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28/02/2019 | FRANCE | N°18LY04259

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 28 février 2019, 18LY04259


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ain, du 2 octobre 2018, l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, désignant le Kosovo comme le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français durant un an ainsi que la décision du 4 octobre 2018 du même préfet l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1807267 - n° 1807299 du 10 octobre 2018, le magistrat désigné par le pré

sident du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du préfet de l'Ain, du 2 octobre 2018, l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, désignant le Kosovo comme le pays à destination duquel il serait reconduit d'office et lui interdisant le retour sur le territoire français durant un an ainsi que la décision du 4 octobre 2018 du même préfet l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1807267 - n° 1807299 du 10 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2018, M. A..., représenté par Me Frery, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 octobre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier :

- dès lors que le magistrat délégué a omis de statuer sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte présenté à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision du 2 octobre 2018 en tant qu'elle l'oblige à quitter sans délai le territoire ;

- les décisions du 2 octobre 2018 :

- sont entachées du vice d'incompétence, dès lors que, d'une part, il n'est pas établi par le préfet qu'elles ont été signées par M. Beuzelin dans le cadre de sa permanence, d'autre part, la délégation de signature consentie par le préfet ne vise pas expressément les décisions fixant le pays de destination, l'interdiction de retour sur le territoire français et l'assignation à résidence ;

- elles méconnaissent également l'article L.212-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il est impossible de connaitre l'identité de l'agent ayant procédé à leur notification ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- est viciée en raison du défaut de remise d'un récépissé à la suite du dépôt de sa demande d'admission au séjour prévu à l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont la remise aurait fait obstacle à l'obligation de quitter le territoire;

- est illégale dès lors qu'aucune décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour en date du 13 juin 2018 n'était née ;

- est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle dès lors que, d'une part, le préfet ne vise ni la promesse d'embauche, ni la demande d'autorisation de travail déposée par la société " Zen Renov " qu'il a produite à l'appui de sa demande de titre de séjour en qualité de salarié et, d'autre part, il s'est mépris sur l'âge de ses enfants dont deux sont jeunes majeurs et l'un s'apprête à débuter sa carrière professionnelle en France et il a omis de mentionner que sa mère et de nombreux membres de sa famille proches vivent en France en situation régulière ;

- méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;

- méconnaît l'article 3-1 de convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision portant absence de délai de départ volontaire :

- est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ; - méconnait le II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de motivation ;

- méconnait également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination :

- est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- est illégale par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- méconnait également l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français :

- est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;

- est en outre entachée d'erreur manifeste d'appréciation, la mesure étant disproportionnée ; elle méconnait également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'assignation à résidence :

- est insuffisamment motivée ;

- est entachée d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance de l'article L.561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- est illégale à raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire ;

- présente un caractère disproportionné et méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.

Vu la décision du 14 novembre 2018, par laquelle M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

M. A... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Souteyrand, président-assesseur,

* et les observations de Me Pinhel, avocate de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant du Kosovo, né le 25 décembre 1969, qui est entré irrégulièrement en France, selon ses dires le 15 décembre 2014, avec son épouse et leurs deux enfants et dont la demande d'asile a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), a fait l'objet, le 9 juin 2016, d'un arrêté du préfet du Rhône portant refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire. A la suite d'un contrôle de police, le préfet de l'Ain, par décisions du 2 octobre 2018, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour pour une durée d'un an et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office. Par une décision du 4 octobre 2018, le préfet de l'Ain a pris une nouvelle mesure d'assignation à résidence. M. A... relève appel du jugement du 10 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Pour écarter le moyen, tiré par M.A..., de l'incompétence de M. Beuzelin, signataire des décisions en litige, le tribunal a notamment considéré qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier qu'il aurait signé au cours d'une période de permanence les décisions fixant le pays de destination, portant interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence. La circonstance que le premier juge n'a pas écarté ce moyen tiré de l'incompétence du signataire en tant qu'il était également soulevé à l'encontre de la décision obligeant l'intéressé à quitter le territoire sans délai, en raison d'une simple erreur de plume, ne suffit pas à établir une omission à statuer, alors qu'à l'exception de la décision assignant M. A...à résidence, toutes les décisions en litige ont été prises le même jour par le même arrêté. Par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier.

