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19/03/2019 | FRANCE | N°18LY00545

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 19 mars 2019, 18LY00545


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1500273 du 11 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 février 2018, M. B..., représenté par Me

D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 décembre 2017 du tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1500273 du 11 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 février 2018, M. B..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 décembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de caractère anormal du montant du loyer ;

- à titre principal, la procédure est irrégulière dès lors que les propositions de rectification et la réponse aux observations du contribuable sont insuffisamment motivées ;

- à titre subsidiaire, l'administration a méconnu sa propre doctrine (BOI-RFPI- CHAMP-20-20-20130 225) quant à la présomption de réserve de jouissance du bien qui n'a aucun fondement légal ;

- l'administration fiscale ne démontre pas le caractère anormal du bail consenti en se fondant sur sa propre doctrine BOI-RFPI-BASE-10-1020140214.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics a conclu au rejet de la requête.

Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Par lettre du 12 octobre 2018, les parties ont été informées de ce que, l'affaire étant en état d'être jugée, l'instruction était susceptible d'être close à compter du 15 novembre 2018 en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 15 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 15 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle sur place, l'administration fiscale a notifié à M. B... des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des contributions sociales au titre des années 2010 et 2011 correspondant à la remise en cause de l'imputation sur son revenu global des déficits fonciers déclarés par la SCI Hibiscus, société de personnes n'ayant pas opté pour le régime d'imposition des sociétés de capitaux, dont il détient 98 % des parts sociales, au motif que les charges afférentes à l'immeuble d'habitation situé à Reignier, propriété de la SCI, n'étaient pas déductibles. M. B... relève appel du jugement du 11 décembre 2017, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions litigieuses et des pénalités correspondantes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. B... soutient que le jugement attaqué n'a pas répondu au moyen tiré de ce que l'administration fiscale ne démontrait pas le caractère anormal du bail consenti par la SCI Hibiscus à sa locataire. Toutefois, il ressort de la lecture du jugement attaqué que les premiers juges ont relevé que, dans le cadre du contrôle, l'administration fiscale avait constaté que le bail consenti de 450 euros pour une surface de 80 m2 située au sein d'une résidence d'habitation d'une surface totale de 200 m2 présentait un caractère manifestement inférieur aux prix du marché locatif au mètre carré relevés dans le même secteur géographique. Par suite, le moyen d'irrégularité du jugement soulevé par M. B... doit être écarté comme manquant en fait.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...). Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée. ". Aux termes de l'article R.* 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition ".

4. Les membres d'une des sociétés de personnes énumérées à l'article 8 du code général des impôts sont personnellement assujettis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. Aux termes de l'article L. 53 du livre des procédures fiscales : " En ce qui concerne les sociétés dont les associés sont personnellement soumis à l'impôt pour la part des bénéfices correspondant à leurs droits dans la société, la procédure de vérification des déclarations déposées par la société est suivie entre l'administration des impôts et la société elle-même. ". Selon l'article 60 de ce code, les sociétés de l'article 8 sont tenues aux obligations incombant normalement aux exploitants individuels. Les articles L. 55 et suivants du même livre prévoient les conditions dans lesquelles les déclarations fiscales ne peuvent être corrigées qu'après envoi d'une proposition de rectification motivée.

5. Il résulte de ces dispositions que c'est avec la société de personnes que l'administration fiscale doit engager la procédure de vérification des résultats sociaux régulièrement déclarés par cette société, au regard de la comptabilité qu'elle doit tenir en vertu de l'article 60 du code général des impôts. La proposition de rectification adressée à la société à l'issue de cette vérification implique directement certains effets pour l'imposition personnelle des associés, tels que l'interruption du délai de prescription à leur égard ou l'inversion de la charge de prouver le mal fondé des redressements auxquels la société aurait acquiescé.

6. L'administration ne peut légalement mettre des suppléments d'imposition à la charge personnelle des associés sans leur avoir adressé, dans les conditions prévues à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, une proposition de rectification précisant les corrections apportées aux déclarations qu'ils ont eux-mêmes souscrites, en motivant cette proposition de rectification au moins par une référence aux rehaussements apportés aux bénéfices sociaux et par l'indication de la quote-part de bénéfices à raison de laquelle les intéressés seront imposés.

