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20/11/2018 | FRANCE | N°17LY00938

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 20 novembre 2018, 17LY00938


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Savoie Conseil a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge pour les exercices clos en 2008, 2009 et 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er juillet 2007 au 30 juin 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1405980 du 5 janvier 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa dem

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Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 mars 2017, la société...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Savoie Conseil a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge pour les exercices clos en 2008, 2009 et 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période allant du 1er juillet 2007 au 30 juin 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1405980 du 5 janvier 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 mars 2017, la société Savoie Conseil, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 5 janvier 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Savoie Conseil soutient que :

- le non paiement des créances provisionnées était probable à la clôture des exercices concernés, compte tenu de l'ancienneté des créances et de l'insolvabilité des débiteurs et cela est suffisant dans la mesure où la preuve du caractère totalement irrécouvrable de la créance n'est pas nécessaire ;

- n'ayant effectué aucune prestation d'hébergement ou de restauration au profit des autres cabinets d'expertise comptable ayant participé aux séminaires, les remboursements des avances qu'elle avait effectuées pour le paiement desdits séminaires ne constituent pas des prestations de service assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée ; au demeurant, le taux applicable serait de 7 % ;

- ayant régularisé sa situation dès qu'elle s'est rendu compte de l'insuffisance de déclaration, aucune minoration de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée ne peut lui être reprochée ;

- sa volonté délibérée de minorer ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée n'est pas établie par le seul fait qu'elle exerce une activité d'expertise comptable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- la société requérante n'a pu justifier d'aucune diligence particulière exercée en vue de recouvrer ses créances et la mauvaise situation financière des clients ne pouvant dispenser d'exercer de telle diligence et suffire à établir le caractère douteux des créances ; les provisions maintenues par le service sont celles pour lesquelles il n'a pu être démontré aucune relance effectuée ;

- la société requérante n'a pas agi en vertu d'un mandat préalable et explicite et a enregistré les refacturations dans des comptes de produits et non dans des comptes de passage ; les factures correspondantes mentionnent en outre la taxe sur la valeur ajoutée ;

- l'administration a pris en compte la régularisation de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée et a prononcé un dégrèvement pour en tenir compte le 17 septembre 2012 ;

- eu égard à son activité, elle ne pouvait ignorer les règles d'exigibilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée et la circonstance qu'elle a partiellement régularisé sa situation au cours de la période suivante n'est pas de nature à ôter leur caractère délibéré aux manquements constatés ; pour la même raison, elle ne pouvait ignorer les règles de déductibilité des provisions ; les pénalités pour manquement délibéré sont donc justifiées.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Savoie Conseil, qui exerce une activité d'expertise comptable, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008, 2009 et 2010, à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, assorties de pénalités. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Sur l'impôt sur les sociétés :

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable pour la détermination de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant... notamment : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables, eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise.

