La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/10/2019 | FRANCE | N°18LY02120

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 22 octobre 2019, 18LY02120


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) SMCO a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1600553 du 9 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 juin 2018, le 11 d

écembre 2018 et le 20 février 2019, la SARL SMCO, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) SMCO a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1600553 du 9 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 juin 2018, le 11 décembre 2018 et le 20 février 2019, la SARL SMCO, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 avril 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL SMCO soutient que :

- en retenant des termes de comparaison sans en détailler les éléments constitutifs, l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- la méthode de l'administration, qui dissocie l'évaluation des éléments matériels de celle des éléments immatériels de son fonds de commerce, est viciée ;

- l'administration n'établit pas l'existence d'une sous-évaluation du prix de cession, dès lors que les cessions retenues comme termes de comparaison par l'administration ne sont pas similaires, dès lors notamment qu'elles concernent des fonds de commerce réalisant un chiffre d'affaires notablement inférieur au sien.

Par des mémoires, enregistrés le 7 novembre 2018 et le 31 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... D..., présidente assesseure,

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La SARL SMCO, qui exploitait à Annecy (Haute-Savoie) un fonds de commerce de salon de coiffure donné en location-gérance par M. E..., gérant et principal associé de la société, a fait l'objet, en 2011, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, à l'issue de laquelle l'administration a constaté que la société avait, par acte du 18 avril 2007, acquis ce fonds de commerce auprès de son gérant au prix total de 180 000 euros incluant le matériel, évalué à 26 500 euros, et les éléments incorporels, évalués à 153 500 euros. L'administration, considérant que cette opération avait été réalisée pour un prix délibérément minoré par les parties, a regardé l'écart de 249 334 euros entre la valeur vénale des éléments incorporels du fonds de commerce, qu'elle a évaluée à 402 834 euros, et le prix convenu, soit 153 500 euros, comme une libéralité anormalement consentie par le vendeur à l'acquéreur et procédé en conséquence à la réintégration de la somme de 249 334 euros à l'actif de la société au titre de l'exercice clos en 2008. La SARL SMCO relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008 à raison de cette rectification et des majorations correspondantes.

2. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés (...) ". Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition (...) b. Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale ; (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que, dans le cas où le prix de l'acquisition d'une immobilisation a été volontairement minoré par les parties pour dissimuler une libéralité faite par le vendeur à l'acquéreur, l'administration est fondée à corriger la valeur d'origine de l'immobilisation, comptabilisée par l'entreprise acquéreuse pour son prix d'acquisition, pour y substituer sa valeur vénale, augmentant ainsi l'actif net de l'entreprise dans la mesure de l'acquisition faite à titre gratuit, laquelle, au demeurant, correspond, si le vendeur est une entreprise passible de l'impôt sur les sociétés, à un revenu distribué imposable entre les mains de l'acquéreur en vertu du c) de l'article 111 du code général des impôts.

3. Pour déterminer la valeur vénale du fonds de commerce cédé, l'administration s'est fondée sur trois cessions de fonds de commerce de salon de coiffure situés à Annecy et à Annemasse intervenues en juillet 2005 et décembre 2006. Elle a ainsi constaté, à partir de cette étude comparative, que le prix moyen de cession des éléments incorporels des fonds de commerce correspondait à 81,84 % du chiffre d'affaires moyen annuel TTC, alors que le prix de cession des éléments incorporels du fonds acquis par la SARL SMCO représentait 31 % de son chiffre d'affaires moyen annuel TTC. L'administration a appliqué ce coefficient au chiffre d'affaires moyen réalisé par la société appelante au cours des trois années précédant la cession.

4. Pour contester l'évaluation ainsi réalisée, la SARL SMCO fait valoir que les cessions prises comme termes de référence par l'administration ne portent pas sur des fonds de commerce similaires à celui qu'elle a acquis, qui est atypique au regard de sa situation géographique, de la nature de sa clientèle et de l'importance de son chiffre d'affaires.

5. Il est constant que le salon de coiffure acquis par la SARL SMCO est situé dans le coeur touristique et commerçant d'Annecy, alors que les fonds retenus comme termes de comparaison sont situés respectivement dans un autre quartier de la commune d'Annecy et à Annemasse. La société requérante fait également valoir, sans être contredite, que les prestations offertes dans son salon de coiffure sont des prestations haut de gamme, effectuées à des tarifs élevés et que le salon attire une clientèle aisée. Enfin, il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires annuel moyen sur trois ans des trois termes de comparaison retenus par l'administration s'établissait, respectivement, à 106 095 euros, 175 699 euros et 117 956 euros tandis que le chiffre d'affaires annuel moyen de la SARL SMCO s'élevait, pour la même période, à 492 221 euros. Le chiffre d'affaires annuel moyen des termes de comparaison retenus par l'administration représente ainsi respectivement 21 %, 35 % et 23 % du chiffre d'affaires réalisé durant la même période par la société appelante. Dans de telles conditions, les termes de comparaison retenus par l'administration ne peuvent être regardés comme portant sur des biens intrinsèquement similaires dans les conditions normales de marché. L'administration, qui se borne à soutenir que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis un avis favorable à la rectification et à indiquer que la société requérante ne fournit aucun terme de comparaison plus pertinent, n'apporte aucun élément permettant de considérer que les coefficients corrélant la valeur du fonds de commerce au montant du chiffre d'affaires sont applicables quel que soit le volume de l'activité et que l'absence de similarité des termes de comparaison avec l'opération litigieuse est demeurée sans influence sur le bien-fondé de la rectification en cause. Enfin, s'il était loisible à l'administration, en l'absence de termes de comparaison pertinents, de recourir à une autre méthode d'évaluation, aucune méthode alternative n'a été proposée. Il en résulte que, faute d'apporter des éléments de nature à justifier la valeur vénale des éléments incorporels du fonds de la SARL SMCO, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'existence d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé et, par suite, du bien-fondé de la rectification contestée.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SARL SMCO est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL SMCO et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 avril 2018 est annulé.

Article 2 : La SARL SMCO est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2008, et des majorations correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL SMCO une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL SMCO et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme D..., présidente assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2019.

2

N° 18LY02120

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02120
Date de la décision : 22/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-03-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Évaluation de l'actif. Théorie du bilan. Actif social.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : JURISOPHIA

Origine de la décision
Date de l'import : 08/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-22;18ly02120 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award