7. La proposition de rectification adressée à une SCI par laquelle l'administration remet en cause le caractère imputable sur le revenu global des associés des déficits fonciers correspondant à leur quote-part dans les résultats de cette société, alors même qu'elle ne comporte aucune modification du montant des déficits déclarés par la société a le caractère d'une proposition de rectification.

8. M. B... soutient que l'administration fiscale a insuffisamment motivé la proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 22 juillet 2013 en méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, faute d'avoir indiqué le motif des rectifications. Il soutient que l'administration s'est bornée à motiver les rectifications mises à sa charge par référence à la proposition de rectification adressée le 18 juillet 2013 à la SCI Hibiscus, sans en joindre une copie en annexe.

9. Il résulte, toutefois, de l'instruction, et de la lecture même de la proposition de rectification litigieuse, que l'administration fiscale indique que les constatations effectuées lors du contrôle de la SCI Hibiscus, dont il est gérant et associé majoritaire, l'ont conduit à considérer que la gestion de la maison d'habitation sise route de Moussy à Reignier propriété de la SCI, revêtait, eu égard à la faiblesse du loyer consenti à une personne à laquelle M. B... était personnellement lié, pour la location partielle de l'immeuble, un caractère privatif, M. B... ayant eu, à travers la SCI, l'entière disposition de cette maison d'habitation, et la SCI devant, dans ces conditions, être regardée comme s'étant réservé la jouissance du bien. La proposition de rectification indique qu'en application des dispositions du II de l'article 15 du code général des impôts, il ne pouvait, en tant qu'associé de la SCI, imputer sur son revenu global imposable les déficits fonciers correspondant aux charges de travaux supportées par cette société à raison de sa quote-part dans les résultats de celle-ci. Eu égard aux modalités selon lesquelles doivent être imposées les résultats d'une société de personnes fiscalement transparente, pour ne pas avoir opté pour le régime d'imposition à l'impôt sur les sociétés comme en l'espèce, l'administration fiscale a pu motiver les rectifications contestées par M. B... par référence à la proposition de rectification adressée à la SCI sans en joindre une copie. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification adressée au contribuable au regard de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales manque en fait.

10. M. B... ne démontre pas que la proposition de rectification adressée à la SCI était insuffisamment motivée en se bornant à soutenir que les indications concernant les éléments de comparaison utilisés par l'administration, pour estimer le montant du loyer consenti par la SCI anormalement bas, résultant d'annonces immobilières de location publiées au cours de la période litigieuse auraient été insuffisamment précises pour lui permettre de les retrouver sur internet et de les discuter utilement, alors qu'il résulte de la lecture même de la proposition de rectification adressée à la société que, pour chaque élément de comparaison retenu, situé dans le même ressort géographique que le bien objet du litige, la surface, le montant et les conditions de location des biens proposés sont précisés. Par suite, la proposition de rectification adressée à la société était suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

11. L'administration fiscale n'étant pas tenue de poursuivre avec les associés d'une société de personnes une procédure contradictoire de redressement du revenu global distincte de la procédure d'imposition régulièrement engagée à l'égard de la société, l'absence de réponse aux observations d'un associé ne vicie pas la procédure d'imposition. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la réponse du 24 octobre 2013 de l'administration aux observations de M. B... est, par suite, inopérant.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

12. Les sociétés de personnes énumérées à l'article 8 du code général des impôts, destinataires d'une proposition de rectification qui n'ont pas refusé les rectifications dans le délai de trente jours, doivent être regardées comme les ayant tacitement acceptés. L'abstention d'une société de personnes n'ayant pas opté pour le régime d'imposition de l'impôt sur les sociétés à contester les rectifications qui lui ont été notifiées, comporte directement certains effets pour les associés tels que l'inversion de la charge de prouver le mal fondé des rectifications proposées auxquelles la société a tacitement acquiescé. Dans ce cas, l'administration est en droit d'en tirer toutes les conséquences pour les associés sans avoir à en discuter le bien-fondé avec chacun d'eux.

