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11/07/2019 | FRANCE | N°18LY04576

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 11 juillet 2019, 18LY04576


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 23 juillet 2018 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné son pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1807714 du 29 novembre 2018, le magistrat dé

signé par le président du tribunal administratif de Lyon a renvoyé devant une formation...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 23 juillet 2018 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné son pays de renvoi en cas d'éloignement forcé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1807714 du 29 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a renvoyé devant une formation collégiale de ce tribunal les conclusions de la demande de M. C...dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour et a rejeté le surplus de cette demande.

Procédure devant la cour

I) Par une requête enregistrée le 12 décembre 2018 sous le n° 18LY04576, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 29 novembre 2018 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 23 juillet 2018 portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, subsidiairement de procéder à un réexamen de sa situation dans le délai d'un mois, et de faire procéder à la suppression de son signalement aux fins de non-admission ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet du Rhône a méconnu l'autorité de chose jugée s'attachant au jugement du 18 avril 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon ;

- la décision lui refusant un titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, entachant d'illégalité la mesure d'éloignement qu'il conteste ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision lui interdisant le retour en France pour une durée de deux ans porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et est entachée d'erreur d'appréciation, le préfet ne démontrant pas la réalité, l'actualité et la gravité d'une menace à l'ordre public ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

II) Par une requête enregistrée le 12 décembre 2018 sous le n° 18LY04577, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la cour, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 29 novembre 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que l'exécution du jugement en litige risque d'entraîner pour lui des conséquences difficilement réparables et que c'est à tort que sa demande a été rejetée dès lors que le préfet du Rhône a méconnu l'autorité s'attachant au jugement du 18 avril 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, que la décision lui refusant un titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, entachant d'illégalité la mesure d'éloignement qu'il conteste, que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle et méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, que la décision lui interdisant le retour en France pour une durée de deux ans porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et est entachée d'erreur d'appréciation, et que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire commun aux deux instances enregistré le 13 février 2019, le préfet du Rhône conclut au rejet des requêtes en s'en rapportant à ses écritures de première instance.

M. A...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 26 décembre 2018.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Christine Psilakis, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes visées ci-dessus de M. C... tendent respectivement à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet du même arrêt.

2. M. C..., ressortissant arménien né en 1985, est entré en 2011 en France, en compagnie de son épouse et de leur fille aînée, où sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 octobre 2012 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 22 juillet 2013. Par décision du 20 octobre 2017, le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a assorti cette décision d'une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de deux ans. Par jugement du 18 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions du 20 octobre 2017 portant obligation de quitter le territoire, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour. Statuant à nouveau sur la situation de M. C... à la suite de cette annulation, le préfet du Rhône a, par arrêté du 23 juillet 2018, confirmé le refus de séjour opposé à M. C..., l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office et lui a interdit le retour sur le territoire pendant une durée de deux ans. M. C... relève appel du jugement du 29 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon, après le placement de l'intéressé en rétention administrative, a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 23 juillet 2018 relatives à son éloignement et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Sur les conclusions de la requête n° 18LY04576 dirigées contre le jugement du 29 novembre 2018 :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 23 juillet 2018 :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

3. Les décisions du 20 octobre 2017 relatives à l'éloignement de M. C...ont, le 18 avril 2018, été annulées par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon à raison de l'illégalité, que celui-ci a retenue par voie d'exception, du refus de titre de séjour sur le fondement duquel elles étaient intervenues. Toutefois, par un jugement du 29 mai 2018 dont le bien-fondé a d'ailleurs été confirmé par la cour dans un arrêt du 9 avril 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande des époux C...tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 20 octobre 2017 en tant que celui-ci leur refuse un titre de séjour. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône, dont la décision fait état des nouvelles circonstances de fait qui la justifient, a, en prescrivant son éloignement, méconnu l'autorité s'attachant au jugement du 18 avril 2018.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. Pour demander l'annulation de l'obligation de quitter le territoire qui lui est opposée, M. C... invoque l'illégalité du refus de titre de séjour du 23 juillet 2018 qui lui donne son fondement et fait valoir sa résidence et celle de sa famille depuis plus de sept ans en France, où sont nés deux de ses trois enfants, qui y sont scolarisés. M. C... fait également état de sa bonne intégration et de sa qualité d'auto-entrepreneur pour une activité de garagiste déclarée depuis 2014. Toutefois, alors que M. C... a fait l'objet par le passé de plusieurs condamnations pénales notamment pour vol en réunion, qu'il n'a pas donné suite aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet, et que sa cellule familiale peut se reconstituer en Arménie, où les enfants des intéressés peuvent poursuivre leur scolarité, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui fonde son éloignement porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en violation des stipulations citées ci-dessus de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. Dans les circonstances de l'espèce et eu égard à ce qui a été dit aux points 3 et 5, M. C... n'est pas fondé à soutenir que son éloignement méconnait l'intérêt supérieur de ses enfants au sens des stipulations de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni que l'arrêté du 23 juillet 2018 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

7. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence des cas prévus au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

8. Il ressort des termes de l'arrêté attaqué que, pour motiver l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans qu'il a prononcée à l'encontre de M. C..., le préfet du Rhône a notamment retenu que l'intéressé s'était maintenu en France malgré plusieurs décisions successives d'éloignement et d'interdiction de retour et que celui-ci avait été condamné à plusieurs reprises pour vol, estimant encore que l'intéressé ne justifiait ainsi pas d'une vie privée et familiale stable en France. Compte tenu des circonstances rappelées au point 5, c'est sans erreur d'appréciation et sans méconnaître les dispositions citées ci-dessus que le préfet a estimé que l'intéressé pouvait faire l'objet d'une interdiction de retour pendant une durée de deux ans sur le fondement du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de la fixation du pays de renvoi :

9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. ". Si M. C..., dont la demande d'asile a été rejetée par les instances compétentes dans les conditions rappelées au point 2, fait valoir qu'il encourt des risques en cas de retour en Arménie, il n'apporte aucune précision quant à la réalité et l'actualité des risques allégués.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre les décisions du préfet du Rhône du 23 juillet 2018 portant obligation de quitter le territoire français, interdiction de retour et fixation de son pays de renvoi.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction et les frais liés au litige :

11. Eu égard à ce qui est dit au point 10, les conclusions présentées par M. C... à fin d'injonction sous astreinte ainsi que ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

Sur les conclusions de la requête n°18LY04577 à fin de sursis à exécution :

12. Le présent arrêt statue sur la requête de M. C... tendant à l'annulation du jugement attaqué. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions de la requête tendant à l'application des dispositions combinées de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 18LY04576 de M. C... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18LY04577 à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 novembre 2018.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 18LY04577 est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2019 à laquelle siégeaient :

M. Antoine Gille, président,

M. Thierry Besse, premier conseiller,

Mme Christine Psilakis, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2019.

2

N° 18LY04576, N° 18LY04577

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04576
Date de la décision : 11/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. GILLE
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : VIBOUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 20/08/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-07-11;18ly04576 ?
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