La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2019 | FRANCE | N°17LY03387

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 11 avril 2019, 17LY03387


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2017, la SAS distribution France Casino, dont le siège est 1, Esplanade de France à Saint-Etienne (42), représentée par Me Bolleau, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 13 juillet 2017 par laquelle le maire de la commune de Chasse-sur-Rhône (38) a délivré à la SNC LIDL un permis de construire et de démolir valant autorisation d'exploitation commerciale, pour un supermarché d'une surface de vente de 1 686 m² et d'une surface de plancher de 2 717 m², sur une parcelle de 9 4

25 m² située dans la zone d'activité Chasse Sud ;

2°) et de mettre à la cha...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2017, la SAS distribution France Casino, dont le siège est 1, Esplanade de France à Saint-Etienne (42), représentée par Me Bolleau, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 13 juillet 2017 par laquelle le maire de la commune de Chasse-sur-Rhône (38) a délivré à la SNC LIDL un permis de construire et de démolir valant autorisation d'exploitation commerciale, pour un supermarché d'une surface de vente de 1 686 m² et d'une surface de plancher de 2 717 m², sur une parcelle de 9 425 m² située dans la zone d'activité Chasse Sud ;

2°) et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS distribution France Casino soutient que :

- elle a intérêt à agir dès lors qu'elle exploite, à moins de 500 mètres du projet, un hypermarché à l'enseigne " Géant Casino " dont l'activité commerciale est similaire à celle du projet autorisé ;

- la décision, en tant qu'elle vaut autorisation d'aménagement commercial, est illégale :

- faute de qualité de la société LIDL pour déposer la demande sur le terrain d'assiette du projet dont elle n'est pas la propriétaire ;

- dès lors que le dossier présenté étant incomplet au regard des prescriptions de l'article R 752-6 du code de commerce, s'agissant, d'une part, de l'impact du projet sur le trafic routier, lequel est sous-estimé en l'absence d'étude de comptage le vendredi et le samedi soir dans un secteur largement saturé, et, d'autre part, faute de présentation de garanties effectives sur les aménagements envisagés en entrée/sortie sur le chemin des Roues et le chemin Laurent Delavors, voies de desserte du projet et, enfin sur sa desserte en mode de transports doux et sur son insertion paysagère, de sorte que l'appréciation de la CNAC en a été faussée ;

- le projet n'est pas compatible avec le SCoT des rives du Rhône, dont il méconnaît directement le document d'orientations générales (DOG) qui prévoit que, dans la commune de Chasse-sur-Rhône, l'offre alimentaire peut être confortée ponctuellement mais de façon très limitée, que le développement des pôles majeurs de périphérie est conditionné à une bonne accessibilité (tous modes de déplacements confondus) et à l'existence d'une desserte en transports collectifs, et que les activités doivent être qualitativement attractives et intégrées à leur environnement paysager, trois critères que ne remplit pas le projet ;

- le projet est de nature à compromettre la réalisation des objectifs prévus par les dispositions de l'article L 750-1 du code de commerce, la Commission nationale d'aménagement ayant méconnu les critères posés à l'article L 752-6 du même code, dès lors que :

o en premier lieu, il méconnaît l'objectif d'aménagement du territoire, eu égard, d'une part, à ses effets négatifs sur les petits commerces de distribution alimentaire existants du centre ville, d'autre part, à son impact sur le trafic routier sur les voies de desserte en l'état saturées, alors que le dossier n'apporte aucune garantie sur la réalisation effective des travaux d'aménagements routiers nécessaires pour sécuriser l'accès au projet, et enfin, à l'absence d'un accès sécurisé pour les livraisons, d'une desserte satisfaisante par transport en commun et de piste cyclable, faute de respecter une consommation économe de l'espace ;

o en deuxième lieu, il s'inscrit en rupture avec l'objectif de développement durable, faute d'une insertion architecturale et paysagère harmonieuse dans son environnement ;

o en troisième et dernier lieu, il méconnaît aussi l'objectif de protection des consommateurs, d'une part, puisqu'il se situe sur des parcelles classées en zone bleue au plan de prévention des risques d'inondation approuvé et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la pétitionnaire a pris toutes les mesures nécessaires pour pallier les risques avérés de submersion par les eaux du Rhône et, d'autre part, car il n'apporte aucune variété dans l'offre existante, trois autres magasins à l'enseigne LIDL étant implantés à un temps de trajet automobile compris entre 2 et 8 minutes.

Par un mémoire, enregistré le 29 mars 2018, la SNC LIDL, représentée par Me Robbes, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SAS distribution France Casino au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Souteyrand, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Bourion, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bolleau pour la SAS distribution France Casino et de Me A... pour la SNC LIDL.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 11 mai 2017, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté le recours de la SAS distribution France Casino dirigé contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de l'Isère autorisant la SNC LIDL à exploiter un supermarché d'une surface de vente de 1 686 m² dans la commune de Chasse-sur-Rhône. La SAS distribution France Casino, qui exploite un hypermarché à l'enseigne " Géant Casino " à moins de 500 mètres du projet demande l'annulation de la décision du 13 juillet 2017 par laquelle le maire de Chasse-sur-Rhône a délivré à la SNC LIDL un permis de construire et de démolir en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.- A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. ".

