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05/11/2019 | FRANCE | N°18LY02393

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 05 novembre 2019, 18LY02393


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Par un jugement n° 1701239 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 juin 2019, M. F... B..., représenté par Me E..., demande à la

cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 mai 2018 ;

2°) de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Par un jugement n° 1701239 du 24 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 26 juin 2019, M. F... B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 mai 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que le tribunal a procédé à une substitution de base légale qui n'était pas demandée et qu'il n'a pas permis un débat contradictoire sur la nouvelle base légale retenue ;

- l'administration ne pouvait maintenir l'imposition sur le fondement d'une nouvelle base légale, dès lors qu'il n'a pas bénéficié des garanties inhérentes à la procédure contradictoire, tenant, notamment, à la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, à l'envoi d'une proposition de rectification motivée, à l'information relative à l'origine et à la teneur des renseignements obtenus de tiers sur lesquels l'administration s'est fondée et à la garantie contre les changements de doctrine prévue à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

- l'administration ne pouvait procéder à une compensation, en application de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, entre des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales assises sur des bénéfices non commerciaux non professionnels et des cotisations d'impôt sur le revenu assises sur des bénéfices industriels et commerciaux dès lors qu'elle était informée, avant la décision de rejet de la réclamation, que les revenus en cause ne relevaient pas de la catégorie des bénéfices non commerciaux non professionnels mais de celle des bénéfices industriels et commerciaux et qu'elle aurait dû en conséquence procéder à la rectification avant l'introduction de la réclamation ;

- compte tenu des différences de modalités de détermination des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux, l'administration a nécessairement commis une erreur dans le calcul du montant de ses bénéfices industriels et commerciaux imposables au titre de l'année 2013 en retenant le même montant que celui déclaré dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.

Par un mémoire, enregistré le 14 décembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- les conclusions tendant à la décharge des cotisations de contributions sociales, lesquelles ont été abandonnées dans le cadre de la compensation opérée dans la décision de rejet de la réclamation, étaient, à la date à laquelle elles ont été introduites, dépourvues d'objet et par suite, irrecevables ;

- le tribunal n'a pas procédé à une substitution de base légale, cette dernière ayant été effectuée par l'administration au stade de la décision de rejet de la réclamation ;

- le requérant, qui a demandé la décharge d'impositions primitives, n'a pas fait l'objet d'une procédure de contrôle, si bien qu'il ne peut prétendre au bénéfice des garanties afférentes à la procédure de redressement contradictoire ;

- l'administration a pu procéder à une compensation entre la surimposition en matière de contributions sociales et la sous-imposition en matière d'impôt sur le revenu, dès lors qu'elle n'a été informée de l'existence de droits sous-évalués qu'au cours de l'instruction de la réclamation du contribuable ;

- le montant du bénéfice industriel et commercial est le même que celui du bénéfice non commercial, dès lors que, selon le contrat, les redevances devaient être versées dans un délai de six mois à compter de la clôture de l'exercice 2013, soit avant le 30 décembre 2013.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... C..., présidente-assesseure,

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a perçu G... et Abchimie, dont il assurait la gérance, des redevances en rémunération de l'utilisation, par ces sociétés, des marques Abbati et Abchimie qu'il avait créées. M. B... a déclaré ces redevances dans la catégorie des traitements et salaires dans sa déclaration de revenus de l'année 2010 puis dans celle des bénéfices non commerciaux professionnels dans ses déclarations des années 2011 et 2012. Il a fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur ses déclarations des années 2010, 2011 et 2012, à l'issue duquel l'administration a estimé que ces redevances relevaient de la catégorie des bénéfices non commerciaux non professionnels et devaient être taxées au taux des plus-values à long terme sur le fondement des articles 39 terdecies-1 et 39 quindecies du code général des impôts. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales résultant de la rectification de ses déclarations des trois années mentionnées ci-dessus ont été déchargées par un jugement n° 1602873-1606299 du 24 mai 2018 du tribunal administratif de Grenoble devenu définitif, au motif qu'en substituant, au stade de la décision de rejet de la réclamation, la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux à celle des bénéfices non commerciaux initialement retenue, l'administration avait privé l'intéressé de la garantie tenant à la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaire.

