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13/06/2019 | FRANCE | N°17LY03061

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 13 juin 2019, 17LY03061


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... Chanoine a demandé au tribunal administratif de Dijon, avant dire droit, d'ordonner une expertise médicale sur les douleurs de la fosse iliaque gauche dont elle souffre, de condamner les Hospices civils de Beaune à lui payer une indemnité totale de 104 400 euros en réparation des conséquence dommageables ces douleurs, de mettre à la charge des Hospices civils de Beaune les entiers dépens et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et d'ordonner l'exéc

ution provisoire du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1503329 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... Chanoine a demandé au tribunal administratif de Dijon, avant dire droit, d'ordonner une expertise médicale sur les douleurs de la fosse iliaque gauche dont elle souffre, de condamner les Hospices civils de Beaune à lui payer une indemnité totale de 104 400 euros en réparation des conséquence dommageables ces douleurs, de mettre à la charge des Hospices civils de Beaune les entiers dépens et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1503329 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande et a mis à la charge de Mme Chanoine les frais de l'expertise ordonnée le 6 novembre 2013 par le juge des référés du tribunal.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 août 2017, Mme B... Chanoine, représentée par Me Courtin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1503329 du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) avant dire droit, d'ordonner une expertise médicale sur les douleurs de la fosse iliaque gauche dont elle souffre ;

3°) de condamner les Hospices civils de Beaune à lui payer une indemnité totale de 104 400 euros en réparation des conséquences dommageables de ces douleurs de la fosse iliaque gauche invalidantes du membre inférieur gauche ;

4°) de mettre à la charge des Hospices civils de Beaune les entiers dépens et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5°) d'ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir.

Elle soutient que :

- le silence gardé par les Hospices civils de Beaune sur sa demande préalable d'indemnisation vaut acceptation de cette demande ;

- les Hospices civils de Beaune ont méconnu leur obligation d'information à son égard avant l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 10 janvier 2013 à l'hôpital Philippe le Bon ; en effet, la névralgie du nerf obturateur gauche dont elle souffre étant connue et non rarissime, il ne s'agissait pas d'un risque exceptionnel dont elle n'avait pas à être informée alors que la littérature médicale mentionne l'existence potentielle, lors du traitement de l'incontinence urinaire d'effort, de l'apparition postopératoire de douleurs, de lésions nerveuses ou d'atteinte du nerf obturateur ; son droit à indemnisation du fait de ce défaut d'information est entier en l'absence d'antécédent de névralgie du nerf obturateur gauche ;

- la responsabilité pour faute des Hospices civils de Beaune est également engagée du fait de la présence d'un présence d'un corps métallique étranger dans son bas-ventre qui ne peut être imputable qu'à une intervention chirurgicale subie dans cet établissement public de santé ; en effet, elle n'a pas été opérée ailleurs ; l'apparition des douleurs est consécutive à la dernière opération réalisée le 10 janvier 2013 à l'hôpital Philippe le Bon, les examens ne révélant rien avant l'examen d'imagerie par résonance magnétique du 14 mars 2013 ;

- elle a droit à une indemnité de 34 400 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent évalué à 20 % par l'expert ;

- elle a droit à une indemnité de 25 000 euros au titre des souffrances endurées, évaluées à 5,5/7 par l'expert ;

- elle a droit à une indemnité de 5 000 euros au titre de son préjudice esthétique du fait qu'elle ne peut plus se déplacer qu'à l'aide de cannes et d'un déambulateur ;

- elle a droit à une indemnité de 20 000 euros en réparation de son préjudice d'agrément ;

- elle a droit à une indemnité de 20 000 euros en réparation de son préjudice sexuel.

Par un mémoire enregistré le 24 novembre 2017, la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or, représentée par la SELARL BDL Avocats, conclut, par la voie de l'appel provoqué :

1°) à l'annulation du jugement n° 1503329 du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) à la condamnation des Hospices civils de Beaune à lui payer une indemnité de 89 633,26 euros, une somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par le code de la sécurité sociale et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les praticiens de l'hôpital Philippe le Bon ont commis une faute de nature à engager la responsabilité des Hospices civils de Beaune en laissant un corps étranger métallique dans son organisme à l'issue de l'intervention chirurgicale subie le 10 janvier 2013 par Mme Chanoine ou d'une autre intervention subie dans le même établissement public de santé ;

- les praticiens de l'hôpital Philippe le Bon ont commis une faute de nature à engager la responsabilité des Hospices civils de Beaune en n'informant pas Mme Chanoine des risques, à la suite de l'intervention chirurgicale envisagée, d'apparition de douleurs, de lésions nerveuses ou d'atteinte du nerf obturateur ;

- elle a servi à Mme Chanoine, son assurée sociale, des prestations d'un montant total de 89 633,26 euros en lien avec la responsabilité des Hospices civils de Beaune.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2018, les Hospices civils de Beaune, représentés par Me Le Prado, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, concluent au rejet de la requête de Mme Chanoine et des conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or.

Ils font valoir que les moyens présentés par la requérante et par la caisse primaire d'assurance maladie ne sont pas fondés.

