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15/10/2019 | FRANCE | N°18LY01280

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 15 octobre 2019, 18LY01280


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. H... et Mme F... B... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1600227 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 avril 2018, M. et Mme B..., représ

entés par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. H... et Mme F... B... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1600227 du 6 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 avril 2018, M. et Mme B..., représentés par Me G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 février 2018 ;

2°) de prononcer la réduction de ces impositions et pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme B... soutiennent que :

- les listes d'élèves ayant présenté l'examen du permis de conduire par auto-école, fournies par les services de la préfecture, sont affectées d'erreurs ;

- le logiciel informatique utilisé efface des données pour ne plus retenir que le nom du candidat au permis et le montant total des règlements et sa documentation papier a été détruites lors d'un dégât des eaux provoqué par une effraction à leur domicile ;

- certains des élèves identifiés provenaient d'autres auto-écoles et avaient déjà suivi un nombre important d'heures de conduite, d'autres ont abandonné ou changé d'auto-école ;

- l'administration ne prouve pas les minorations de recettes ; l'administration n'a pas constaté la présence d'argent liquide en quantité importante ni un train de vie élevé ;

- Mme B... seule ne pouvait assurer le nombre d'heures de conduite découlant de la reconstitution du chiffre d'affaires ; l'administration ne démontre pas qu'elle aurait employé, sans les déclarer, d'autres personnes pour assurer ces heures de conduite ; seule, elle ne pouvait effectuer qu'un chiffre d'affaires inférieur à 40 000 euros pour les deux structures ;

- le chiffre d'affaires des stages de récupération de point ne se confond pas avec le chiffre d'affaires d'heures de conduite ;

- le chiffre d'affaires maximum réalisé doit être limité à 35 000 euros pour l'entreprise Chrono et 15 000 euros pour l'association MDSR.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer en ce qui concerne les contributions sociales et les majorations dégrevées en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- la comptabilité de l'association MDSR a été à juste titre écartée, celle-ci n'ayant comporté ni détail des recettes, ni l'identité des clients, ni la date, ni la forme des versements ; le journal de caisse était par ailleurs absent et des recettes ont été affectées de façon aléatoire en fin d'exercice ; les fiches " élèves " ont été volontairement détruites, contrairement aux préconisations de l'éditeur du logiciel de gestion et la plainte déposée pour cambriolage d'une maison située à Dax ne mentionne aucunement la destruction ou la disparition de ces documents ;

- concernant l'activité d'enseignement de la conduite, la liste des élèves a été établie à partir des quelques fiches présentées au cours des opérations de contrôle, des documents communiqués par les services de la sécurité routière, notamment la liste des demandes de permis de conduire résultant des imprimés adressés par l'association à la préfecture et les bordereaux d'inscription aux examens, rédigés par M. B..., ainsi que des encaissements bancaires ; des renseignements ont également été obtenus auprès de l'union départementale des associations familiales des Landes et de certains élèves ;

- le prix des prestations a été déterminé conformément à la grille tarifaire de l'association, en tenant compte des règlements identifiés dans les encaissements bancaires ;

- concernant le centre de récupération de points, le chiffre d'affaires a été reconstitué à partir des encaissements bancaires corroborés par les feuilles d'émargement obtenues dans le cadre du droit de communication exercé auprès de la direction départementale des territoires et de la mer ;

- l'association a également acquitté des dépenses personnelles de M. B... et des charges afférentes à l'activité individuelle de Mme B..., qui ont été réintégrées à ses résultats et constituent des revenus distribués, de même que l'avantage en nature procuré par l'utilisation privative d'un véhicule ;

- s'agissant de l'activité d'enseignement de la conduite exercée à titre individuel par Mme B..., les mêmes insuffisances dans la tenue de la comptabilité ont pu être relevées et le service a procédé de la même façon ;

- les reconstitutions de chiffres d'affaires ont été opérées dans des limites réalistes, en tenant compte des conditions effectives d'exploitation ; Mme B... a déclaré travailler les samedis et avoir un emploi du temps professionnel particulièrement chargé ; l'hypothèse de 41 semaines d'ouverture sur l'année apparaît incohérente avec les pratiques professionnelles ; le calcul des requérants omet les recettes liées à l'apprentissage du code de la route ainsi que les stages de récupération de points de permis, animés par M. B... et des intervenants extérieurs ; il convient également d'ajouter les frais annexes ;

- M. et Mme B... n'établissent pas le caractère exagéré de leurs bases d'imposition par un chiffrage imprécis, lequel repose d'ailleurs sur la reconnaissance partielle de l'existence de minorations de recettes ;

- les rectifications ne sont pas fondées sur la notion d'enrichissement, lequel est au demeurant établi.