13. Comme il a été dit précédemment, et eu égard aux modalités d'imposition des résultats des sociétés de personnes, la SCI Hibiscus, n'ayant pas retiré le pli contenant la proposition de rectification que l'administration lui a adressé le 18 juillet 2013 et n'ayant pas contesté les rectifications proposées à cette occasion, doit être regardée comme les ayant tacitement acceptées. Dès lors, la charge de prouver le mal-fondé des impositions mises à la charge de M B..., à raison de sa quote-part dans les résultats de cette société, lui incombe.

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

14. Aux termes du II de l'article 15 du code général des impôts : " II. Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu ". Il en résulte que la mise à disposition d'un tiers, à titre précaire et gratuit, de logements, n'a pas pour effet de priver son propriétaire de la jouissance de ces logements. Les sociétés de personnes non transparentes n'ayant pas opté à l'impôt sur les sociétés et ne relevant pas des bénéfices industriels et commerciaux, qui mettent gratuitement à la disposition de leurs associés ou de tiers des logements dont elles sont propriétaires sont considérées comme se réservant la jouissance de ces logements.

15. Pour rectifier les impositions dues par M. B... au titre des années litigieuses, l'administration, à l'issue du contrôle de la SCI Hibiscus, a estimé que la location consentie par la SCI d'une surface résiduelle de 80 m2 de la maison d'habitation d'une surface totale de 200 m2, à un tiers, avec lequel M. B... était personnellement lié, pour un loyer largement inférieur au prix du marché, n'était pas de nature à exclure une gestion privative de ce bien par la SCI, regardée comme se réservant la jouissance de ce logement, mis à la disposition gratuite de son associé. L'administration en a conclu, qu'en application des dispositions du II de l'article 15 du code général des impôts qui exclut de l'impôt sur le revenu les revenus des logements dont les propriétaires se réserve la jouissance, les charges afférentes à ce logement n'étaient pas déductibles et empêchait, par voie de conséquence, l'associé de la SCI d'imputer les déficits fonciers en résultant sur le montant de son revenu global imposable. M. B..., qui supporte la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions litigieuses, se borne à soutenir que la présomption de réserve de jouissance de l'immeuble par la SCI Hibiscus fondant les rectifications litigieuses serait dépourvue de fondement légal, sans toutefois, établir que la location partielle de cette maison était suffisante pour en exclure une gestion privative par la SCI. L'administration fiscale fait en outre valoir, sans être contestée, que, de fait, M. B... occupait ce logement qui constituait sa résidence principale et co-habitait avec la locataire, l'adresse du domicile qu'il avait déclaré aux services fiscaux correspondant à un cabinet médical occupé à titre professionnel par une SCI dont il était, par ailleurs, le gérant. Par suite, M. B... n'apporte pas la preuve qui lui incombe du caractère exagéré des rectifications litigieuses mises à sa charge au titre des années 2010 et 2011 correspondant à la remise en cause de l'imputation des déficits fonciers à raison de sa quote-part dans les résultats de la SCI.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

16. Les cas visés par la doctrine administrative référencée BOI-RFPI-CHAMP-20-20-20130225 invoquée par l'appelant au titre de la garantie prévue par les dispositions de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales ne sont pas limitatifs et ne donnent pas une interprétation différente de la loi fiscale appliquée ci-dessus. Au soutien de sa contestation du bien-fondé des rectifications litigieuses, le requérant n'est pas fondé à alléguer que l'administration fiscale aurait méconnu sa propre doctrine.

17. Contrairement à ce que soutient l'appelant, et ainsi qu'il a été dit précédemment, l'administration fiscale n'a pas fondé les rectifications sur le caractère anormal du montant du loyer consenti par la SCI en se prévalant de sa doctrine référencée BOI-RFPI-BASE-10-1020140214. Le moyen manque donc en fait.

Sur les pénalités :

18. En raison de ce qui précède et en l'absence de toute argumentation spécifique dirigée contre les majorations dont les rectifications litigieuses ont été assorties, les conclusions de M. B... tendant à la décharge des pénalités ne peuvent qu'être rejetées.

19. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas , dans la présente instance, la partie perdante, verse une quelconque somme à M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.

Délibéré après l'audience du 26 février 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidenteassesseure,

Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique le 19 mars 2019.

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N° 18LY00545

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