3. En application de ces dispositions, l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi, et, il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. En outre, en application de ces mêmes dispositions et de celles de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme, les autorisations délivrées par les commissions d'aménagement commercial doivent être compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale, pris dans son ensemble. Ce document peut fixer des orientations générales et des objectifs d'implantations préférentielles des activités commerciales définis en considération des exigences d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement ou de qualité de l'urbanisme.

4. Selon le paragraphe 4.2.2 du document d'orientations générales (DOG) du schéma de cohérence territoriale (SCoT) des Rives du Rhône, approuvé le 30 mars 2012 et qui couvre le territoire de quatre-vingt communes, la commune de Chasse-sur-Rhône est considérée comme un pôle commercial majeur de périphérie, porté par un hypermarché de plus de 2 500 m² de surface commerciale qualifié de " locomotive alimentaire ", dans lequel " les projets de création ou d'extension d'activité sont basés sur une offre à forte valeur ajoutée et novatrice, complémentaire de l'offre de coeur d'agglomération ". Dans ce pôle, " les secteurs d'activité nouveaux doivent correspondre en priorité à des achats exceptionnels ayant vocation à être implantés à l'écart des centralités urbaines " et " l'offre en alimentaire peut être confortée ponctuellement mais de façon limitée ". En outre " ces activités doivent se développer au plus près des zones existantes et être qualitativement attractives " alors que " le développement des pôles majeurs de périphérie est conditionné à une bonne accessibilité (tous modes de déplacement confondus) et à l'existence d'une desserte en transport collectif notamment depuis les centres-villes des agglomérations ". En l'espèce, le projet porté par la société LIDL vise à implanter un supermarché à vocation alimentaire de 1 686 m² de surface commerciale, dans la zone d'activité Chasse sud, à proximité d'un hypermarché de 7 541 m² de surface de vente, qui constitue le " pôle commercial majeur de périphérie " au sens du SCoT. Ce projet, dont la surface commerciale est comprise entre 1 000 et 2 500 m², constitue en soit un pôle secondaire dont la création est en principe exclue en vertu du 4.2.1 de ce même DOG. Ainsi, il ne peut être regardé comme de nature à conforter de façon limitée l'offre alimentaire existante déjà abondante tant dans la zone de chalandise, qui comprend notamment quatre magasins à vocation alimentaire situés entre 400 et 2 100 mètres du projet, que dans les communes couvertes par le SCoT, situées entre cinq et huit minutes de trajet automobile de cette zone d'activité. En outre, d'une part, l'offre proposée ne présente pas une attractivité qualitative particulière, dés lors qu'il est constant que, depuis la zone d'activité, trois magasins à l'enseigne LIDL sont accessibles entre 2 et 8 minutes de temps de trajet automobile et, d'autre part, le projet, qui est accessible par des voies routières, densément fréquentées avec 800 à 1200 véhicules par heure, dépourvues de piste cyclable, n'est desservi que par une seule ligne de bus avec huit rotations journalières. Par suite, nonobstant la circonstance que la commune de Chasse-sur-Rhône connaisse un accroissement démographique supérieur à la moyenne nationale et locale, le projet n'est pas compatible avec les orientations générales du SCoT des rives du Rhône prises dans leur ensemble.

5. Il résulte de ce qui précède que la SAS distribution France Casino est fondée à demander l'annulation de la décision du 13 juillet 2017 par laquelle le maire de la commune de Chasse-sur-Rhône a délivré à la SNC LIDL un permis de construire et de démolir en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

6. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme aucun autre moyen n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder l'annulation de la décision attaquée.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. La SAS distribution France Casino n'étant pas la partie perdante, il n'y a pas lieu de mettre à sa charge la somme que demande la SNC LIDL au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la Commission nationale d'aménagement commercial (Etat), une somme de 2 000 euros au titre des frais d'instance exposés par la SAS distribution France Casino.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 13 juillet 2017 du maire de la commune de Chasse-sur-Rhône est annulé en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Article 2 : La Commission nationale d'aménagement commercial (Etat) versera à la SAS distribution France Casino la somme de 2 000 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la SAS distribution France Casino et les conclusions de la SNC LIDL sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS distribution France Casino, à la commune de Chasse-sur-Rhône et à la SNC LIDL.

Copie sera adressé à la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC)

Délibéré après l'audience du 21 mars 2019 à laquelle siégeaient :

M Seillet, président,

M. Souteyrand, président-assesseur,

MmeB..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 11 avril 2019.

17LY03387

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03387
Date de la décision : 11/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-025 Urbanisme et aménagement du territoire. Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Eric SOUTEYRAND
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : ROBBES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-04-11;17ly03387 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award