La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2019 | FRANCE | N°18LY00282

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 18LY00282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... I... et Mme A... J... épouse I..., agissant tant en leurs noms personnels qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineursB... I... etC... I..., M. K... I..., Mme H... I..., M. G... I..., M. L... I..., Mme F... I... et Mme M... I... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier spécialisé de la Savoie, en réparation de leurs préjudices moraux subis du fait du décès de M. E... I...survenu le 11 septembre 2005 dans cet établissement public de sa

nté, à leur payer des indemnités respectives de 30 000 euros, de 30 000 eu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... I... et Mme A... J... épouse I..., agissant tant en leurs noms personnels qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineursB... I... etC... I..., M. K... I..., Mme H... I..., M. G... I..., M. L... I..., Mme F... I... et Mme M... I... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner le centre hospitalier spécialisé de la Savoie, en réparation de leurs préjudices moraux subis du fait du décès de M. E... I...survenu le 11 septembre 2005 dans cet établissement public de santé, à leur payer des indemnités respectives de 30 000 euros, de 30 000 euros, de 10 000 euros, de 10 000 euros, de 10 000 euros, de 10 000 euros, de 10 000 euros et de 10 000 euros et à payer aux enfants mineursB... I... etC... I... une indemnité de 10 000 euros chacun et de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé de la Savoie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1504704 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2018, M. D... I... et Mme A... J... épouse I..., agissant tant en leurs noms personnels qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineursB... I... etC... I..., M. K... I..., Mme H... I..., M. G... I..., M. D... -N... I..., Mme F... I... et Mme M... I..., représentés par Me Besson, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1504704 du 21 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de la Savoie, en réparation de leurs préjudices moraux subis du fait du décès de M. E... I...survenu le 11 septembre 2005 dans cet établissement public de santé, à leur payer des indemnités maximales respectives de 30 000 euros, de 30 000 euros, de 10 000 euros, de 10 000 euros, de 10 000 euros, de 10 000 euros, de 10 000 euros et de 10 000 euros et à payer aux enfants mineursB... I... etC... I... une indemnité maximale de 10 000 euros chacun ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier spécialisé de la Savoie une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité pour faute du centre hospitalier spécialisé de la Savoie est engagée en totalité en raison d'un défaut de surveillance de M. E... I...dans la nuit du 10 au 11 septembre 2005 ; en effet,

- il est inexact de considérer qu'il n'aurait pas fait part d'intentions suicidaires et n'était pas particulièrement agité les jours précédant son décès, dès lors qu'il a été amené au centre hospitalier pour hétéro-agressivité au domicile à l'égard de ses frères et soeurs et pour des coups dans les murs, que les médecins du centre hospitalier spécialisé avaient prescrit, outre une surveillance habituelle la nuit, que l'entrée dans la chambre d'isolement ainsi que les soins et la délivrance des repas ne soient effectués que par deux soignants de sexe masculin et qu'il avait éventré son oreiller deux jours avant son décès ;

- il était nécessaire de mettre en place une surveillance du patient par deux hommes entrant dans sa chambre pour noter son comportement et sa position dans le lit, conformément au document de référence pour les agents de nuit établi par le centre hospitalier spécialisé, dès lors que la position de M. E... I...sous les draps ne permettait pas de noter, du hublot de sa porte, son comportement ni sa position alors que la lumière éclairant la chambre d'isolement était défectueuse ;

- la responsabilité pour faute du centre hospitalier spécialisé de la Savoie est également engagée en totalité du fait de l'absence de matelas sécurisé sans fermeture éclair dans la chambre d'isolement de M. E... I...et de la présence d'une housse de matelas plastifiée avec fermeture éclair dans laquelle le patient s'est enfermé et s'est étouffé, alors que la pratique dans ce centre hospitalier était que les chambres d'isolement soient équipées de matelas sécurisés ;

- à titre subsidiaire, le centre hospitalier spécialisé de la Savoie sera reconnu responsable pour partie du décès de M. E... I....

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2018, le centre hospitalier spécialisé de la Savoie, représenté par Me Fabre, avocat, conclut, à titre principal, au rejet de la requête des consortsI..., à titre subsidiaire, à ce que leurs prétentions indemnitaires soient réduites à de plus justes proportions.

Il fait valoir que :

- est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir la demande de première instance des consorts I...qui ne justifient pas de leur lien de filiation avec le défunt DavidI... ;

- les moyens présentés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président assesseur,

- les conclusions de Mme Terrade, rapporteur public,

- les observations de Me Besson, avocat, pour les consortsI...,

- et les observations de Me Romatif, avocat (association d'avocats Fabre Savary Fabbro), pour le centre hospitalier spécialisé de la Savoie.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir été admis le 4 septembre 2005 au centre hospitalier spécialisé de la Savoie sous le régime de l'hospitalisation à la demande d'un tiers, M. E... I..., né le 4 février 1982 et qui souffrait depuis son enfance de troubles psychotiques graves de la personnalité avec épisodes délirants, est décédé le 11 décembre 2005 par asphyxie dans la housse de matelas plastifiée de son lit, à l'intérieur de la chambre d'isolement de cet établissement public de santé qu'il occupait. Les consorts I...relèvent appel du jugement n° 1504704 du 21 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la condamnation dudit centre hospitalier spécialisé à réparer leurs préjudices moraux subis du fait de ce décès.

2. Aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

3. D'une part, il est constant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prescrivait, à la date du décès de M. E... I..., l'utilisation dans les chambres d'isolement des services hospitaliers de psychiatrie de matelas sécurisés comprenant une housse thermo-soudée au matelas et dépourvue de fermeture éclair. A la même date, ni le protocole dit de " procédure d'utilisation des chambres d'isolement " du centre hospitalier spécialisé de la Savoie établi le 30 mai 2005, ni le " Document de référence pour les agents de nuit " de ce même établissement, ni aucune autre instruction émanant de la direction de ce centre hospitalier spécialisé ou d'un de ses chefs de service ne comportait cette prescription. Si, à la date du décès de M. E... I..., la pratique au centre hospitalier spécialisé de la Savoie était d'équiper les chambres d'isolement de tels matelas sécurisés, il résulte de l'instruction, et notamment des auditions des personnels de cet établissement réalisées dans le cadre de l'information judiciaire pour homicide involontaire ouverte à la suite de ce décès, que cette pratique avait pour but d'empêcher les patients d'accéder à la mousse des matelas et de prévenir les risques d'incendie et non de prévenir les risques d'asphyxie au moyen de la housse du matelas. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du 22 décembre 2008 de l'expertise ordonnée par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Chambéry et confiée à un médecin chef de service de psychiatrie hospitalier, que ni les antécédents de M. E... I...ni son comportement depuis son hospitalisation le 4 septembre 2005 au centre hospitalier spécialisé de la Savoie, et plus particulièrement dans les heures qui ont précédé son décès, ne révélaient une situation d'urgence suicidaire. Dans ces conditions, et alors que le juge d'instruction a, sur réquisitoire définitif aux fins de non-lieu du procureur de la République, prononcé le 4 juillet 2011 un non-lieu à poursuite du chef d'homicide involontaire, l'absence d'un matelas sécurisé sans fermeture éclair dans la chambre d'isolement de M. E... I...et la présence d'une housse de matelas plastifiée avec fermeture éclair dans laquelle il s'est enfermé et s'est étouffé, ne constituent pas un manquement à une obligation préexistante et n'ont, dès lors, pas le caractère d'une faute de nature à engager la responsabilité pour faute du centre hospitalier spécialisé de la Savoie dans le décès du patient.

4. D'autre part, si M. E... I...avait été admis le 4 septembre 2005 au centre hospitalier spécialisé de la Savoie sous le régime de l'hospitalisation à la demande d'un tiers, son père, à la suite d'un comportement agressif au domicile familial à l'égard de ses frères et soeurs et pour des coups portés dans les murs, et si la persistance d'un risque hétéro-agressif au centre hospitalier avait justifié son placement en chambre d'isolement avec entrée dans la chambre, soins et délivrance des repas effectués par au moins deux soignants de sexe masculin, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport du 22 décembre 2008 de l'expertise ordonnée par le juge d'instruction, que l'intéressé n'avait pas présenté de comportement auto-agressif avant son décès, que les mesures de surveillance prescrites pour la nuit, consistant en une surveillance au moins toutes les deux heures à travers le hublot de la porte de sa chambre d'isolement en allumant la lumière dans la chambre, étaient adaptées à l'état et au comportement du patient et qu'elles avaient été respectées durant la nuit du 10 au 11 septembre 20005. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas du rapport d'expertise précité du 22 décembre 2008, que la lumière éclairant la chambre d'isolement de M. E... I...était défectueuse ou défaillante ni que la surveillance à travers le hublot de la porte de sa chambre ne permettait pas de noter, conformément aux prescriptions mentionnées en page 4 du " Document de référence pour les agents de nuit ", son comportement et sa position dans le lit au cours de la nuit. Dans ces conditions, et alors que le juge d'instruction a, sur réquisitoire définitif aux fins de non-lieu du procureur de la République, prononcé le 4 juillet 2011 un non-lieu à poursuite du chef d'homicide involontaire, ni les antécédents de M. E... I...ni son comportement depuis son hospitalisation le 4 septembre 2005 au centre hospitalier spécialisé de la Savoie, et plus particulièrement dans les heures qui ont précédé son décès, ne révélaient une situation d'urgence suicidaire nécessitant des mesures de surveillance plus importantes, notamment par l'entrée systématique de deux hommes dans sa chambre, que celles qui ont été mises en place. Par suite, l'absence de mesures de surveillance du patient plus importantes ne constitue pas une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service public hospitalier de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier spécialisé de la Savoie.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier spécialisé de la Savoie à la demande de première instance des consortsI..., que ceux-ci ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête n° 18LY00282 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... I..., à Mme A... J... épouse I..., à M. K... I..., à Mme H... I..., à M. G... I..., M. D... -N... I..., à Mme F... I..., à Mme M... I... et au centre hospitalier spécialisé de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 juin 2019.

2

N° 18LY00282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00282
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-02-05 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. Absence de faute. Surveillance.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: Mme TERRADE
Avocat(s) : BESSON

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-13;18ly00282 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award