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12/03/2019 | FRANCE | N°17LY00983

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 12 mars 2019, 17LY00983


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) de condamner le centre hospitalier de Valence à lui verser une indemnité de 150 000 euros en réparation des préjudices ayant résulté des agissements fautifs de harcèlement moral dont elle aurait été victime dans l'exercice de ses fonctions ;

2°) de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1401486 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté

cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2017, MmeC......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) de condamner le centre hospitalier de Valence à lui verser une indemnité de 150 000 euros en réparation des préjudices ayant résulté des agissements fautifs de harcèlement moral dont elle aurait été victime dans l'exercice de ses fonctions ;

2°) de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1401486 du 30 décembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 6 mars 2017, MmeC..., représentée par Me D..., de la SELARL d'avocats Jean-Michel et SophieD..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 décembre 2016 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Valence à lui verser une indemnité de 150 000 euros ;

3°) de mettre à charge du centre hospitalier de Valence une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a été victime d'agissement répétés constitutifs de harcèlement moral, qui ont détérioré son état de santé ;

- à défaut, l'inaction de la direction du centre hospitalier face à la dégradation de ses conditions de travail et de ses relations avec les autres praticiens hospitaliers du service anatomopathologie constitue un manquement eu égard à l'obligation qui était la sienne d'assurer la sécurité et de protéger la santé de ses agents ;

- elle est fondée à solliciter la réparation de son préjudice moral à hauteur de 50 000 euros ;

- elle a subi un préjudice financier consécutif à son placement en congé de longue maladie qui sera couvert par une indemnité d'un montant de 100 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2017, le centre hospitalier de Valence, représenté par Me E..., de la SELARL Vital-Durand et Associés, avocat, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires hospitaliers, à l'intégration et à certaines modalités de mise à disposition ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant le centre hospitalier de Valence ;

Considérant ce qui suit :

1. MmeC..., praticien hospitalier titulaire, exerçait ses fonctions depuis 1984 au centre hospitalier de Valence. En 1990, elle a été nommée chef du service d'anatomo-pathologie jusqu'au 6 octobre 2009, date à laquelle le directeur du centre hospitalier a décidé de la démettre de ces fonctions. A compter du 16 décembre 2009, elle a été placée et maintenue en congés de longue maladie pour dépression sévère. Elle a adressé au centre hospitalier une demande indemnitaire préalable le 19 septembre 2013, laquelle a été rejetée le 12 mai 2014 par le directeur de l'établissement. Mme C...relève appel du jugement n° 1401486 du 30 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier de Valence soit condamné à lui verser une indemnité de 150 000 euros en réparation des préjudices moral et financier que lui aurait causé le harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, dans sa rédaction applicable à la date des faits : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...). Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public. ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

3. Mme C...allègue avoir subi des agissements constitutifs de harcèlement moral mais n'expose devant la cour aucun fait précis dont elle aurait été victime en dehors de la décision du directeur du centre hospitalier du 6 octobre 2009 de la démettre de ses fonctions de chef du service d'anatomopathologie. Cette décision, si elle est intervenue brutalement et n'a pas été sans conséquences sur l'état de santé de l'intéressée, est isolée et n'a pas, au vu des motifs pour lesquels elle a été prise, à savoir les difficultés relationnelles et de pilotage du service rencontrées par Mme C...dans l'exercice de ses fonctions, qu'elle ne conteste d'ailleurs pas, excédé le cadre normal du pouvoir d'organisation du service. Si elle soutient par ailleurs qu'en dépit de ses nombreuses alertes devant le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), son employeur s'est abstenu d'agir en vue d'améliorer l'état des locaux dévolus au service qu'elle dirigeait, notamment en sécurisant un escalier dangereux, cette inertie, à la supposer même établie, ne révèle pas, en l'espèce, une volonté de sa hiérarchie de la harceler mais se rattache à l'organisation du service. Dès lors, les éléments dont fait état Mme C...ne permettent pas de présumer l'existence à son encontre d'agissements constitutifs de harcèlement moral.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 4111-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 4111-4, les dispositions de la présente partie sont applicables aux employeurs de droit privé ainsi qu'aux travailleurs. / Elles sont également applicables : (...) 3° Aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière. ". Aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 9 janvier 1986, dans sa rédaction applicable à la date des faits : " Les dispositions du présent titre s'appliquent aux personnes qui, régies par les dispositions du titre premier du statut général, ont été nommées dans un emploi permanent à temps complet ou à temps non complet dont la quotité de travail est au moins égale au mi-temps, et titularisées dans un grade de la hiérarchie des établissements ci-après énumérés : 1° Etablissements publics de santé ; (...). ". Enfin, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. / Les dispositions tendant à imposer des obligations aux employeurs quant à la santé et la sécurité au travail s'appliquent à la fonction publique hospitalière. ".

5. Mme C...se prévaut de ce que le centre hospitalier de Valence aurait manqué à ses obligations résultant des dispositions précitées et invoque à ce titre l'exiguïté et l'état des locaux dans lesquels a été installé en 2007 le service d'anatomopathologie, et en particulier la dangerosité de l'escalier de communication entre les bureaux et le laboratoire, les alertes qu'elle a lancées lors de plusieurs séances du CHSCT entre le 17 juin 2008 et le 11 juin 2009 et sa propre chute dans l'escalier en juin 2009. Elle invoque également le manque récurrent de personnel à compter de juin 2009, les dysfonctionnements au sein du service, l'absence de mise en place d'une médiation, le fait qu'elle n'a pas été convoquée en vue du recueil de ses observations avant d'être démise de ses fonctions, la charge de travail et le fait que la direction ne se serait jamais alertée de son état de santé. Elle soutient que l'ensemble de ces éléments l'ont conduite à l'épuisement professionnel et à une profonde dépression. Toutefois, la plupart des circonstances ainsi invoquées ne peuvent être regardées comme des manquements aux obligations de l'employeur de garantir la sécurité et la santé des agents. En outre, à supposer même que le centre hospitalier aurait fait preuve de négligence, notamment pour sécuriser l'escalier mentionné ci-dessus, ce manquement est, en tout état de cause, dépourvu de lien avec les préjudices moral et financier invoqués par MmeC..., dont elle soutient qu'ils sont consécutifs à la décision du 6 octobre 2009 de la démettre de ses fonctions et à son " congé longue maladie ".

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Valence, qui n'est pas partie perdante, la somme que demande Mme C...au titre des frais non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...C...et au centre hospitalier de Valence.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 12 février 2019 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,

Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 mars 2019.

2

N° 17LY00983


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00983
Date de la décision : 12/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : JEAN-MICHEL ET SOPHIE DETROYAT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-03-12;17ly00983 ?
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