En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que la cour était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions de Mme Chanoine tendant à ce que la cour ordonne l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir, les décisions de justice des juridictions administratives étant exécutoires en vertu de l'article L. 11 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Terrade, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme Chanoine relève appel du jugement n° 1503329 du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la réparation des conséquences dommageables des douleurs de la fosse iliaque gauche invalidantes du membre inférieur gauche dont elle souffre et qu'elle impute à l'opération chirurgicale subie à l'hôpital Philippe le Bon des Hospices civils de Beaune.

2. En premier lieu, aux termes du I de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, applicable au litige : " I. - Le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision d'acceptation. / La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d'acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l'autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai au terme duquel l'acceptation est acquise. / Le premier alinéa n'est pas applicable et, par dérogation, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : / (...) / 3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ; / (...) ".

3. La demande préalable d'indemnisation notifiée le 20 juillet 2015 par le conseil de Mme Chanoine aux Hospices civils de Beaune constitue une demande présentant un caractère financier au sens des dispositions précitées du 3° du troisième alinéa du I de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000. Le silence gardé pendant deux mois par cet établissement public de santé sur cette demande n'a, dès lors, pu faire naître une décision d'acceptation de la demande, contrairement à ce que soutient la requérante.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable au litige : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. / (...) ".

5. Il est constant que Mme Chanoine, qui souffrait d'incontinence urinaire d'effort, a subi le 10 janvier 2013 à l'hôpital Philippe le Bon des Hospices civils de Beaune une intervention chirurgicale en vue de la pose d'une bandelette en polypropylène de type TOT (trans-obturator-tape). Au cours de cette intervention, après avoir passé la bandelette de dedans en dehors sans difficulté du côté gauche, le chirurgien obstétricien n'a pu, du côté droit, obtenir un passage en dedans de la muqueuse vaginale et a, par conséquent, décidé de mettre fin à la tentative de pose de cette bandelette en enlevant le dispositif de bandelette en totalité. Si les douleurs de la fosse iliaque gauche irradiant l'aine et la racine de la cuisse et imputées par la requérante au nerf obturateur gauche sont apparues un mois après cette intervention chirurgicale, le médecin expert désigné par l'ordonnance n° 130247 du 6 novembre 2013 du juge des référés du tribunal administratif de Dijon constate en page 29 de son rapport que ces symptômes douloureux se situent du côté gauche, du même côté où la tentative de pose de la bandelette n'a posé aucun problème. Dans le compte-rendu de son examen clinique de Mme Chanoine réalisé le 25 mars 2013, le chirurgien obstétricien de l'hôpital Philippe le Bon note que l'on retrouve " au toucher vaginal une douleur plutôt postérieure intéressant assez peu la zone obturatrice " et " qu'en IRM, la région obturatrice est strictement normale ". L'expert relève en pages 9 et 29 de son rapport que le diagnostic de névralgie du nerf obturateur gauche chez la patiente n'est pas prouvé par les examens complémentaires à l'examen clinique qui infirment la notion de neuroalgodystrophie et que le docteurA..., urologue au centre hospitalier universitaire de Nantes qui a pris en charge l'intéressée à compter de l'automne 2013, ne retient pas formellement ce diagnostic. Dans ces conditions, il ne résulte pas de l'instruction que les douleurs de la fosse iliaque gauche, pour lesquelles le diagnostic de névralgie du nerf obturateur gauche n'est pas établi, aient pour cause certaine et directe l'intervention réalisée le 10 janvier 2013 à l'hôpital Philippe le Bon des Hospices civils de Beaune. Par suite, et alors même que l'expert mentionne un article publié en 2009 notamment par le docteur A...selon lequel, sur treize patients pris en charge depuis 2005 au service d'urologie du centre hospitalier universitaire de Nantes, trois ont présenté des névralgies obturatrices consécutives à des poses de bandelette de type TOT, Mme Chanoine n'est pas fondée à rechercher la responsabilité des Hospices civils de Beaune du fait de l'absence d'information, préalablement à l'intervention chirurgicale du 10 janvier 2013 à l'hôpital Philippe le Bon, sur les risques de survenance de névralgie du nerf obturateur.

6. En dernier lieu, aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

7. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Dijon ni des éléments produits par Mme Chanoine tant en première instance qu'en appel, que les douleurs de la fosse iliaque gauche dont elle se plaint aient pour cause certaine et directe la présence d'un corps métallique étranger dans son organisme. Par suite, la requérante n'est pas fondée à rechercher la responsabilité des Hospices civils de Beaune dans la survenance des douleurs précitées du fait de la présence d'un tel corps.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée par Mme Chanoine, que celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à ce que soient mis à la charge des Hospices civils de Beaune les frais de l'expertise prescrite par l'ordonnance n° 130247 du 6 novembre 2013 du juge des référés du même tribunal, celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or.

9. En vertu de l'article L. 11 du code de justice administrative, les jugements sont exécutoires. Dès lors, les conclusions de Mme Chanoine tendant à ce que la cour ordonne l'exécution provisoire du présent arrêt sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme Chanoine et les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or devant la cour sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... Chanoine, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte-d'Or et aux Hospices civils de Beaune.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 juin 2019.

6

N° 17LY03061


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03061
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation - Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier - Absence de faute - Information et consentement du malade.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice - Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: Mme TERRADE
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-06-13;17ly03061 ?
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