M. et Mme B... ont produit un nouveau mémoire le 19 septembre 2019, lequel, en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... B..., qui a exploité à Dax, à titre individuel, une auto-école sous l'enseigne Chrono Auto-école, a, en parallèle, fondé avec son époux, l'association Mission départementale pour la sécurité routière (MDSR) en septembre 2010, dont elle était la secrétaire et la trésorière et son époux le président, ayant pour objet social l'enseignement de la conduite des véhicules. A l'issue d'une vérification de comptabilité de l'association MDSR, l'administration a remis en cause son caractère non lucratif et reconstitué ses chiffres d'affaires et ses résultats imposables à l'impôt sur les sociétés. Mme B... a également fait l'objet d'une vérification de comptabilité de son activité d'auto-école à l'issue de laquelle la comptabilité a été écartée et les chiffres d'affaires et les bénéfices non commerciaux reconstitués. Enfin, M. et Mme B... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle. A l'issue de ces contrôles, l'administration a réintégré dans leurs bases imposables à l'impôt sur le revenu des années 2012 et 2013, notamment des distributions de bénéfices de l'association MDSR imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et les bénéfices non commerciaux issus de la reconstitution des bénéfices de l'entreprise individuelle. M. et Mme B... ont saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande, transmise au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, tendant à la décharge partielle de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes, mises en recouvrement par le pôle de recouvrement spécialisé de Clermont-Ferrand. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 6 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 5 septembre 2018, postérieure à l'enregistrement de la requête, le directeur général des finances publiques du Puy-de-Dôme a prononcé le dégrèvement des compléments de prélèvements sociaux mis à la charge de M. et Mme B... au titre des années 2012 et 2013, respectivement à hauteur de 1 022 euros en droits et 912 euros en pénalités et 752 euros en droits et 634 euros en pénalités. Les conclusions de la requête dirigées contre les cotisations supplémentaires de prélèvements sociaux sont, à hauteur des sommes totales de 1 934 euros pour l'année 2012 et 1 386 euros pour l'année 2013, devenues sans objet.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les revenus distribués par l'association MDSR :

3. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (...) ". Aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109, les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ".

4. M. et Mme B..., auxquels les rehaussements ont été notifiés selon la procédure de rectification contradictoire, n'ont pas accepté les rectifications découlant de la réintégration dans leurs revenus imposables des revenus regardés comme distribués à la suite de la vérification de comptabilité de l'association MDSR. Il incombe dès lors à l'administration d'apporter la preuve de l'existence et du montant des revenus distribués qu'ils contestent.

5. Pour écarter la comptabilité de l'association MDSR, l'administration a retenu que la comptabilité ne comportait ni détail des recettes, ni l'identité de ses clients, ni la date, ni la forme des versements, que le journal de caisse était absent et que des recettes ont été affectées de façon aléatoire en fin d'exercice. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B..., le rejet de la comptabilité de l'association n'est pas fondé sur le seul fait que Mme B... n'a pas été en mesure de produire l'ensemble des fiches concernant ses élèves. Dès lors, en se bornant à soutenir que l'association était dans l'incapacité matérielle de fournir lesdites fiches suite à un dégât des eaux et à une destruction des données qui serait imputable à leur logiciel de gestion, ce qui n'est d'ailleurs pas démontré, les requérants ne contestent pas sérieusement la démonstration par l'administration du caractère non probant de la comptabilité de l'association MDSR.

