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05/12/2019 | FRANCE | N°19LY02701

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 05 décembre 2019, 19LY02701


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I- Sous le n° 1903617, Mme A... G..., représentée par Me E..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble dans le dernier état de ses écritures au 2 juillet 2019 :

1°) d'annuler l'arrêté du 13 mai 2019 par lequel le préfet de la Savoie l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant un an ;

2°) à titre subsidiaire de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la date

de notification de la décision de la Cour Nationale du Droit d'Asile ;

3°) d'enjoindre au pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

I- Sous le n° 1903617, Mme A... G..., représentée par Me E..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble dans le dernier état de ses écritures au 2 juillet 2019 :

1°) d'annuler l'arrêté du 13 mai 2019 par lequel le préfet de la Savoie l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant un an ;

2°) à titre subsidiaire de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la date de notification de la décision de la Cour Nationale du Droit d'Asile ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur s'asile sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de Me E... la somme de 1 200 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

II- Sous le n°1903618, M. D... C..., représenté par Me E..., a demandé au tribunal administratif de Grenoble dans le dernier état de ses écritures au 2 juillet 2019 :

1°) d'annuler l'arrêté du 13 mai 2019 par lequel le préfet de la Savoie l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant un an ;

2°) à titre subsidiaire de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la date de notification de la décision de la Cour Nationale du Droit d'Asile ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile sous astreinte de 100 euros par jour de retard, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de Me E... la somme de 1 200 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1903617 - 1903618 du 5 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a joint les deux demandes, a admis les deux demandeurs au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, annulé les deux arrêtés du 13 mai 2019 et a enjoint le préfet de la Savoie de délivrer sans délai à M. C... et à Mme G... une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur leur recours. Il a également enjoint à l'administration de supprimer le signalement Schengen de M. C... et Mme G.... Il a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2019, le préfet de la Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 5 juillet 2019 ;

Le préfet de la Savoie soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le magistrat désigné n'a pas visé et ne s'est pas prononcé sur les conclusions subsidiaires des époux C... tendant à la suspension des mesures d'éloignement ; le magistrat aurait pu se borner à prononcer une telle suspension des deux arrêtés ;

- c'est à tort que le magistrat désigné a annulé ses deux arrêtés portant obligation de quitter le territoire au motif de l'absence d'examen circonstancié de la situation des requérants ; il a correctement examiné leurs situations personnelles ; il lui était loisible depuis les nouvelles dispositions entrées en vigueur au 1er janvier 2019, de prendre des mesures d'éloignement à l'encontre des ressortissants des pays d'origine sûr ; l'OFPRA a considéré leurs " propos peu élaborés, peu concrets et peu personnalisés, a estimé que les risques d'atteintes graves en cas de retour en Géorgie n'étaient pas établis et a rejeté leurs demandes d'asile et de protection subsidiaire ; il n'était par suite pas indispensable que les époux C... soient entendus oralement par la CNDA alors qu'il ont déjà pu faire valoir leurs arguments à l'écrit ; contrairement à ce qui a été indiqué par le magistrat, les époux C... n'étaient pas sans lien avec la Georgie entre 2006 et 2017 car Mme C... a accouché le 28 mars 2008 en Georgie et ils étaient présents en Géorgie en 2018 ; Mme C... ne courait aucun risque en Géorgie car elle a pu notamment dans le cadre de son accouchement loger en 2008 en Georgie chez sa belle-mère ; les intéressés ne justifiaient d'aucun élément sérieux de nature à justifier leur maintien sur le territoire durant l'examen de leur recours devant la CNDA.

- Les parties ont été informées de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen d'ordre public tiré de l'existence d'un non-lieu à statuer sur les conclusions subsidiaires à fin de suspension des décisions portant obligation de quitter le territoire dès lors que la Cour nationale du droit d'asile a notifié, postérieurement à la requête d'appel du préfet, à M. C... et à Mme G... rejet de leurs recours contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA).

- Par mémoire du 15 octobre 2015, M. C... et à Mme G..., représentés par Me E..., concluent au rejet de la requête, au non-lieu à statuer sur les conclusions portant sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 13 mai 2019 concernant Mme G... et au non-lieu à statuer sur les conclusions subsidiaires à fin de suspension des deux arrêtés dans l'attente des décisions de la Cour nationale du droit d'asile. Ils formulent également des conclusions tendant à mettre à la charge de l'Etat au bénéfice de Me E... la somme de 2 000 euros au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

