La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2019 | FRANCE | N°19LY02404

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 21 novembre 2019, 19LY02404


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 13 mai 2019 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie :

- a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile ;

- l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1903272 du 20 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 juin 2019, M

. A..., représenté par Me Djinderedjian, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 13 mai 2019 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie :

- a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile ;

- l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1903272 du 20 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 juin 2019, M. A..., représenté par Me Djinderedjian, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 20 mai 2019 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de l'autoriser à déposer sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert est insuffisamment motivée ;

- ressortissant guinéen, il a déclaré parler le français ; néanmoins, sa langue d'audition devant l'OFPRA doit être le malinké, dès lors, les brochures d'information prévues par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 devaient lui être données en langue malinké, d'autant qu'il ne sait pas lire le français ;

- la décision de transfert méconnaît les dispositions des articles 11 et 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la décision de transfert méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant assignation à résidence l'obligeant à se présenter deux fois par semaine au bureau de la police aux frontières à Gaillard n'est pas compatible avec l'état de santé de son épouse.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 juillet 2019.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie, qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., de nationalité guinéenne, né à Conakry le 1er janvier 1993, déclare être entré irrégulièrement en France le 16 septembre 2018 accompagné de sa concubine, Mme C... A.... Le 5 octobre 2018, il a sollicité l'asile auprès des services de la préfecture de l'Isère. L'examen de ses empreintes digitales a fait apparaître qu'elles avaient déjà été enregistrées par les autorités italiennes le 2 septembre 2014. Le préfet de l'Isère a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de la demande d'asile de M. A... le 7 novembre 2018 et le 11 décembre 2018 ces autorités ont accepté de reprendre en charge la demande d'asile de l'intéressé. Le 13 mai 2019, le préfet de la Haute-Savoie a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de la décision de transfert :

En ce qui concerne l'application de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

2. Lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, M. A... a déclaré comprendre le français, qui est la langue officielle de la République de Guinée, pays dont il possède la nationalité. Dès lors, si la langue en vue de son audition à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides est le malinké, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que les brochures d'information prévues à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 lui soient remises dans leur version en langue française.

En ce qui concerne la motivation :

3. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ".

4. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

5. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

6. La décision de transfert en litige vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et notamment son article 18. Elle indique que la consultation des fichiers Eurodac et Visabio a révélé que M. A... avait demandé l'asile en Italie et que les autorités de ce pays, saisies le 7 novembre 2018 sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont donné leur accord explicite à sa reprise en charge le 11 décembre 2018. Ces énonciations ont mis l'intéressé à même de comprendre les motifs de la décision pour lui permettre d'exercer utilement un recours. Dès lors, la décision litigieuse est suffisamment motivée au regard des exigences qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en dépit de la circonstance que ladite décision ne comporte pas le visa de l'article 11 du règlement.

En ce qui concerne l'application des articles 11 et 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

7. Aux termes de l'article 11 du règlement : " Lorsque plusieurs membres d'une famille (...) introduisent une demande de protection internationale dans un même État membre simultanément, ou à des dates suffisamment rapprochées pour que les procédures de détermination de l'État membre responsable puissent être conduites conjointement, et que l'application des critères énoncés dans le présent règlement conduirait à les séparer, la détermination de l'État membre responsable se fonde sur les dispositions suivantes : a) est responsable de l'examen des demandes de protection internationale de l'ensemble des membres de la famille et/ou des frères et soeurs mineurs non mariés, l'État membre que les critères désignent comme responsable de la prise en charge du plus grand nombre d'entre eux ; b) à défaut, est responsable l'État membre que les critères désignent comme responsable de l'examen de la demande du plus âgé d'entre eux ". Le g) de l'article 2 du même règlement dispose que sont " membres de la famille ", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, " le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers ". Aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit au point 6, le préfet de la Haute-Savoie, après avoir constaté que M. A... avait demandé l'asile en Italie, a décidé de le transférer auprès des autorités de ce pays, saisies le 7 novembre 2018, sur le fondement des dispositions précitées du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Si M. A..., qui ne conteste pas que les critères définis par ce règlement déterminaient l'Italie comme pays responsable de sa demande d'asile, soutient que, compte tenu de la demande d'asile présentée également par sa concubine, le préfet de la Haute-Savoie a nécessairement fait application du critère déterminé par les dispositions précitées de l'article 11 du règlement, en prenant en compte la circonstance qu'il était le plus âgé des membres de la famille composée de lui-même et de sa concubine, la seule circonstance que la décision en litige ne précise pas qu'il a été fait application des dispositions de cet article n'est pas de nature à démontrer une méconnaissance des dispositions des articles 11 et 18 du règlement.

En ce qui concerne l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

9. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les motifs retenus par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :

10. Le moyen soulevé par M. A..., tiré de ce que l'état de santé de sa concubine n'est pas compatible avec l'obligation de se présenter deux fois par semaine au bureau de la police aux frontières à Gaillard, doit être écarté pour le motif retenu par le premier juge et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 novembre 2019.

1

2

N° 19LY02404


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02404
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-06-07-008 Procédure. Jugements. Exécution des jugements. Prescription d'une mesure d'exécution.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : DJINDEREDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-21;19ly02404 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award