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03/07/2018 | FRANCE | N°17LY03114

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 03 juillet 2018, 17LY03114


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A...a demandé au président du tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 30 mai 2017 par lesquelles le préfet de la Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1704288 du 12 juin 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande comme irrecevable.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée

le 10 août 2017, Mme A..., représentée par Me Mboto Y'Ekoko Ngoy, demande à la cour :

1°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A...a demandé au président du tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 30 mai 2017 par lesquelles le préfet de la Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1704288 du 12 juin 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande comme irrecevable.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 10 août 2017, Mme A..., représentée par Me Mboto Y'Ekoko Ngoy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 12 juin 2017 ;

2°) d'annuler ces décisions pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire d'enregistrer sa demande d'admission à l'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant du jugement :

- il méconnaît les dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 14 du code de procédure civile, l'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et les articles 41 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en l'absence de convocation personnelle à l'audience ;

- sa demande était recevable dès lors qu'aucun délai de recours n'avait commencé à courir, les voies et délais de recours ne lui ayant pas été notifiés dans une langue qu'elle comprend, en violation de l'article 26.2.3 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

S'agissant de la décision portant transfert aux autorités italiennes :

- elle n'a pas été informée de son droit au recours au juge faute d'indication des voies et délais de recours dans une langue qu'elle comprend, en violation des articles 4.1, 26 et 61 du règlement (UE) n° 604/2013 et de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 3-2 du règlement (UE) n° 604/2013, du fait des défaillances systémiques affectant l'Italie ;

- elle ne comporte pas les éléments de preuves, indices et éléments indicatifs mentionnés au paragraphe 3 de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

S'agissant de la décision l'assignant à résidence :

- elle porte une atteinte disproportionnée à sa liberté d'aller et venir, en lui interdisant de quitter le département de la Loire ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958, prohibant la détention arbitraire.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juillet 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu le rapport de Mme Menasseyre, rapporteure, au cours de l'audience publique ;

1. Mme A..., ressortissante de la République du Nigéria, où elle est née le 31 mars 1993, est entrée irrégulièrement en France en provenance d'Italie, à la date déclarée du 7 novembre 2016. Elle a demandé son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile auprès des services de la préfecture du Rhône. Par des arrêtés du 30 mai 2017, le préfet de la Loire a décidé de transférer l'intéressée aux autorités italiennes, responsables, selon lui, de l'examen de sa demande d'asile et de l'assigner à résidence. Mme A... a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Lyon, qui a rejeté sa demande comme irrecevable, par un jugement du magistrat désigné par le président de cette juridiction en date du 12 juin 2017, dont elle fait appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 777-3 du code de justice administrative : " Sont présentés, instruits et jugés selon les dispositions des articles L. 742-4 à L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les recours en annulation formés contre les décisions de transfert mentionnées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, le cas échéant, contre les décisions d'assignation à résidence prises en application de l'article L. 561-2 de ce code au titre de ces décisions de transfert. ". Aux termes du II de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif à la procédure contentieuse applicable aux décisions de transfert mentionnées à l'article L. 742-3 du même code : " Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans le délai prévus au III de l'article L. 512-1. (...) ". Aux termes du III de ce dernier article : " (...) L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. (...) ".

3. Il résulte des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsqu'il est fait application de cette procédure, par dérogation à l'article R. 431-1 du code de justice administrative, les dispositions spéciales de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent une convocation personnelle à l'audience du requérant, même assisté d'un avocat, dans les litiges relatifs aux arrêtés de transfert portés devant les tribunaux administratifs. Dès lors, l'étranger doit, même s'il est assisté d'un avocat, être personnellement convoqué à l'audience devant le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne.

4. Le jugement attaqué mentionne que les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 12 juin 2017 mais ne se sont pas présentées. Cette mention, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, est toutefois contredite par les pièces du dossier de première instance, qui ne comportent pas copie de la convocation de Mme A... à cette audience. Le dossier de première instance ne comporte aucune autre pièce établissant l'existence d'une convocation écrite ou orale à l'audience. Ainsi, Mme A... doit être regardée comme n'ayant pas été personnellement convoquée à l'audience devant le tribunal administratif, en méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle est, par suite, fondée à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon.

6. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. / Cette décision est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. ". Aux termes du II de l'article L. 742-4 du même code : " II. - Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert ou lorsque celle-ci est notifiée alors que l'étranger fait déjà l'objet d'une telle décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans le délai prévus au III de l'article L. 512-1. (...) ". Aux termes du II de l'article R. 777-3-1 du code de justice administrative : " II. - Conformément aux dispositions du II de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification simultanée d'une décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence et d'une décision de transfert fait courir un délai de quarante-huit heures pour contester la décision de transfert et, le cas échéant, celle d'assignation à résidence. ". Aux termes de l'article R. 777-3-2 du même code : " Les délais de recours contentieux mentionnés à l'article R. 777-3-1 ne sont susceptibles d'aucune prorogation. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 de ce code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les décisions de transfert et d'assignation à résidence ont été respectivement notifiées par voie administrative à Mme A... le 30 mai 2017 à 10 h 27 et 10 h 30. Cette notification comportait l'indication des voies et délais de recours prévus au II de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier qu'elle a été faite en présence d'un accompagnant interprète en langue anglaise, langue comprise par l'intéressée, dans le respect des dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013, et ce même si la seule signature de l'interprète apparaît sur le document attestant de la notification de la décision de transfert alors que le document attestant de la notification de la décision d'assignation à résidence mentionne pour sa part son nom. Par suite, le délai de recours contentieux de quarante-huit heures applicable, qui avait commencé à courir le 30 mai 2017 à 10 h 30 et n'avait pas été prorogé par la demande d'aide juridictionnelle déposée le 1er juin 2017, était expiré lorsque, le 9 juin 2017, Mme A... a saisi le président du tribunal administratif de Lyon d'une demande d'annulation de ces décisions. En conséquence, la demande était tardive et par suite irrecevable.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour la durée de son instruction doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et celles de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, quelque somme que ce soit au profit de Me Mboto Y'Ekoko Ngoy, avocat de Mme A..., au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1704288 du 12 juin 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif et le surplus de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire et au procureur de la République près le tribunal de grande instance territorialement compétent.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Menasseyre, présidente assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

MmeC..., première conseillère,

MmeD..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 3 juillet 2018.

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N° 17LY03114

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. Règles de procédure contentieuse spéciales.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MBOTO Y'EKOKO NGOY

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 03/07/2018
Date de l'import : 17/07/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17LY03114
Numéro NOR : CETATEXT000037174139 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-07-03;17ly03114 ?
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