- il y a lieu de prononcer un non-lieu à statuer sur la requête du préfet tendant à l'annulation du jugement concernant Mme G... dès lors qu'elle a déposé une demande de titre de séjour " étranger malade " le 2 octobre 2019 et que même si aucun récépissé de demande de titre ne lui a été accordé, l'enregistrement de cette demande de titre de séjour vaut abrogation de l'arrêté du 13 mai 2019 ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen circonstancié de leur situation personnelle et a commis une erreur matérielle manifeste grave sur leur situation en s'abstenant de prendre en compte " un exil " de 11 ans entre 2006 et 2017 ; l'exil même interrompu en 2008 aurait dû être pris en compte ;

- ils justifiaient d'éléments sérieux justifiant le maintien en France pendant l'examen de leurs recours par la Cour nationale du droit d'asile ;

- ces arrêtés sont entachés d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé en compétence liée après le rejet de leurs demandes d'asile pour prendre à leur encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire ;

- il n'y a plus lieu de statuer sur leurs conclusions subsidiaires de première instance tendant à la suspension des arrêtés du préfet du 13 mai 2019 dans l'attente des décisions de la Cour nationale du droit d'asile sur leurs recours contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides dès lors que par ordonnances du 15 juillet 2019 notifiées le 24 juillet 2019 pour Mme G... et le 05 août 2019 pour M. C..., la CNDA a rejeté ces deux recours.

Par mémoire du 25 octobre 2019, le préfet de la Savoie maintient ses conclusions.

Il ajoute que :

- il n'y a pas lieu de prononcer un non-lieu à statuer concernant les conclusions de Mme G... relatives à l'arrêté du 13 mai 2019 dès lors que le simple dépôt d'une demande de titre de séjour postérieurement ne saurait valoir abrogation de cet arrêté ;

- le dépôt d'une telle nouvelle demande de titre de séjour n'a pas d'incidence sur la légalité de cet arrêté du 13 mai 2019 ;

- les intéressés n'établissent pas avoir été " en exil " de manière continue entre 2006 et 2017 ;

- il a été procédé à un examen circonstancié de leur situation personnelle ;

- il n'a pas commis l'erreur de droit allégué dès lors qu'il n'est pas en situation de compétence liée ; il pouvait légalement prendre à leur encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire et a procédé avant la prise de telles décisions à l'examen de leur situation personnelle;

- les intéressés n'apportent pas davantage d'éléments sur les risques encourus ; la CNDA a rejeté leurs recours ;

Par décision du 2 octobre 2019, Monsieur C... et Mme G... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration (aspect motivation) ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, ensemble le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... et Mme G..., ressortissants géorgiens nés en Géorgie respectivement le 9 octobre 1980 et le 17 juillet 1981, indiquent être entrés en France avec leurs quatre enfants mineurs le 29 juillet 2018. Leur demande d'asile a été examinée en procédure accélérée en application de l'article L.723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), le 28 février 2019. Par deux arrêtés du 13 mai 2019, le préfet de la Savoie, après avoir constaté ce rejet de leurs demandes d'asile et examiné leurs droits à l'obtention d'un titre de séjour de plein droit, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays de destination et leur a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant un an. M. C... et Mme G... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et leur interdisant de revenir sur le territoire français pendant un an. Ils ont également présenté des conclusions subsidiaires tendant à la suspension de la décision d'éloignement dans l'attente de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile sur les recours présentés contre les décisions de l'OFPRA du 28 février 2019. Par jugement du 5 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble a joint les deux demandes, a admis les deux demandeurs au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, annulé les deux arrêtés du 13 mai 2019 et a enjoint de préfet de la Savoie de délivrer sans délai à M. C... et à Mme G... une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur leur recours. Il a également enjoint à l'administration de supprimer le signalement Schengen de M. C... et Mme G.... Le préfet de la Savoie fait appel de ce jugement.

Sur le non-lieu à statuer :

2. Il ressort des pièces produites en appel que par ordonnances du 15 juillet 2019 notifiées respectivement les 24 juillet 2019 et 5 août 2019, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté comme irrecevables les deux recours de M. C... et de Mme G... au motif de l'absence d'éléments sérieux. Le préfet de la Savoie ayant introduit le 12 juillet 2019 devant la cour sa requête à fin d'annulation du jugement du 5 juillet 2019, de telles conclusions subsidiaires tendant à la suspension de l'exécution de ces deux arrêtés jusqu'à la notification des décisions de la CNDA sont devenues sans objet en cours d'instance d'appel. Il y a lieu par suite de prononcer un non-lieu à statuer sur de telles conclusions à fin de suspension.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

3. Mme G... soutient qu'elle a déposé une demande de titre de séjour " étranger malade " le 2 octobre 2019 soit postérieurement à la requête d'appel du préfet et que cette seule circonstance vaut abrogation de l'arrêté du 13 mai 2019 portant obligation de quitter le territoire ; que toutefois, le préfet oppose qu'aucun récépissé de demande de titre de séjour n'ayant été délivré à l'intéressée, ce que celle-ci au demeurant admet, cette seule demande ne saurait entrainer abrogation de l'arrêté du 13 mai 2019. Dans les circonstances et en l'absence de tout autre élément établissant l'existence d'une abrogation par le préfet de cet arrêté du 13 mai 2019, l'appel du préfet de la Savoie concernant Mme G... conserve son objet. Il y a dès lors lieu d'y statuer.

