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04/12/2018 | FRANCE | N°18LY00742

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2018, 18LY00742


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 2 mai 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi qu'une décision implicite rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour.

Par un jugement n° 1705168 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devan

t la cour

Par une requête, enregistrée le 26 février 2018, Mme D..., représentée par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 2 mai 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi qu'une décision implicite rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour.

Par un jugement n° 1705168 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 26 février 2018, Mme D..., représentée par Me Hassid, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 novembre 2017 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 2 mai 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de produire l'entier dossier de l'appelante ;

4°) en cas d'annulation de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour pour illégalité interne, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) en cas d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de séjour pour illégalité externe, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer immédiatement après notification de l'arrêt à intervenir, une admission provisoire au séjour jusqu'à nouvelle instruction de sa demande, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

6°) à titre subsidiaire, d'annuler la décision limitant le délai de départ volontaire à trente jours ;

7°) à titre infiniment subsidiaire, en cas d'annulation de la décision fixant le pays de destination, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une assignation à résidence, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

8°) dans tous les cas de mettre à la charge de l'Etat le versement, au profit de son conseil, une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour lui de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Mme D... soutient que :

En ce qui concerne la décision du 2 mai 2017 portant refus de séjour :

- la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été réunie en méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnait les articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 7 et 9 de la charte des droits fondamentaux de l'Union-européenne, l'article 23 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'alinéa 10 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ainsi que l'article L. 313-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnait en outre le principe de l'unité de famille ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de son incidence sur sa situation personnelle ;

- elle méconnait l'article 3, 1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus d'admission au séjour ;

- elle méconnait les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, 1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que le principe de l'unité de famille ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de son incidence sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus d'admission au séjour et obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision implicite de rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour :

- le moyen d'ordre public soulevé d'office à tort en première instance tiré de l'irrecevabilité pour défaut d'objet des conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, faute de preuve de la date de réception, par la préfecture, de la demande de titre de séjour formulée sur ce fondement doit être écarté ;

- la décision est entachée d'un défaut de motivation, sa demande de communication des motifs du 26 décembre étant demeurée sans réponse ;

- elle est entachée d'erreur de droit en l'absence d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée à cet égard d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :

- elle méconnait les articles L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 3,1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il expose que Mme D... ne produit pas de documents susceptibles de remettre en cause le jugement attaqué et s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Mme C... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 janvier 2018.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution du 4 octobre 1958 et notamment son préambule, l'ensemble du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 et le protocole de New-York du 31 janvier 1967 ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques, ouvert à la signature à New-York le 19 décembre 1966 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- et les observations de Mme D..., présente à l'audience, en l'absence de son avocat ;

Considérant ce qui suit :

1. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 12 août 2014, puis la Cour nationale du droit d'asile, le 7 décembre 2015, Mme C... D..., née le 17 mai 1980 à Bakou, se disant de nationalité azerbaïdjanaise, entrée irrégulièrement sur le territoire français à la date déclarée du 6 mai 2013, a sollicité la délivrance d'une carte de résident en application des dispositions du 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en qualité de membre de famille de réfugié, ainsi que la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code. Par décisions du 2 mai 2017, le préfet du Rhône a rejeté sa demande et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi. Mme D... a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Lyon de même que la décision de rejet implicite de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour qu'elle soutient avoir présenté le 26 juillet 2016 par remise en main propre d'un courrier de son conseil auprès des services de la préfecture. Elle relève appel du jugement du 7 novembre 2017 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la requérante ;

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".

4. Il ressort des pièces produites en appel par Mme D..., que ses enfants mineurs, B..., née en France le 1er mai 2014 et Guiorgui, également né en France le 3 janvier 2016, ont, à la demande M. E... leur père, titulaire du statut de réfugié depuis le 7 octobre 2010 et détenteur d'une carte de résident valable jusqu'au 6 octobre 2020, obtenu le statut de réfugié bénéficiaire de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et sont désormais placés sous la protection juridique et administrative de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 28 septembre 2018. Les enfants de l'appelante sont titulaires d'un certificat administratif délivré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides valable un an à compter du 9 octobre 2018. Ayant obtenu le statut de réfugié, les enfants de Mme D... ont vocation à demeurer en France tout comme son concubin. S'il ressort des termes de la décision litigieuse qu'en l'absence de régularité de son séjour sur le territoire français, Mme D... n'a pas été autorisée à séjourner au titre de la réunification familiale, et qu'elle ne justifie ni de moyens d'existence, ni d'une insertion dans la société française, compte tenu des circonstances précitées relatives au statut de réfugié dont bénéficie les membres de la cellule familiale, en refusant de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et en l'obligeant à quitter le territoire français aux fins d'obtenir le bénéfice de la réunification familiale, le préfet du Rhône a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3, 1° de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Cette décision doit, par suite, être annulée, de même que, par voie de conséquence, la décision obligeant Mme D... à quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

5. Il y a lieu, eu égard aux motifs de l'annulation prononcée par le présent arrêt, d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer à Mme D... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

6. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Hassid, avocat de Mme D..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Hassid renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DECIDE :

Article 1er : Les décisions du 2 mai 2017, par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de délivrer à Mme C... D... un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement sont annulées, de même que le jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 novembre 2017.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme D...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt.

Article 3 : Il est mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Hassid au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me Hassid renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D..., au préfet du Rhône, au ministre de l'intérieur et à Me Hassid. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 4 décembre 2018.

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N° 18LY00742

ld


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Procédure - Introduction de l'instance - Liaison de l'instance - Décision administrative préalable.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : HASSID

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 04/12/2018
Date de l'import : 11/12/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18LY00742
Numéro NOR : CETATEXT000037770540 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-04;18ly00742 ?
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