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11/10/2018 | FRANCE | N°18LY01362

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 11 octobre 2018, 18LY01362


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Loire a rejeté sa demande de titre de séjour.

Par une ordonnance n° 1800829 du 9 février 2018, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2018, Mme A..., représentée par Me Vray, avocate, demandé à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance n° 18008

29 du président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Lyon du 9 février 2018 ;

2°) d'annuler p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la Loire a rejeté sa demande de titre de séjour.

Par une ordonnance n° 1800829 du 9 février 2018, le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 avril 2018, Mme A..., représentée par Me Vray, avocate, demandé à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance n° 1800829 du président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Lyon du 9 février 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour et, dans un délai d'un mois, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme A... soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable pour l'application de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, au motif qu'elle était tardive ; l'ordonnance attaquée méconnaît le droit au recours protégé par les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision implicite est entachée d'un défaut de motivation, à défaut de réponse, dans le délai d'un mois prévu par l'article L. 211-6 du code des relations entre le public et l'administration, à la demande de motivation formulée le 20 octobre 2017 ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 14 septembre 2018, le préfet de la Loire fait valoir qu'il a informé le 21 juin 2018 Mme A... de sa décision de lui délivrer un titre de séjour valable pour une durée d'un an en l'invitant à se rendre en préfecture pour qu'il lui soit remis.

Par un mémoire, enregistré le 14 septembre 2018, Mme A... déclare maintenir sa requête et demande de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le courrier du préfet de la Loire l'informant de sa décision de lui délivrer un titre de séjour ne lui a pas été envoyé à l'adresse figurant sur la demande de titre de séjour qu'elle avait déposée et qu'en l'état, aucun récépissé d'autorisation provisoire de séjour ne lui a été délivré.

Par une décision du 15 mai 2018, du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) la demande de Mme A... tendant à être admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Souteyrand, président assesseur,

- les observations de Me Paquet, avocate, substituant Me Vray, pour Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante guinéenne née le 28 juillet 1989, est entrée en France le 13 août 2009 avec sa mère et ses frères et soeurs et a obtenu la délivrance d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ", valable du 20 octobre 2009 au 19 octobre 2010. Le 27 avril 2012, une décision de refus a été opposée à sa demande de renouvellement de titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination. La demande d'annulation de ces décisions a été rejetée par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 septembre 2012 puis par un arrêt de la cour du 18 avril 2013. Elle a ensuite présenté, le 15 juillet 2015, une demande de titre de séjour, sur le fondement des articles L. 313-11-7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de la Loire a implicitement rejetée. Par une lettre du 20 octobre 2017, elle a demandé au préfet de la Loire, sur le fondement de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, de lui communiquer les motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour. Elle relève appel de l'ordonnance par laquelle le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception ". Le premier alinéa de l'article L. 112-6 du même code précise que " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation ", et, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

3. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que Mme A... a déposé, le 15 juillet 2015, sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande de titre de séjour dont il n'a pas été accusé de réception dans les conditions prévues par les dispositions citées au point 2. En application de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision implicite de rejet de sa demande est née quatre mois plus tard, le 15 novembre 2015. La circonstance, relevée par le premier juge, que Mme A... a mentionné, dans sa lettre du 20 octobre 2017 tendant à la communication de motifs, une décision implicite de rejet née, selon elle, le 1er novembre 2015, ne permet pas d'établir que l'intéressée avait eu connaissance de la décision implicite de rejet avant cette lettre du 20 octobre 2017. Mme A... a ensuite saisi le tribunal administratif de Lyon de conclusions tendant à l'annulation de cette décision le 8 février 2018. Dès lors, la demande d'annulation de la décision implicite de rejet du 15 novembre 2015 n'a pas été présentée au-delà d'un délai raisonnable. Dans ces conditions, Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que cette demande a été rejetée comme irrecevable en raison de sa tardiveté. Par suite, l'ordonnance du 9 février 2018 du président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Lyon doit être annulée.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur la légalité de la décision implicite de refus de titre de séjour :

5. Aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ". En l'absence de communication des motifs dans le délai d'un mois la décision implicite se trouve entachée d'illégalité.

6. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que Mme A... a présenté, par une lettre du 20 octobre 2017 adressée au préfet de la Loire, une demande de communication des motifs de la décision implicite de rejet de sa demande de délivrance d'une carte de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Une telle décision est au nombre de celles devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Le préfet de la Loire n'ayant pas communiqué, dans le délai d'un mois prévu par la disposition susvisée, les motifs de cette décision implicite de rejet est entachée d'une illégalité.

7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que Mme A... est fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite du préfet de la Loire rejetant sa demande de titre de séjour.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". L'article L. 911-3 de ce code dispose que : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

9. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement qu'il soit procédé à un nouvel examen de la situation de Mme A.... Il y a lieu d'accorder pour ce faire un délai d'un mois au préfet de la Loire. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme demandée par Mme A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1800829 du président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Lyon du 9 février 2018 et la décision implicite par laquelle le préfet de la Loire a rejeté la demande de titre de séjour de Mme A... sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire de procéder au réexamen de la situation de Mme A... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de Mme A... et les conclusions de Me Vray sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Fischer-Hirtz, présidente de chambre,

M. Souteyrand, président assesseur,

Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2018

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N° 18LY01362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01362
Date de la décision : 11/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme FISCHER-HIRTZ
Rapporteur ?: M. Eric SOUTEYRAND
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : VRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-11;18ly01362 ?
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