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25/07/2019 | FRANCE | N°19LY00412

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 25 juillet 2019, 19LY00412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 26 juin 2018 par lesquelles le préfet de la Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1805276 du 5 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er février

2019, Mme B... épouse A..., représentée par Me Rodrigues, avocate, demande à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 26 juin 2018 par lesquelles le préfet de la Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1805276 du 5 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er février 2019, Mme B... épouse A..., représentée par Me Rodrigues, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 5 novembre 2018 ;

2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif ;

3°) à titre subsidiaire :

- d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

- d'enjoindre au préfet de la Loire de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- il existe un doute sur l'impartialité du magistrat qui a rendu le jugement attaqué ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 2 mai 2019, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il s'en remet à ses conclusions de première instance.

La clôture de l'instruction a été fixée au 10 mai 2019 par une ordonnance du 12 avril 2019.

Mme B... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Dèche, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... épouse A..., née le 21 novembre 1968, de nationalité kosovare, est entrée irrégulièrement en France le 9 mars 2009, accompagnée de son époux et de leur fils mineur. Le 17 décembre 2009, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, a rejeté sa demande d'asile. Ce rejet a été confirmé le 10 août 2010 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 7 avril 2011, le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 18 octobre 2012, elle a sollicité le réexamen de sa demande d'asile. Le 20 novembre 2012, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile. Ce rejet a été confirmé le 16 octobre 2013 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 14 avril 2014, elle a demandé la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ". Le 26 septembre 2014, elle a fait l'objet de décisions de refus de titre de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français. A la suite d'une nouvelle demande de réexamen de sa situation, le 25 juillet 2017, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile. Ce rejet a été confirmé le 23 mars 2018 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 26 juin 2018, le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... épouse A... fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En vertu des principes généraux applicables à la fonction de juger, toute personne appelée à siéger dans une juridiction doit se prononcer en toute indépendance et en toute impartialité.

3. La teneur de certains des propos tenus publiquement par le magistrat ayant rendu le jugement attaqué est de nature à faire naître un doute légitime sur son impartialité. Par suite, Mme B... épouse A... est fondée à demander l'annulation de ce jugement.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme B... épouse A... devant le tribunal administratif.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, la décision contestée, qui n'avait pas à reprendre en détail les données propres à la situation personnelle de Mme B... épouse A..., énonce de manière suffisamment précise les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde. Dès lors, elle ne méconnaît pas les articles L. 211-2 et 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, en vertu desquels les mesures de police doivent être motivées et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

7. Mme B... épouse A... fait valoir qu'elle séjourne en France depuis neuf ans, auprès de son époux et de leur fils mineur et que l'ensemble des membres de sa famille réside sur le territoire français. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée s'est maintenue en France sans respecter les deux obligations qui lui avaient été faites de quitter le territoire français, méconnaissant ainsi des mesures de police administrative prises à son encontre par une autorité publique. Par ailleurs, son époux ne dispose pas d'un droit au séjour en France. Rien ne fait ainsi obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France, et notamment au Kosovo, pays dont tous les membres du foyer ont la nationalité, où la requérante a vécu la majeure partie de sa vie et où elle conserve nécessairement des attaches. Il n'est pas établi que son fils ne pourrait poursuivre sa scolarité dans ce pays et il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée encourrait au Kosovo des risques qui ne lui permettraient pas d'y mener une vie privée et familiale normale. Par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la mesure d'éloignement ne porte pas au droit de Mme B... épouse A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

8. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

9. La décision litigieuse n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer la requérante de son fils mineur, rien ne s'opposant à ce que celui-ci puisse poursuivre sa scolarité hors de France. Par suite, le préfet de la Loire n'a pas méconnu l'intérêt supérieur de cet enfant protégé par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la requérante n'est pas fondée à se prévaloir, contre cette décision, de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

11. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Aux termes de l'article 3 de cette convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

12. Mme B... épouse A..., dont la demande d'asile a d'ailleurs été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile, n'établit pas, en se prévalant de ses origines roms, la réalité des menaces actuelles et personnelles auxquelles elle serait exposée en cas de retour au Kosovo. Par suite, le moyen tiré de la violation, par la décision désignant ce pays comme pays de renvoi, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... épouse A... n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions qu'elle conteste. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 5 novembre 2018 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme B... épouse A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juillet 2019.

2

N° 19LY00412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00412
Date de la décision : 25/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : RODRIGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-25;19ly00412 ?
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