2. Au titre de l'année 2013 en litige dans le cadre de la présente instance, M. B... a déclaré les redevances perçues G... et Abchimie dans la catégorie des bénéfices non commerciaux non professionnels. Le 28 décembre 2016, il a présenté une réclamation dans laquelle il a demandé la décharge de l'impôt sur le revenu correspondant à ces redevances et des contributions sociales au motif que les redevances en cause relevaient de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et non de celle des bénéfices non commerciaux mentionnée à tort dans sa déclaration, laquelle a donné lieu à une décision de rejet le 14 février 2017. M. B... relève appel du jugement du 23 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013 correspondant à l'imposition de ces redevances.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Il résulte de l'instruction que, par la décision du 14 février 2017 prise sur la réclamation de M. B... relative aux cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à l'imposition des redevances de l'année 2013, l'administration, après avoir admis le principe de leur imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et constaté que l'imposition dans cette catégorie aurait dû conduire à la mise en recouvrement d'une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu de 9 856 euros, qui, étant prescrite, ne pouvait être établie, a procédé, sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, à une compensation entre l'insuffisance d'impôt sur le revenu résultant de la taxation des redevances dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et un excès d'imposition en matière de contributions sociales au titre de la même année, d'un montant de 7 736 euros. Par suite, l'administration, qui n'a maintenu à la charge de M. B... à l'issue de la procédure contentieuse préalable, qu'une cotisation d'impôt sur le revenu d'un montant correspondant au total formé par l'impôt sur le revenu et les contributions sociales mis en recouvrement initialement, a renoncé à l'imposition des contributions sociales mises en recouvrement au titre de l'année 2013 au titre de ces redevances. La décision du 14 février 2017 étant intervenue avant l'introduction de la demande de première instance relative aux contributions sociales, l'administration est fondée à soutenir que la demande de l'intéressé devant le tribunal administratif en tant qu'elle concernait ces contributions sociales était, à la date à laquelle elle a été présentée, dépourvue d'objet et par suite, irrecevable.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, M. B... soutient que les juges de première instance ont méconnu leur office en procédant à une substitution de base légale sans y avoir été invités par l'administration. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus que, par sa décision du 14 février 2017 statuant sur la réclamation de M. B..., l'administration a substitué, pour l'imposition des redevances perçues par M. B... G... et Abchimie au titre de l'année 2013, l'imposition dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux à l'imposition dans la catégorie des bénéfices non commerciaux non professionnels initialement adoptée par le requérant. Cette décision, qui fait suite à la réclamation formée par M. B..., est intervenue avant l'introduction de la requête tendant à la décharge des impositions contestées. Dans ces conditions, le tribunal n'a pas procédé à une substitution de base légale, qui avait déjà été opérée avant qu'il ne soit saisi. Le moyen tiré de ce que le tribunal aurait méconnu son office ne peut, par suite, qu'être écarté.

5. En second lieu, M. B... soutient que les premiers juges ont méconnu le caractère contradictoire de la procédure dès lors qu'ils ne lui ont pas permis de critiquer la nouvelle base légale sur laquelle les rectifications ont été fondées. Il résulte toutefois de l'instruction que le requérant, qui ne conteste au demeurant pas avoir eu notification de la décision de l'administration du 14 février 2017 retenant une nouvelle base légale pour l'imposition de ses revenus, a été rendu destinataire, le 29 mai 2017, du mémoire en défense devant le tribunal administratif du 19 mai 2017 dans lequel l'administration invoquait cette nouvelle base légale. Dans ces conditions, le requérant, qui a été mis à même de contester ce nouveau fondement, de manière contradictoire, devant le tribunal, n'est pas fondé à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure a été méconnu.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

6. M. B... soutient qu'en retenant, pour statuer sur sa réclamation, une base légale différente de celle sur laquelle les impositions contestées étaient fondées, l'administration l'a privé des garanties tenant au respect de la procédure de redressement contradictoire, et, notamment, de la possibilité de saisir la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffres d'affaires, de la notification d'une proposition de rectification motivée, de l'information relative à l'origine et à la teneur des renseignements obtenus de tiers utilisés pour fonder les rectifications et de la possibilité d'invoquer la garantie contre les changements de doctrine. Toutefois, ce moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté, dès lors que l'administration, qui ne peut renoncer au bénéfice de la loi fiscale, est en droit, lorsqu'elle statue sur la réclamation du contribuable, de substituer à cette fin une base légale nouvelle à celle initialement retenue pour la liquidation des impositions et que le contribuable, qui n'a au demeurant fait l'objet d'aucune procédure de rectification, peut contester ce nouveau fondement, de manière contradictoire, dans le cadre de la procédure contentieuse devant la juridiction administrative saisie du litige. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir que les impositions contestées ont été établies à l'issue d'une procédure irrégulière.

