 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de po...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... G... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 20 août 2015 par laquelle le préfet du Rhône a refusé d'accorder le regroupement familial demandé en faveur de son fils, M. B... E... A....

Par un jugement n° 1601147 du 20 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2019, Mme C... G..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 20 septembre 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du préfet du Rhône du 20 août 2015 rejetant sa demande de regroupement familial ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'admettre M. A... au titre du regroupement familial ou de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal a insuffisamment motivé sa décision en ne répondant pas aux arguments relatifs au défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le jugement est mal fondé dès lors qu'il a manqué de constater le défaut d'examen particulier des circonstances ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation s'agissant de ses ressources en ne prenant pas en compte la conclusion d'un contrat à durée indéterminée à temps plein en mars 2015 ;

- c'est à tort que le préfet s'est considéré en compétence liée et n'a pas procédé à un examen réel de la situation, dès lors qu'il n'a tenu compte ni de sa situation personnelle et familiale ni de son état de santé ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle subvient aux besoins de son fils qui est isolé en Algérie et que son état de santé nécessite son assistance ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; il en va de même de la décision fixant le pays de destination.

Mme G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., ressortissante algérienne née le 26 mars 1966, s'est mariée le 30 mars 1989 avec M. F... A.... De cette union est né un premier enfant, I..., le 8 octobre 1989. Le couple a divorcé le 29 décembre 1992 mais a donné naissance à un second enfant, B... E..., le 22 janvier 1997. Mme G... est entrée sur le territoire français en 2001 et est titulaire d'un certificat de résidence d'une validité d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", renouvelé plusieurs fois depuis. Le 19 décembre 2014, elle a demandé le regroupement familial en faveur de son fils, Riad E.... Le 20 août 2015, le préfet du Rhône a rejeté la demande de regroupement familial présentée par Mme G... au motif notamment de l'insuffisance de ses ressources. Mme G... relève appel du jugement du 20 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 août 2015.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Mme G... soutient que le jugement du tribunal administratif de Lyon est insuffisamment motivé compte tenu de ce que les premiers juges n'ont pas répondu aux arguments relatifs au moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation. Toutefois il ressort des termes mêmes du jugement que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, ont suffisamment répondu à ce moyen en retenant qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que le préfet, qui s'est interrogé sur l'opportunité d'accorder ou non une mesure dérogatoire, n'aurait pas procédé à un examen particulier des circonstances de l'espèce. Par suite le tribunal administratif de Lyon n'a pas entaché sa décision d'omission à statuer.

Sur la légalité du refus de regroupement familial :

3. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance. Le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont également applicables aux ressortissants algériens dès lors qu'elles sont compatibles avec les stipulations de l'accord franco-algérien : " (...) les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période (...) ". L'article R. 421-4 du même code, également applicable aux ressortissants algériens, dispose : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : (...) / 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le caractère suffisant des ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période. Néanmoins lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible pour le préfet de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande.

5. Contrairement à ce que soutient Mme G..., le préfet a examiné l'ensemble de sa situation personnelle et familiale, ainsi que son état de santé, notamment au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, avant de lui refuser l'autorisation sollicitée. À cet égard, il a notamment relevé que Mme G... a vécu loin de son enfant depuis son entrée en France en 2001. De plus, ainsi qu'il a été dit, il a examiné la possibilité de prendre une mesure dérogatoire. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet se serait estimé à tort en situation de compétence liée et n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation.

6. Lors du dépôt de son dossier auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, Mme G... a fait valoir qu'elle disposait d'un revenu mensuel moyen net de 594 euros pour la période de décembre 2013 à novembre 2014, correspondant aux douze mois précédant le dépôt de sa demande de regroupement familial. A l'appui de sa demande devant la cour, Mme G... fournit des fiches de paie pour la période du mois de mars 2014 à janvier 2015, faisant apparaître des ressources mensuelles de 608,36 euros net, soit un montant toujours sensiblement inférieur à la moyenne mensuelle nette du salaire minimum interprofessionnel de croissance pour la même période de 1128,70 euros.

7. Si Mme G... se prévaut de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée à temps plein, à partir de mars 2015, en complément de revenus perçus d'autres employeurs, pour justifier de ressources mensuelles d'un montant net de 1 103,46 euros entre février 2015 et janvier 2016, cette moyenne concerne des revenus perçus postérieurement à la date de dépôt de sa demande et elle demeure inférieure à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance pour la période considérée, qui était alors de 1 135,99 euros net par mois. Par conséquent, le préfet a pu, à bon droit et pour ce motif, refuser la demande de regroupement familial de la requérante.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet dispose d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu de rejeter la demande même dans le cas où l'étranger demandeur du regroupement ne justifierait pas remplir l'une des conditions requises tenant aux ressources, au logement ou à la présence anticipée d'un membre de la famille sur le territoire français, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Mme G... fait valoir qu'elle subvient aux besoins de son fils en lui envoyant notamment de l'argent et que son état de santé requiert la présence de celui-ci à ses côtés. Si elle fait valoir qu'il serait seul et isolé en Algérie, alors que toute sa famille réside en France, et que cette séparation aurait été contrainte, elle ne l'établit pas par les pièces versées au débat. Il ressort également des pièces du dossier que Mme G... était séparée de son fils, Riad E..., depuis quatorze ans à la date de la décision attaquée, et que ce dernier, aujourd'hui majeur, a vécu jusqu'alors en Algérie. Les pièces produites ne suffisent pas à établir qu'en l'absence de ses parents et de son frère, qui résident en France, il serait totalement isolé dans son pays d'origine. En outre, s'il résulte des pièces du dossier que l'état de santé de Mme G... nécessite l'assistance d'une tierce personne, il n'est nullement établi que seul son fils cadet pourrait accomplir cette tâche. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences.

11. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives, des organes législatives, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que l'autorité administrative doit, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, accorder une attention particulière à l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions le concernant.

12. Ainsi qu'il a été dit, le jeune B... E..., âgé de 18 ans à la date de la décision contestée, vit séparé de sa mère depuis 2001 à la suite du départ de celle-ci pour la France. Il n'est pas établi par les pièces du dossier que la procédure de regroupement familial n'aurait pu être engagée auparavant ni que sa grand-mère demeurée en Algérie ne serait plus en mesure de s'occuper de lui et qu'il serait dénué de toute autre attache familiale dans son pays d'origine et livré à lui-même. Ainsi, la décision refusant le bénéfice du regroupement familial ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de l'enfant de la requérante et le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. Enfin, la décision attaquée ne fixant nullement le pays de destination et n'ayant ni cet objet ni cet effet, la requérante ne peut invoquer ce même moyen à l'encontre de cette prétendue décision.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon, a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte ainsi que celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... G... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 12 décembre 2019.

N° 19LY00076 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00076
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : RODRIGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-12;19ly00076 ?
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