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

4. Il ressort des mentions des décisions en litige que le préfet de la Savoie a procédé à un examen de la situation de M. C... et de Mme G... et a pris en compte l'ensemble des éléments de leur situation personnelle dont il avait connaissance à la date de ses décisions. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme G... ait fait état auprès du préfet avant les décisions en litige d'une quelconque pathologie psychiatrique et d'une absence de possibilité de soins en Géorgie. Il ne ressort pas davantage des mêmes pièces que M. C... et Mme G... aient mentionné de quelconques liens avec les parents de Mme G... résidant régulièrement en France et que les frères et soeurs de Mme G... vivent en France. Par suite, les moyens tirés d'erreurs de faits sur la " durée de leur exil " hors de Georgie et sur le caractère de liens intenses et durables en France ainsi que d'un défaut d'examen de leur situation personnelle doivent être écartés. De même, compte tenu des éléments précités établissant l'examen par le préfet de la situation personnelle des intéressés après le rejet de leurs demandes d'asile par l'OFPRA doit être écarté le moyen tiré de l'erreur de droit qui aurait été commise selon les intéressés par le préfet de la Savoie à s'être senti après de tels rejets en situation de compétence liée et à édicter à leur encontre de ce fait ces décisions du 13 mai 2019 portant obligation de quitter le territoire. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les seules erreurs matérielles relatives à la durée de la vie de M. C... et de Mme G... en Géorgie ne révèlent pas un défaut d'examen circonstancié de leur situation. Par suite c'est à tort que le tribunal administratif a annulé pour ce motif les décisions du préfet de la Savoie du 13 mai 2019 leur faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours, fixant le pays de destination et leur interdisant de revenir sur le territoire français durant une année.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble des litiges par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... et Mme G... tant devant le tribunal administratif que devant la cour.

Sur l'ensemble des décisions :

6. Les décisions contestées ont été signées par M. Pierre Molager, secrétaire général de la préfecture de la Savoie qui, par arrêté du 3 septembre 2018, publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du même jour, a reçu délégation permanente de signature à l'effet de signer, au nom du préfet, tous actes et documents administratifs relevant des services de la préfecture, à l'exclusion de certains actes dont ne relève pas ces décisions. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces décisions doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

S'agissant des deux demandes

7. En premier lieu, le préfet de la Savoie mentionne les deux demandes d'asile de M. C... et de Mme G..., la circonstance que celles-ci ont été examinées dans le cadre de la procédure accélérée, les décisions de rejet de telles demandes par l'OFPRA du 28 février 2019 notifiées le 1er avril 2019, la circonstance qu'ils n'entrent pas dans les cas d'attribution de plein droit d'un titre de séjour, de leur arrivée très récente en France en juillet 2018 avec leurs enfants, de l'absence d'atteinte disproportionnée au respect de leur vie familiale, de l'absence de risques actuels en cas de retour en Géorgie et d'absence de méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'absence d'obstacle à ce qu'ils quittent la France. Il cite également les textes applicables du code de l'entrée et séjours des étrangers et du droit d'asile relatifs aux obligations de quitter le territoire français. Par suite, les décisions portant obligation de quitter sont suffisamment motivés en faits et en droit.