Sur la légalité des décisions :

3. En premier lieu, les décisions contestées ont été signées par M. Beuzelin, secrétaire général de la préfecture, titulaire d'une délégation de signature en vertu de l'article 1er de l'arrêté du préfet de l'Ain du 15 juin 2018, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, à l'effet de signer, d'une part, dans le cadre de ses missions de secrétaire général de la préfecture de l'Ain, toute décision concernant les étrangers et, d'autre part, pendant ses périodes de permanences, toutes mesures d'éloignement. Les quatre décisions en litiges étant toutes des mesures qui, à différents stades, permettent l'éloignement d'un étranger en situation irrégulière en France, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut qu'être écarté.

4. En second lieu, le fait que l'identité de l'agent ayant procédé à la notification des décisions contestées ne soit pas indiquée, à le supposer établi, est sans incidence sur la légalité des décisions elles-mêmes. Par suite, le moyen, tiré du vice de procédure en ce que les courriers de notification méconnaissent l'article L.212-1 du code des relations entre le public et l'administration, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire :

5. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...)/ 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ;(...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ". Aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'administration sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. " L'article R. 311-12-1 du même code ajoute que : " La décision implicite mentionnée à l'article R. 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois. ".

6. Le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative fasse obligation de quitter le territoire français à un étranger qui se trouve dans l'un des cas mentionnés aux I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ne saurait davantage y faire obstacle la circonstance qu'un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour a été délivré à l'intéressé pendant la durée d'instruction de cette demande de titre de séjour. Il ne saurait en aller autrement que lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à l'intéressé, cette circonstance faisant alors obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une mesure l'obligeant à quitter le territoire français.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, le préfet du Rhône a rejeté, par une décision du 9 juin 2016, la demande de titre de séjour présentée par M. A.... Ainsi, à la date de la décision en litige du 4 octobre 2018, il était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français. Dès lors, le préfet de l'Ain, dont il ressort de l'arrêté en litige qu'il a rappelé que M. A... avait fait l'objet d'un refus de délivrance de titre de séjour, le 9 juin 2016, a pu légalement fonder sa décision portant obligation de quitter le territoire français sur les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'il vise, en dépit de la circonstance que l'autorité préfectorale, bien qu'elle n'en ait pas délivré un récépissé, avait été régulièrement saisie le 13juin 2018 par l'intéressé d'une nouvelle demande d'admission au séjour.

8. En deuxième lieu, si le requérant fait valoir qu'il remplissait les conditions pour se voir délivrer une carte de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de salarié, sur le fondement desquelles il avait saisi le préfet, ainsi qu'il a été dit, d'une demande dont le préfet ne conteste pas le caractère complet, cette circonstance ne faisait pas obstacle à son éloignement dès lors que ces dispositions ne prescrivent pas l'attribution de plein droit d'un titre de séjour. Par suite, en s'abstenant de répondre, expressément ou implicitement, à la nouvelle demande de titre de séjour de M.A..., et sans lui en délivrer un récépissé, avant de l'obliger, par la décision en litige, à quitter le territoire, le préfet de l'Ain n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit et ne s'est pas livré à un défaut d'examen particulier de sa situation.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est entré en France en décembre 2014 à l'âge de quarante-cinq ans. Il a fait l'objet le 9 juin 2016, à la suite du rejet de sa demande d'asile, d'une décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français qu'il n'a pas exécutée. Malgré la promesse d'embauche dont il se prévaut, le requérant ne justifie pas d'une insertion sociale ou professionnelle particulière. Par ailleurs, si M. A... fait état de la présence en France de son épouse, de ses deux enfants majeurs âgés de 18 et 19 ans et de son dernier enfant âgé de quelques mois ainsi que de plusieurs autres membres de sa famille, il ressort des pièces du dossier que son épouse a fait l'objet de deux refus de titre de séjour les 27 mai et 27 septembre 2016, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal de Lyon du 9 mai 2018 et que celle-ci se maintient irrégulièrement sur le territoire français. Au regard de ces décisions, qui font également mention de l'état de santé du fils ainé du requérant, il n'est pas établi que la cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en dehors du territoire national. Ainsi, eu égard aux conditions de son séjour en France, le préfet de l'Ain n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis. Par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes raisons, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences que cette mesure d'éloignement est susceptible de comporter pour la situation personnelle de M.A....

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

12. Compte tenu de la possibilité pour la cellule familiale de se reconstituer en dehors du territoire français, la décision contestée ne porte pas atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant mineur du requérant, âgé de quelques mois.

