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07/02/2019 | FRANCE | N°18LY03816

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 07 février 2019, 18LY03816


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 mai 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1804124 du 21 septembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2018, M.

C..., représenté par Me Coutaz, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 31 mai 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1804124 du 21 septembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de M. C....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2018, M. C..., représenté par Me Coutaz, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 21 septembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 mai 2018 du préfet de la Haute-Savoie ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le même délai d'un mois, en lui délivrant, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, à compter de la notification du même arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'État au profit de son conseil la somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... soutient que :

la décision lui refusant un titre de séjour :

- est intervenue selon une procédure irrégulière, en violation de l'article R 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, faute pour le préfet de la Haute-Savoie d'établir que le médecin conseil de l'agence régionale de santé ayant établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'OFII qui a émis l'avis sur lequel il s'est fondé pour lui refuser le titre de séjour ;

- est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il appartenait au préfet, au vu des éléments dont il disposait, de mettre en oeuvre son pouvoir de régularisation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

- méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Souteyrand, président-assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant du Kosovo, né le 12 novembre 1991, dont la demande d'asile en date du 7 septembre 2010 a été définitivement rejetée le 13 décembre 2011 par la Commission nationale du droit d'asile, s'est maintenu en France nonobstant l'obligation de quitter le territoire prise le 16 janvier 2012 à son encontre par le préfet de la Haute-Savoie. Il a ensuite bénéficié, en qualité d'étranger malade, d'autorisations provisoires de séjour, puis d'un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", délivré le 16 mai 2014 en application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui lui a été renouvelé jusqu'au 11 mai 2017. M. C...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mai 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour sollicité le 10 mai 2017, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour:

En ce qui concerne le refus de renouvellement du titre de séjour en qualité d'étranger malade :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...). ".

S'agissant de la légalité externe :

3. Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le médecin de l'agence régionale de santé Rhône-Alpes qui a établi, en dernier lieu le 31 mai 2016, le rapport médical prévu à l'article R. 313-22 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était l'un des trois membres du collège médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ayant siégé à la séance du 26 janvier 2018, à l'issue de laquelle a été rendu, sur la base de ce rapport et en application de l'article R. 313-23 du même code, l'avis concernant la situation médicale de M. C.... Par suite, le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

S'agissant de la légalité interne :

5. En premier lieu, si, dans la décision en litige, le préfet de la Haute-Savoie a cité l'avis susmentionné en date du 26 janvier 2018 du collège médical de l'OFII, il ne s'est toutefois pas estimé lié par celui-ci en opposant, selon sa propre appréciation, à M. C...qu'il ne remplit pas les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le moyen tiré de ce qu'en méconnaissant sa propre compétence, le préfet de la Haute-Savoie a entaché sa décision d'une erreur de droit doit être écarté en tant qu'il manque en fait.

6. En second lieu, pour remettre en cause l'avis précité du collège des médecins de l'OFII, selon lequel son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, M. C..., qui, à raison d'une tumeur maligne de la tyroïde, a fait l'objet d'une thyroïdectomie totale en 2012 et 2013 et est, depuis lors, sous prescription de Levothyrox avec un contrôle biannuel, soutient que le traitement et le suivi que nécessite son état de santé sont insuffisamment disponibles au Kosovo, même à Pristina sa capitale, et que leur coût fait obstacle à ce qu'il puisse en bénéficier. Toutefois, M. C..., par les études dont il se prévaut et qu'il produit, d'une part, ne combat pas utilement le constat selon lequel la molécule de Levothyrox apparaît sur la liste des médicaments disponibles au Kosovo, d'autre part, n'établit pas que sa maladie ne serait pas prise, en tout ou en partie, en charge par le système public d'assurance maladie de ce pays. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Savoie aurait entaché d'erreur d'appréciation sa décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne le pouvoir de régularisation du préfet :

7. En premier lieu, M. C...n'ayant pas présenté au préfet de la Haute-Savoie une demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et ledit préfet n'ayant pas examiné sa demande sur ces fondements, le moyen, tiré de ce qu'en ne se prononçant pas sur ces dispositions celui-ci a méconnu son pouvoir de régularisation, doit être écarté en tant qu'il est inopérant.

8. En second lieu, si M. C...établit être entré en 2011 en France, il n'y réside de façon régulière que depuis 2013, sous couvert d'un titre de séjour temporaire en qualité d'étranger malade. En outre, il ne vivait en concubinage que depuis un an, à la date de la décision en litige, avec une ressortissante française. Au surplus, si le père de M. C...est décédé au Kosovo, celui-ci n'établit pas être démuni d'attaches dans son pays où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans. Eu égard à ces circonstances, par l'arrêté contesté, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas porté au droit de M. C...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue duquel il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. Il y a également lieu, pour les mêmes motifs, d'écarter le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus d'admission au séjour sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité (...) ". Ainsi qu'il a été dit au point 6 du présent jugement, M. C... peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

10. En second lieu, eu égard à ce qui a été dit au point 9, il y a lieu d'écarter, pour les mêmes motifs, les moyens tirés par M. C... de ce qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Haute-Savoie a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Souteyrand, président-assesseur,

MmeB..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 février 2019.

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N° 18LY03816


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY03816
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Eric SOUTEYRAND
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-07;18ly03816 ?
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