6. S'agissant de la méthode retenue par l'administration, il résulte de l'instruction que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société, l'administration a tout d'abord identifié les élèves de l'association MDSR à partir des quelques fiches présentées au cours des opérations de contrôle, des documents communiqués par les services de la sécurité routière, notamment la liste des demandes de permis de conduire résultant des imprimés adressés par l'association à la préfecture et les bordereaux d'inscription aux examens, rédigés par M. B..., ainsi que des encaissements bancaires. Des renseignements ont également été obtenus auprès de l'union départementale des associations familiales des Landes et de certains élèves. L'administration a, à partir des tarifs de l'association, reconstitué les recettes de l'association pour les élèves pour lesquels elle estimait que des recettes n'avaient pas été déclarées au cours des deux années en litige, soit 26 au titre de l'année 2011, 23 au titre de l'année 2012 et 20 au titre de l'année 2013. Estimant que 16 d'entre eux pour l'année 2011, 8 pour l'année 2012 et 7 pour l'année 2013 avaient seulement présenté l'examen du code, elle leur a appliqué le forfait de 290 euros résultant des tarifs pratiqués par l'association. S'agissant des autres élèves, certains ont été regardés comme ayant suivi une formation complète, c'est-à-dire jusqu'à la présentation de l'examen de conduite, et se sont vus appliquer un prix moyen du permis de conduire, fixé à 2 275 euros, comprenant, outre les heures de conduite nécessaires, la préparation au code, les frais de présentation à l'examen du code et à l'examen du permis de conduire, ainsi que les frais de constitution du dossier. D'autres élèves ont été identifiés comme ayant suivi partiellement une formation au permis de conduire et se sont vus appliquer les tarifs horaires de l'association et les différents frais applicables. L'administration s'est également fondée sur les recettes dont elle a pu constater l'encaissement.

7. L'administration a fixé à 28 130 euros le chiffre d'affaires lié au permis de conduire de l'association MDSR pour l'exercice clos en 2011, à 30 506 euros pour l'exercice clos en 2012 et 29 882 euros pour l'exercice clos en 2013.

8. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, l'identification des élèves en cause n'a pas été réalisée uniquement à partir de la liste des demandes de permis de conduire fournie par les services de la sécurité routière. Ainsi, en se bornant à soutenir que les listes fournies par les services de la sécurité routière comportent des erreurs dans l'affectation des élèves par auto-école, ce qui n'est au demeurant pas démontré, les requérants ne contestent pas sérieusement le nombre d'élèves déterminé par l'administration à l'issue de l'analyse des divers documents précités.

9. Les requérants contestent par ailleurs le montant de chiffre d'affaires retenu par l'administration pour chaque exercice, en proposant leur propre reconstitution, qui procède d'une analyse globale de l'activité supposée de l'association et de Mme B... à titre individuel. Une telle reconstitution de chiffre d'affaires commune aux deux activités, à l'appui de laquelle les requérants ont adjoint en dernier lieu une analyse réalisée par un expert-comptable, qui compare le chiffre d'affaires réalisé par une structure n'ayant aucun salarié et une structure disposant d'un salarié, ne peut être regardée comme une méthode de reconstitution plus précise que celle de l'administration fondée sur les données propres à l'exploitation de l'entreprise et de l'association vérifiées. En outre, cette reconstitution n'est pas fondée sur les données réelles mais sur des projections à partir du temps de travail allégué, mais non corroboré par des pièces, de Mme B..., estimé à 35 heures par semaines sur 41 semaines, avec un tarif de 40 euros pour l'essentiel des heures, ce dernier tarif étant d'ailleurs sensiblement inférieur à celui de 55 euros figurant sur la fiche tarifaire de l'association MDSR communiquée en cours de contrôle. La reconstitution opérée par les requérants qui se fondent sur un chiffre d'affaires maximum réalisable par Mme B..., pour les deux activités, auquel est appliquée une clé de répartition, au demeurant non justifiée, n'étant ainsi pas plus précise que celle de l'administration, cette dernière doit être regardée comme établissant tant l'existence que le montant des revenus distribués par l'association MDSR.

En ce qui concerne les bénéfices non commerciaux :

10. S'agissant du montant des bénéfices non commerciaux reconstitués par l'administration au titre de l'activité individuelle de Mme B..., soit 93 808 euros en 2011, 98 679 euros en 2012 et 67 767 euros en 2013, M. et Mme B... ne présentent pas d'argumentation distincte de celle présentée s'agissant de l'association MDSR et font donc valoir les mêmes arguments que précédemment, sans distinguer entre les deux structures, concernant les erreurs ayant supposément affecté les listes d'élèves fournies par les services préfectoraux et les capacités de Mme B... en termes de temps de travail pouvant être consacré à l'apprentissage de la conduite. Pour les mêmes raisons que précédemment, ces moyens doivent être écartés et l'administration doit être regardée comme établissant le bien-fondé des rectifications.

11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre quelque somme que ce soit à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête dirigées contre les cotisations supplémentaires de contributions sociales, à hauteur de la somme de 1 934 euros pour l'année 2012, et à hauteur de la somme de 1 386 euros pour l'année 2013.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. et Me B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme C..., présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 15 octobre 2019.

2

N° 18LY01280

gt


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01280
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués - Notion de revenus distribués - Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : FIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-15;18ly01280 ?
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