3. Il résulte de l'instruction que la société Savoie Conseil a inscrit, à la clôture des exercices en litige, des provisions correspondant à des créances détenues sur ses clients, dont le caractère justifié d'un certain nombre d'entre elles a été remis en cause par l'administration. L'administration a maintenu la remise en cause de neuf d'entre elles à l'issue de la procédure contradictoire et de la saisine de la commission départementale des impôts et taxes sur le chiffre d'affaires. La société Savoie Conseil a produit, pour trois des clients dont les dettes ont donné lieu aux provisions restant en litige, des attestations de ces différents débiteurs, selon lesquelles ils ont été actionnés par la société Savoie Conseil en vue du paiement des sommes en litige mais n'ont pu les payer en raison de difficultés financières rencontrées, et les bilans et comptes de résultats de ces clients pour les exercices clos en 2008 et 2009, confirmant ces difficultés financières. Elle fait également valoir l'ancienneté des créances qui n'ont jamais été recouvrées par la suite. Si la seule circonstance que la société Savoie Conseil ait, en sa qualité d'expert-comptable, connaissance de la mauvaise situation financière de ses clients dont elle tient la comptabilité ne suffit pas, en l'absence d'élément suffisamment précis de nature à étayer cette situation, à établir le caractère douteux de ses créances, elle doit être regardée en l'espèce, eu égard aux éléments produits, comme établissant, pour la société Avenir immobilier, la société HFSC et la société ACSIS, le caractère probable de la perte correspondant à l'absence de recouvrement des créances qu'elle détenait sur ces clients, à hauteur de 3 304,50 euros pour l'exercice 2008 et 10 051,16 euros pour l'exercice 2009. En revanche, la société Savoie Conseil n'ayant produit aucun élément précis pour les sociétés ACSIS et HFSC s'agissant de l'année 2010, elle ne peut être regardée comme établissant le caractère probable de la perte au titre de l'exercice clos en 2010. Il en va de même s'agissant de la société ABC International Groupe, pour laquelle la seule circonstance qu'elle se trouve en Roumanie et n'a plus bénéficié de prestations de la requérante depuis 2007 ne saurait être regardée comme un élément suffisant pour établir le caractère probable du non recouvrement de la créance, et de la société Chédeau, pour laquelle la seule attestation de la gérante ne peut davantage être regardée comme suffisante. La société Savoie Conseil est ainsi seulement fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause le caractère déductible des provisions en cause pour un montant de 3 304,50 euros en 2008 et 10 051,16 euros en 2009 et à demander la décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de ces deux exercices à raison de la prise en compte des deux sommes précitées dans ses bases imposables.

Sur la taxe sur la valeur ajoutée :

4. A l'appui de ses conclusions dirigées contre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés, la société Savoie Conseil soulève le même moyen que celui déjà soulevé devant le tribunal administratif et tiré de ce que les remboursements de frais de séminaires avancés pour le compte d'autres cabinets d'expertise comptable constituaient des remboursements de débours n'entrant pas dans sa base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée. Il résulte de l'instruction que ce moyen doit être écarté par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges et qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

5. En se bornant à faire valoir qu'elle a " régularisé un montant de 33 173 euros " sur la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée déposée au titre du mois d'octobre 2009, la société Savoie Conseil n'assortit pas son moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Au demeurant, il résulte de l'instruction, d'une part, que si la déclaration CA3 déposée pour le mois d'octobre 2009 comporte le montant indiqué par la requérante, elle ne se présente pas comme une déclaration rectificative et, d'autre part, que l'excédent de déclaration qu'elle comporte, dont la requérante ne précise pas le montant, n'a pas compensé la minoration de taxe sur la valeur ajoutée que lui a reprochée l'administration pour les exercices 2008 et 2009.

Sur les pénalités :

6. Pour infliger à la requérante des pénalités sur le fondement du a de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a relevé l'importance de l'insuffisance de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre des exercices 2008 et 2009 et le fait qu'eu égard à l'activité d'expertise comptable de la société, celle-ci ne pouvait ignorer ni les règles d'exigibilité en matière de taxe sur la valeur ajoutée, ni les règles de déductibilité des provisions. Ce faisant, elle a suffisamment établi le caractère délibéré des manquements. L'excédent de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée au mois d'octobre 2009 mentionné ci-dessus au paragraphe 5. n'est pas de nature à ôter aux manquements constatés leur caractère délibéré au sens du a de l'article 1729 du code général des impôts.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Savoie Conseil est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble ne l'a pas déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie et des pénalités correspondantes à raison de la réduction de ses bases d'imposition à concurrence de 3 304,50 euros pour l'exercice clos en 2008 et de 10 051,16 euros pour l'exercice clos en 2009.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Savoie Conseil dans l'instance et non compris dans les dépens, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la société Savoie Conseil sont réduites à concurrence de 3 304,50 euros pour l'exercice clos en 2008 et de 10 051,16 euros pour l'exercice clos en 2009.

Article 2 : La société Savoie Conseil est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2008 et 2009 en conséquence de la réduction de ses bases d'imposition prononcée à l'article 1er ci-dessus, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la société Savoie Conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Savoie Conseil est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Savoie Conseil et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 20 novembre 2018.

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N° 17LY00938

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CABINET DURAFFOURD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 20/11/2018
Date de l'import : 27/11/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17LY00938
Numéro NOR : CETATEXT000037640620 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-20;17ly00938 ?
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