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15/10/2019 | FRANCE | N°18LY01164

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 15 octobre 2019, 18LY01164


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1607056 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 mars 2018, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 février

2018 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impos...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1607056 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 mars 2018, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 février 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) à titre principal, de prononcer la décharge des impositions litigieuses et, subsidiairement, de le décharger des contributions sociales mises à sa charge à raison de la majoration de 25 % appliquée à tort aux revenus de capitaux mobiliers réintégrés à son revenu imposable de l'année 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, faute de s'être prononcé sur le moyen, invoqué, dans une note en délibéré à l'encontre de la majoration de 1,25 de la base des contributions sociales appliquée aux revenus de capitaux mobiliers tiré de la réserve d'interprétation émise par le Conseil Constitutionnel (QPC 10-02-2017 n° 2016-610) ;

- les dividendes ne sont pas imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers mais dans celle des bénéfices industriels et commerciaux imposables, dès lors que l'EURL n'a pas manifesté sans ambigüité son option expresse pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés - l'imprimé MO renseigné ne peut avoir la portée d'une lettre d'option expresse au sens de la doctrine administrative, confirmée par une réponse ministérielle RM Morel à l'Huissier n° 115767 du 10 avril 2007 ; sa bonne foi, non contestée en l'absence de pénalités pour manquement délibéré, est indifférente au regard du bien-fondé de son invocation de la garantie relative à la doctrine administrative ;

- la majoration de 1,25 de la base des contributions sociales appliquée aux revenus de capitaux mobiliers ne peut être appliquée eu égard à la réserve d'interprétation émise par le Conseil Constitutionnel (QPC 10-02-2017 n° 2016-610).

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions relatives à la majoration de contribution sociale sont irrecevables, aucune majoration n'ayant été appliquée ;

- l'EURL a opté sans ambigüité son option expresse pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés de sorte que les dividendes ont été à bon droit soumis à l'impôt sur le revenu entre les mains du contribuable dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

- le requérant qui n'a pas déclaré ces revenus dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ne peut se prévaloir de la doctrine administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL Isère Bâtiment, dont M. B... a été l'unique associé et le gérant entre sa création en 2009 et sa liquidation judiciaire intervenue le 25 septembre 2012, a déclaré, sur la liasse fiscale, déposée le 18 juin 2012 au titre de l'exercice clos en 2012, avoir versé à M. B... des sommes de 25 000 euros à titre des salaires et de 72 800 euros à titre de dividendes éligibles à l'abattement de 40 %. M. B... n'ayant pas déclaré ces revenus, l'administration a, suivant la procédure contradictoire, réintégré dans son revenu imposable un montant de 43 680 euros dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ainsi qu'un montant de 25 632 euros dans la catégorie des traitements et salaires, celui-ci incluant des rémunérations perçues d'une autre entreprise que l'intéressé n'avait pas déclarées. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des compléments d'impôt sur le revenu correspondant aux sommes imposées dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

3. Le requérant soutient que le tribunal administratif de Grenoble a omis de tenir compte du nouveau moyen, soulevé dans les notes en délibéré produites les 26 et 29 janvier 2018, tiré de l'application erronée de la majoration de la base d'imposition des contributions sociales aux revenus de capitaux mobiliers compte tenu de la réserve d'interprétation formulée par le Conseil Constitutionnel (QPC 10-02-2017 n° 2016-610). Il est constant toutefois qu'aucune majoration n'a été appliquée aux contributions sociales supplémentaires mises à la charge de M. B.... Par suite, le moyen invoqué dans la note en délibéré étant inopérant, le tribunal n'a commis aucune irrégularité en s'abstenant de rouvrir l'instruction.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

4. Aux termes de l'article 206 du même code : " (...) 3. Sont soumis à l'impôt sur les sociétés s'ils optent pour leur assujettissement à cet impôt dans les conditions prévues à l'article 239 : (...) e. Les sociétés à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique ; (...) ". Aux termes de l'article 239 du code général des impôts : " 1. Les sociétés et groupements mentionnés au 3 de l'article 206 peuvent opter, dans des conditions qui sont fixées par arrêté ministériel, pour le régime applicable aux sociétés de capitaux. Dans ce cas, l'impôt sur le revenu dû par (...), l'associé unique de société à responsabilité limitée (...) est établi suivant les règles prévues aux articles 62 et 162. (...) L'option doit être notifiée avant la fin du troisième mois de l'exercice au titre duquel l'entreprise souhaite être soumise pour la première fois à l'impôt sur les sociétés. (...) Dans tous les cas, l'option exercée est irrévocable. (...) ". Il résulte enfin de l'article 22 de l'annexe IV au code général des impôts, la notification de l'option prévue à l'article 239 du code général des impôts doit être adressée au service des impôts du lieu du principal établissement de la société.

