La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/08/2019 | FRANCE | N°19LY01260

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 27 août 2019, 19LY01260


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période correspondant au mois de juin 2011, ainsi que des pénalités correspondantes et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700503 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer

sur les conclusions en décharge de la requête à hauteur de 653 227 euros, a déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période correspondant au mois de juin 2011, ainsi que des pénalités correspondantes et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1700503 du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions en décharge de la requête à hauteur de 653 227 euros, a déchargé M. A... des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont il a fait l'objet au titre de la période correspondant au mois de juin 2011, ainsi que des pénalités correspondantes, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande de M. A....

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 de ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 décembre 2018 ;

2°) de remettre à la charge de M. A..., en droits et pénalités la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période 2011 pour un montant de 475 325 euros.

Le ministre soutient que c'est à tort que les premiers juges ont prononcé la décharge des droits rappelés dès lors que la mise en oeuvre du régime dérogatoire consistant en une application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévue par l'article 268 du code général des impôts suppose que le bien vendu ait la même qualification juridique que le bien acheté et que les autres moyens articulés en première instance par M. A... ne sont pas fondés.

La requête a été dispensée d'instruction en application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 ;

- le code de justice administrative ;

Le ministre ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président de chambre,

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... exerce une activité de marchand de biens. Il a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période de février 2010 à septembre 2011. Par une proposition de rectification du 19 juin 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiés, l'administration remettant en cause l'application d'une taxe sur la valeur ajoutée sur la marge relative à la cession d'un chalet situé à Saint-Bon-Tarentaise le 27 juin 2011. M. A... a présenté une réclamation le 4 mars 2016. Celle-ci a fait l'objet d'une décision de rejet le 24 novembre 2016. M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des impositions précitées. Par un jugement du 7 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions en décharge de la requête à hauteur de 653 227 euros, a déchargé M. A... des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont il a fait l'objet au titre de la période correspondant au mois de juin 2011, ainsi que des pénalités correspondantes, a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande de M. A.... Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 392 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 visée ci-dessus relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. ".

3. En vertu du 1° et 2° du I de l'article 257 du code général des impôts, les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, ou d'immeubles bâtis dans les cinq ans qui suivent leur achèvement sont imposables de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée. Selon les dispositions du b du 2. de l'article 266 du code général des impôts, pour les opérations de livraison de biens immeubles mentionnées au I de l'article 257 du même code, la taxe sur la valeur ajoutée est assise, pour les mutations à titre onéreux, sur le prix de la cession augmenté des charges qui s'y ajoutent.

4. Aux termes de l'article 268 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable, issue de l'article 16 de la loi visée ci-dessus du 9 mars 2010 transposant le droit communautaire : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir, (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain (...) ; / b) soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués. ". Le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ainsi défini s'applique aux livraisons de terrains à bâtir pour lesquelles l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ce cas, la base d'imposition est constituée de la seule marge dégagée par l'assujetti au titre de l'opération d'achat-revente, c'est-à-dire la différence entre le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent et les sommes que le cédant a versées pour l'acquisition du terrain.

5. Il résulte des dispositions précitées du code général des impôts et de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 que l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux livraisons de terrains à bâtir est conditionnée au seul fait que l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lors de son acquisition.

6. Il résulte de l'instruction que M. A... a procédé à l'acquisition d'un chalet à Saint-Bon-Tarentaise en février 2010 au prix de 1 900 000 euros. L'intéressé a sollicité un permis de démolir, puis un permis de construire afin de reconstruire un chalet. Le 27 juin 2011, il a été procédé à la cession dudit chalet au prix de 3 750 000 euros. A été appliquée la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge réalisée. Toutefois, l'administration a procédé à une remise en cause de celle-ci, aux motifs que la cession est relative à un immeuble neuf. Or, il résulte de l'instruction et, notamment, des mentions apposées sur le constat d'huissier du 16 juin 2011 que de nombreux éléments extérieurs et intérieurs n'étaient pas achevés. En effet, le chalet n'était notamment ni raccordé à l'eau ni à l'électricité et ne présentait ainsi pas un caractère habitable. De plus, la déclaration d'achèvement des travaux n'a été réalisée que le 4 mai 2012, soit plus de 10 mois après la cession en litige. En outre, l'acte de cession du 27 juin 2011 stipule que le chalet est vendu en l'état, c'est-à-dire hors d'eau et hors d'air, sans qu'il ne présente toutefois un caractère habitable. Ainsi, le chalet en litige ne peut être regardé comme neuf à la date de sa cession. Par suite, l'administration ne pouvait qualifier ledit chalet d'immeuble neuf sur le fondement de l'article 257 du code général des impôts afin de procéder aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée. D'ailleurs l'administration, tant en première instance qu'en appel, estime qu'il est constant qu'après " démolition, le contribuable a entrepris la construction d'un nouveau chalet qui n'était pas achevé lors de sa cession, le 27 juin 2011, et dont il est constant, et d'ailleurs non contesté, qu'il avait la qualification juridique de terrain à bâtir. ". Contrairement à ce que soutient le ministre, en se prévalant de sa doctrine, laquelle ne saurait légalement fonder une imposition, la circonstance que les caractéristiques physiques et la qualification juridique du bien acheté ont été modifiées avant la cession ne saurait par elle-même faire obstacle à l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévue par l'article 268 du code général des impôts. Par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que cette livraison devait être imposée sur le prix de vente total du bien cédé.

7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé M. A... des rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont il a fait l'objet au titre de la période 2011, ainsi que des pénalités correspondantes et a mis à la charge de l'Etat, partie perdante, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. C... A.... Copie en sera adressée à Me D..., représentant de M. A... en première instance.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme E..., présidente assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 27 août 2019.

2

N° 19LY01260


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01260
Date de la décision : 27/08/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-04 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Éléments du prix de vente taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CABINET DURAFFOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-08-27;19ly01260 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award