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03/10/2019 | FRANCE | N°18LY04431

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 03 octobre 2019, 18LY04431


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. H... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 1er octobre 2018 par lesquelles le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et d'annuler la décision du même jour par laquelle le préfet de l'Ain l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 18072

45 du 9 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. H... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 1er octobre 2018 par lesquelles le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et d'annuler la décision du même jour par laquelle le préfet de l'Ain l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1807245 du 9 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 décembre 2018, M. H..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 9 octobre 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 1er octobre 2018 ;

3°) d'enjoindre au le préfet de l'Ain de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à payer à son conseil, la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle.

M. H... soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire est entachée d'erreur de droit en l'absence d'examen sérieux de sa situation personnelle ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la décision portant refus de délai de départ volontaire est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle n'est pas justifiée ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant pays de destination est entachée d'un défaut d'examen ; elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai ; elle est entachée d'erreur d'appréciation ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant assignation à résidence est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2019, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. H... ne sont pas fondés.

M. H... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale de New-York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme I..., première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. H..., ressortissant kosovar né le 24 mars 1976, est, selon ses déclarations, entré irrégulièrement pour la dernière fois en France en novembre 2012. Il a présenté une demande d'asile rejetée, en dernier lieu, par la Cour nationale du droit d'asile le 8 octobre 2015. Le 29 mai 2017, le préfet de l'Ain lui a opposé un refus de délivrance d'un titre de séjour qu'il a assorti d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, d'une décision fixant le pays de renvoi et d'une décision lui interdisant le retour sur le territoire français durant un an, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Lyon, puis la cour administrative d'appel de Lyon le 16 août 2018. Interpellé le 29 septembre 2018 dans le cadre d'un contrôle routier, M. H... a fait l'objet, le 1er octobre 2018, de décisions par lesquelles le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Il a été, le même jour assigné à résidence. M. H... relève appel du jugement du jugement du 9 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions prises à son encontre le 1er octobre 2018 par le préfet de l'Ain.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. H... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire serait entachée d'erreur de droit en l'absence d'examen sérieux de sa situation personnelle, moyen auquel le tribunal a exactement répondu. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal, d'écarter ce moyen.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. M. H... fait valoir qu'il réside en France depuis neuf ans avec sa compagne Mme D..., qu'ils ont eu trois enfants, nés en France, dont les deux ainés sont scolarisés et qu'ils se sont bien intégrés au sein de la ville de Belley où ils ont créé des liens amicaux et ont tous les deux obtenu des promesses d'embauche en contrat à durée indéterminée, M. H... ayant lui-même, dans l'attente de sa régularisation, travaillé 100 heures par mois entre avril 2017 et février 2018 à la réalisation de travaux d'entretien et de jardinage. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, si les intéressés ont fait preuve d'efforts d'intégration et que leurs enfants sont scolarisés, ils sont entrés en France pour la dernière fois, selon leurs dires, en novembre 2012, alors que le requérant était âgé de 36 ans, soit seulement six ans avant la décision en litige et que M. H... a fait l'objet, comme son épouse, le 29 mai 2017 d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français et d'une interdiction de territoire français pendant une durée d'un an qu'il n'a pas exécutée. M. H... dispose de liens au Kosovo où sa mère réside. Alors que M. H... et sa compagne ont toujours indiqué être tous les deux de nationalité kosovare, M. H... fait valoir, pour la première fois devant la cour, que les décisions du préfet de l'Ain sont de nature, en raison de leurs nationalités différentes, à provoquer une séparation de la cellule familiale. Il indique que son épouse serait de nationalité serbe et produit, pour ce faire, un document, expirant en août 2013, présenté comme le titre de séjour dont elle disposait au Kosovo avant leur arrivée en France. Il ressort de la décision rendue le 8 octobre 2015 par la Cour nationale du droit d'asile que Mme D... est née en Serbie et a vécu depuis l'âge de deux ans au Kosovo où elle a établi le centre de ses intérêts matériels et moraux. Malgré l'expiration, en août 2013, du document établi à son nom, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette dernière ne serait pas admissible au Kosovo, ni, ainsi que le fait valoir le préfet, que M. H... ne serait pas légalement admissible en Serbie. Ainsi, en tout état de cause, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale du requérant se reconstitue dans l'un ou l'autre des deux Etats, d'autant qu'il n'est pas démontré que le requérant encourrait des risques pour sa sécurité ou celle de sa famille en cas de retour au Kosovo. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la scolarisation de ses enfants, qui est récente, ne pourrait être poursuivie en dehors de France. Par suite, M. H... n'est fondé à soutenir ni que la décision contestée porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels elle a été prise ni qu'elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doivent dès lors être écartés.

5. En troisième lieu, M. H... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire :

6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire.

7. En deuxième lieu, M. H... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision portant refus de délai de départ volontaire n'est pas justifiée, moyen auquel le tribunal a exactement répondu. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal, d'écarter ce moyen.

8. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, la décision refusant à M. H... un délai de départ volontaire ne méconnaît ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, M. H... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

10. En deuxième lieu, M. H... reprend en appel le moyen tiré de ce que la décision fixant pays de destination est entachée d'un défaut d'examen et méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, moyens auxquels le tribunal a suffisamment répondu. Il y a lieu, par adoption des motifs du tribunal, d'écarter ces moyens.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :

11. En premier lieu, M. H..., n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

12. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) . La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...)".

13. Si M. H... fait valoir qu'il réside depuis plus de neuf ans en France, que seule sa mère réside au Kosovo, que sa compagne et ses enfants résident en France, toutefois, ainsi qu'il a été indiqué précédemment, l'intéressé ne résidait en France que depuis six ans à la date de la décision litigieuse et avait déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour d'une durée d'un an qu'il n'a pas exécutée. Sa compagne résidait également irrégulièrement sur le territoire français. Par suite, en décidant de lui interdire de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans, le préfet de l'Ain n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

14. Cette décision ne méconnaît pas, pour les raisons exposées précédemment, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

15. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire à l'encontre de la décision l'assignant à résidence.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... H... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président,

Mme A..., présidente-assesseure,

Mme I..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

2

N° 18LY04431


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04431
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-03;18ly04431 ?
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