5. En application de ces dispositions, pour exercer valablement leur option pour l'imposition selon le régime propre aux sociétés de capitaux, les sociétés de personnes doivent soit notifier cette option au service des impôts du lieu de leur principal établissement, conformément aux prescriptions de l'article 239 du code général des impôts et de l'article 22 de l'annexe IV à ce code, soit cocher la case prévue à cet effet sur le formulaire comportant une telle rubrique remis au centre de formalité des entreprises dont elles dépendent à l'occasion de la déclaration de leur création ou de leur modification, manifestant ainsi sans ambiguïté l'exercice de leur option, transmis à l'administration concernée.

6. M. B... soutient que les dividendes versés à titre de dividendes en 2012 ne pouvaient être imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, dès lors que l'EURL Isère Bâtiment n'a pas manifesté sans ambiguïté son option expresse pour l'imposition selon le régime propre aux sociétés de capitaux dans le formulaire remis au centre de formalité des entreprises à l'occasion de sa déclaration de création. Il ressort toutefois de l'examen de ce document que l'EURL Isère Bâtiment a coché, dans la rubrique " options fiscales " du formulaire M0 adressé au centre des formalités des entreprises en 2010, la case exprimant son option pour l'imposition à l'impôt sur les sociétés selon le régime réel simplifié. Si M. B... fait valoir que la case d'option à l'impôt sur les sociétés, réservée aux sociétés de personnes n'a pas été cochée et que l'EURL Isère Bâtiment n'a adressé à l'administration aucune lettre recommandée confirmant formellement son option pour le régime propre aux sociétés de capitaux, ces circonstances ne sont pas de nature à faire regarder comme ambigüe l'option faite pour le régime d'imposition des sociétés de capitaux, au demeurant confirmée par le fait constant qu'au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, la société a régulièrement souscrit des déclarations d'impôt sur les sociétés sous le paraphe de son gérant et unique associé, qui n'a pas contesté l'application de ce régime d'imposition et ne saurait utilement soutenir, pour échapper aux conséquences de l'option, qu'il se serait borné à renseigner des déclarations pré-imprimées adressées par l'administration fiscale. Le moyen tiré ce que les dividendes ont été soumis à tort à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ne peut donc qu'être écarté.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

7. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ".

8. Si les dispositions du 1er alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration permettant, en particulier, aux contribuables de se prévaloir des interprétations administratives d'un texte fiscal, c'est à la condition, notamment, que leur situation soit conforme aux prévisions de l'interprétation administrative. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu du dossier qui lui est soumis par l'administration et le contribuable, si ce dernier est en droit de se prévaloir des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales relatives à la portée d'une instruction publiée.

9. Si les dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration permettant, en particulier, aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans la doctrine administrative publiée, c'est à la condition, notamment, qu'ils aient fait application de ces notes ou instructions.

10. M. B... invoque la documentation de base DB H 1172 n°2 du 1er mars 1995 et la réponse ministérielle au JOAN le 10 avril 2007 page 3562 sous le n° 115767 (RM Morel A L'huissier ) soumettant à un formalisme particulier l'option d'un contribuable pour un régime d'imposition et soutient que l'irrégularité de l'option de l'EURL Isère Bâtiment, société de personnes, en faveur du régime fiscal de l'impôt sur les sociétés ferait obstacle à l'imposition de cette entreprise à l'impôt sur les sociétés et, par voie de conséquence, à son imposition personnelle des sommes tirées de cette entreprise dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Toutefois, il est constant que l'EURL Isère Bâtiment a déposé des déclarations d'impôt sur les sociétés au titre des années 2010 et 2011 et que M B... n'a pas déclaré ces sommes à l'impôt sur le revenu. Ainsi M. B... ne peut être regardé comme ayant fait application de la doctrine administrative qu'il invoque. Il n'est, dès lors, pas fondé à en demander le bénéfice sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur la fin de non-recevoir en ce qui concerne la majoration des prélèvements sociaux :

11. Ainsi qu'il a été dit précédemment, au point 2 du présent arrêt, aucune majoration des prélèvements sociaux n'a été appliquée sur le fondement des dispositions combinées du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts et du c) du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale pour le calcul du montant des prélèvements sociaux mis à leur charge à l'issue du contrôle. Par suite, les conclusions tenant à la décharge de cette majoration sont irrecevables et la fin de non-recevoir doit être accueillie.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M Pruvost, président de chambre,

Mm C..., présidente-assesseure,

Mme D..., première conseillère.

Lu en audience publique le 15 octobre 2019.

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N° 18LY01164

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01164
Date de la décision : 15/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-15;18ly01164 ?
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