En ce qui concerne la légalité de la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire:

13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit que M. A...ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision contestée.

14. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / (...) f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; ".

15. La décision contestée mentionne les éléments de droit et de fait qui la fondent et est par suite suffisamment motivée. Le préfet de l'Ain a fondé sa décision sur le d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. Il est constant que M. A...n'a pas exécuté la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre le 9 juin 2016. Il entrait par suite dans le champ d'application des dispositions précitées. Dès lors, le préfet de l'Ain n'a pas méconnu les dispositions du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les motifs retenus pour les écarter en tant qu'ils étaient soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit que M. A...ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision contestée.

18. En deuxième lieu, la décision en litige vise les textes sur lesquels elle se fonde, fait référence à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, rappelle que le requérant a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile à son arrivée sur le territoire français et indique que ce dernier n'est pas exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine. Elle est, par suite, suffisamment motivée au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Eu égard notamment à cette motivation, la décision contestée ne peut être regardée comme ayant été prise sans examen de la situation personnelle de l'intéressé.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

20. M. A...fait valoir qu'il existe un risque avéré de traitement inhumain et dégradant en cas de retour dans son pays d'origine et que, pour cette raison, il n'a pu assister aux obsèques de son père il y a quelques mois. Cependant, le requérant ne produit aucune pièce de nature à établir la réalité des risques auxquels il serait actuellement et personnellement exposé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français :

21. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A...ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision contestée.

22. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

23. Il ressort de ces dispositions que l'autorité compétente, en l'absence de circonstance humanitaire, doit, pour fixer la durée de l'interdiction de retour qu'elle entend prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit, d'une part, comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs et, d'autre part, attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger et de faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet.

24. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit, M. A...est entré en France en décembre 2014 à l'âge de quarante-cinq ans. Il n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre en juin 2016 et s'est maintenu volontairement en situation irrégulière. Il ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle particulière. Si M. A...entend se prévaloir de la présence régulière sur les territoires français, allemand et suisse de plusieurs membres de sa famille, cette seule circonstance n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français dont la durée n'a été fixée qu'à une année sur les trois encourus. Dans ces conditions, le préfet de l'Ain n'a pas entaché sa décision d'erreur d'appréciation.

25. En troisième lieu, pour les motifs évoqués précédemment s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français, la décision contestée ne méconnait pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cellule familiale pouvant se reconstituer dans le pays d'origine et la famille proche pouvant lui rendre visite dans ce même pays.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence du 4 octobre 2018 :

26. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter sans délai le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision d'assignation à résidence contestée.

27. En deuxième lieu, la décision contestée vise l'article L.561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'obligation de quitter le territoire prononcée à l'encontre de M. A...sur lesquels elle se fonde et indique les raisons pour lesquelles le requérant est assigné à résidence. Elle est par suite suffisamment motivée au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

28. En troisième lieu, aux termes de l'article L.561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers : " Les étrangers assignés à résidence sur le fondement des articles L. 552-4 et L. 561-2 se voient remettre une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour. ".

29. Il résulte des dispositions précitées, combinées à celles de l'article R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la remise du formulaire relatif aux droits et obligations des étrangers assignés à résidence doit s'effectuer au moment de la notification de la décision d'assignation à résidence ou, au plus tard, lors de la première présentation de l'étranger aux services de police ou de gendarmerie. Elle constitue ainsi une formalité postérieure à l'édiction de la décision d'assignation à résidence dont les éventuelles irrégularités sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de cette décision.

30. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ".

31. Il ressort des pièces du dossier que le requérant se maintient en situation irrégulière sur le territoire français et qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter sans délai le territoire français. Il n'a par ailleurs pas exécuté la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre en 2016 et a déclaré ne pas avoir l'intention de se rendre dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision contestée d'assignation à résidence n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation et ne méconnaît pas les principes de nécessité et de proportionnalité prévus par les textes susmentionnés.

32. En cinquième et dernier lieu, la décision contestée ne porte, par elle-même, aucune atteinte au droit du requérant à mener une vie privée et familiale normale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

33. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président de chambre,

M. Souteyrand, président assesseur,

Mme C...première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 février 2019.

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N° 18LY04259


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04259
Date de la décision : 28/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Eric SOUTEYRAND
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : FRERY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-28;18ly04259 ?
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