8. En deuxième lieu aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. M. C... et Mme G... font valoir qu'ils sont entrés en France avec leurs quatre enfants en juillet 2018, que ceux-ci sont depuis scolarisés en France, qu'ils ont des liens en France, à savoir les parents et les frères et soeurs de Mme G.... Ils indiquent également que cette dernière fait l'objet d'un suivi médical au CMP d'Aiguebelle et peut être soignée en France. Ils se prévalent également d'un certificat médical établi postérieurement aux décisions en litige sur un lien entre les événements et les menaces qu'ils auraient connus en Géorgie et un stress post-traumatique dont souffrirait Mme G.... Toutefois, les intéressés ne résident que depuis dix mois en France à la date des décisions en litige. La circonstance que leurs enfants soient scolarisés en France ne saurait en tant que telle démontrer une insertion sociale importante en France alors qu'ils ont pu au demeurant être scolarisés en Géorgie, en Russie et en Ukraine pour des périodes équivalentes ou de plus longue durée. Ils n'apportent aucune précision sur la teneur et l'intensité des liens qu'ils entretiendraient avec des membres de la famille de Mme G... vivant en France. Comme l'oppose le préfet de la Savoie, le certificat médical en date du 29 mai 2019 qui relate les seules allégations de l'intéressée sur les angoisses, peurs et cauchemars dont elle serait atteinte depuis janvier 2018 et du lien avec une agression subie en janvier 2018 en Géorgie après qu'ils aient quitté en 2017 l'Ukraine pour revenir s'installer en Géorgie ne suffit pas à établir que sa pathologie dépressive serait effectivement liée à cette agression, non établie par les pièces du dossier et d'ailleurs écartée par l'OFPRA. Les requérants n'apportent aucune précision sur la fréquence des soins à donner à Mme G... et sur l'indisponibilité de ceux-ci en Géorgie. Aucune pièce du dossier ne permet d'établir que l'état de santé de Mme G... ferait obstacle à l'éloignement de cette dernière et de son conjoint du territoire national. Par suite, dans les conditions décrites et notamment eu égard à la faible durée de leur présence en France et du manque d'éléments sur les relations entretenues avec certains membres de la parentèle de Mme G... vivant en France et alors que les requérants qui ont vécu en Géorgie l'essentiel de leur existence et y conservent des forts liens sociaux et familiaux et ont également résidé en Russie et en Ukraine , les décisions en litige leur faisant obligation de quitter le territoire ne portent pas au droit de M. C... et Mme G... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée. Dès lors, elles ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ces décisions sur leur situation personnelle.

10. En troisième lieu, le moyen tiré des risques encourus en cas de retour en Géorgie et de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français qui n'obligent pas, en elles-mêmes, les intéressés à rejoindre leur pays d'origine.

S'agissant spécifiquement de Mme G...

11. En quatrième lieu, les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévoient que ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français l'étranger " résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

12. Les éléments dont fait état l'intéressée qui se bornent à la production d'une attestation établie par un praticien hospitalier le 3 mai 2019 sur un suivi médical au CMP d'Aiguebelle de cette dernière et à un certificat médical en date du 29 mai 2019 ne permettent pas d'établir que le préfet a, en l'espèce, méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la fixation du pays de destination

13. M. C... et Mme G... font valoir que les décisions par lesquelles le préfet de la Savoie a désigné la Géorgie comme pays de renvoi l'exposent à des menaces graves pour leur sécurité en cas de retour en Géorgie et méconnaissent de ce fait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Mme G... mentionne également sans autre précision que " son état de santé est très préoccupant " et qu'elle souffre d'un stress post-traumatique en lien avec son vécu traumatique en Géorgie. Toutefois, comme il a été dit plus haut, il ne ressort pas des pièces du dossier, d'une part, que la pathologie dont l'intéressée dit souffrir serait en lien avec l'agression alléguée de janvier 2018 qui aurait eu lieu en Géorgie et ne pourrait pas être effectivement soignée en Géorgie. D'autre part, et alors d'ailleurs que l'OFPRA leur a refusé le bénéfice du droit d'asile et de la protection subsidiaire, il ne ressort pas des différentes pièces du dossier que les deux intéressés encourent des risques actuels et graves pour leurs vies, leur liberté ou leur sécurité en cas de retour en Géorgie. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit être également écarté.

Sur l'interdiction de retour du territoire d'une année :

14. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...). La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

15. Mme G... qui se borne à invoquer le suivi médical dont elle fait l'objet, ne fait état d'aucune circonstance humanitaire justifiant que le préfet ne prononce pas d'interdiction de retour à son encontre. Ainsi qu'il a été dit, les intéressés, en indiquant que certains membres de la famille de Mme G... vivent en France, ne justifient pas de liens sur le territoire d'une intensité particulière s'opposant à une interdiction de séjour d'un an. Par suite, les moyens tirés d'une erreur d'appréciation, d'une erreur de fait sur des liens familiaux intenses en France et d'une méconnaissance des dispositions de l'article L.-511-1-III 4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Savoie est fondé à demander l'annulation du jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 5 juillet 2019 a annulé ses décisions du 13 mai 2019.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le conseil de M. C... et Mme G... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Grenoble du 5 juillet 2019 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions subsidiaires de M. C... et de Mme G... tendant à la suspension des arrêtés du 13 mai 2019 dans l'attente des décisions de la Cour nationale du droit d'asile.

Article 3 : Les demandes de M. C... et de Mme G... présentées devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... C... et à Mme A... G....

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Chambéry.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme B..., présidente assesseure,

Mme H..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.

2

N° 19LY02701


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02701
Date de la décision : 05/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SERGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-05;19ly02701 ?
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