Sur la compensation :

7. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande. "

8. M. B... fait valoir que, si l'administration a estimé, à l'issue du contrôle sur pièces portant sur les années 2010 à 2012, que ses revenus relevaient de la catégorie des bénéfices non commerciaux, elle a par la suite, par une décision du 29 mars 2016 statuant sur sa réclamation, reconnu que cette base légale était erronée et qu'il convenait d'imposer ces sommes dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Le requérant soutient ainsi que, dès lors que l'administration disposait, avant l'introduction, le 28 décembre 2016, de sa réclamation relative à l'année 2013, de l'ensemble des éléments propres à lui permettre de corriger la sous-imposition résultant de la taxation erronée des redevances dans la catégorie des bénéfices non commerciaux non professionnels, elle ne pouvait procéder à une compensation entre cette insuffisance d'imposition et l'excès d'imposition de contributions sociales résultant de la nouvelle base légale retenue. Il résulte toutefois de l'instruction que la décision du 29 mars 2016, comme d'ailleurs l'ensemble de l'instance ouverte devant le tribunal administratif de Grenoble par des requêtes enregistrées le 20 mai 2016 et le 7 novembre 2016, avait uniquement trait aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assignées à M. B... à la suite d'une procédure de rectification contradictoire portant sur les années 2010, 2011 et 2012. En revanche, ni cette décision, ni aucune pièce du dossier ne permet d'établir que l'administration disposait, avant que le requérant n'introduise son action contentieuse relative à l'année 2013, de tous les éléments lui permettant d'établir des impositions supplémentaires au titre de cette dernière année, laquelle constitue une année distincte des années contrôlées et qui n'avait fait elle-même l'objet d'aucun contrôle. Par suite, la taxation des redevances dans la catégorie des bénéfices non commerciaux non professionnels ne peut être regardée comme résultant d'une volonté délibérée de l'administration exprimée antérieurement à la réclamation. Dès lors que l'insuffisance d'imposition n'a été constatée qu'au cours de l'instruction de la réclamation, M. B... n'est pas fondé, par les moyens qu'il invoque, à soutenir que l'administration ne pouvait mettre en oeuvre les dispositions de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales relatives à la compensation.

Sur le montant des bénéfices industriels et commerciaux :

9. M. B... soutient que la substitution, pour l'imposition des redevances qui lui ont été versées au titre de l'année 2013, du régime de la comptabilité d'engagement dont relèvent les bénéfices industriels et commerciaux à la comptabilité de caisse propre aux bénéfices non commerciaux ne peut conduire à un revenu imposable identique et en déduit qu'en conséquence, le montant de l'impôt sur le revenu de cette année est nécessairement erroné. Le requérant n'apporte, toutefois, aucune précision ni aucun élément de preuve permettant de justifier du montant des créances qu'il a effectivement acquises et des dettes certaines constituées au titre de l'année 2013. Au demeurant, l'administration fait valoir, sans être contredite, que, dès lors que les contrats conclus par M. B... avec les SARL Abbati et Abchimie prévoyaient que le versement des redevances devait intervenir dans le délai de six mois suivant la clôture de l'exercice de ces sociétés, le 30 juin, soit au cours de l'année civile, le montant des recettes encaissées au cours de l'année 2013 équivaut à celui des créances acquises au cours de la même période. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le bénéfice industriel et commercial de M. B... de l'année 2013 serait inexactement calculé doit être écarté comme manquant en fait.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. B... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B... et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur départemental des finances publiques de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme C..., présidente assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.

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N° 18LY02393

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02393
Date de la décision : 05/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-02-01-02-06 Contributions et taxes. Règles de procédure contentieuse spéciales. Questions communes. Pouvoirs du juge fiscal.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 08/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-11-05;18ly02393 ?
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