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14/06/2018 | FRANCE | N°18LY00186

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 14 juin 2018, 18LY00186


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B..., représentée par la société d'avocats SELARL BS2A Bescou et Sabatier, a demandé le 1er septembre 2007 au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions du 25 août 2017 par lesquelles le préfet de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vi

e privée et familiale ", ou à tout le moins de réexaminer sa situation, dans le délai d'un m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...B..., représentée par la société d'avocats SELARL BS2A Bescou et Sabatier, a demandé le 1er septembre 2007 au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler les décisions du 25 août 2017 par lesquelles le préfet de la Loire a refusé de l'admettre au séjour, a assorti ce refus de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", ou à tout le moins de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour la société d'avocats SELARL BS2A Bescou et Sabatier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat.

Par un jugement n° 1706587 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 janvier 2018, MmeB..., représentée par la société d'avocats SELARL BS2A Bescou et Sabatier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 décembre 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", ou à tout le moins de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que :

- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen sérieux et personnalisé ;

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle méconnaît les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne le délai de 30 jours :

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus d'admission au séjour et portant obligation de quitter le territoire français.

Par mémoire du 11 avril 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête en indiquant se rapporter à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique du 26 avril 2018 :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme A...B..., ressortissante algérienne née le 4 février 1993 à Ecylly (Rhône), est entrée en France le 14 janvier 2014 sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'elle a sollicité en avril 2014 la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des 5) et 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ou d'un certificat " salariée " ; que, par des décisions du 6 octobre 2016, le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai ; que le tribunal administratif de Lyon, par jugement du 13 mars 2017, a annulé ces décisions au motif que ces décisions étaient entachées d'erreurs de fait et a enjoint au préfet de la Loire de réexaminer la situation de l'intéressée ; qu'en exécution de ce jugement, le préfet de la Loire, par des décisions du 25 août 2017, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office ; que Mme B...interjette appel du jugement du 16 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande à fin d'annulation desdites décisions préfectorales ;

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions :

2. Considérant que, comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, il ressort des termes mêmes des décisions en litige que le préfet de la Loire a procédé à un examen personnalisé et complet de la situation personnelle et familiale de la requérante avant de refuser de lui attribuer un certificat de résidence, de lui faire obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de fixer le pays de renvoi ; que le moyen tiré de ce que le préfet ne se serait pas livré à un examen particulier de sa situation ne peut qu'être écarté ;

Sur les moyens propres à la décision portant refus de certificat de résidence :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1986 susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

4. Considérant que Mme B...fait valoir qu'elle a rejoint sa mère en France en 2014 à l'âge de 21 ans et qu'elle réside avec elle ainsi qu'avec son beau-père et trois de ses demi-frères et soeurs ; qu'elle fait état de la présence en France de sept demi-frères et demi-soeurs nés de différentes unions de sa mère et ayant pour la majorité d'entre eux la nationalité française ; qu'elle fait également valoir que son père, lequel ne l'a reconnue que le 5 août 2016 alors qu'elle était majeure, vit en Allemagne avec trois autres demi-frères et demi-soeurs ; qu'elle indique n'avoir plus d'autre lien en Algérie que sa grand-mère, désormais âgée et aveugle, qui l'a élevée et avec laquelle elle a vécu jusqu'à son départ pour la France ; que, toutefois, en se bornant à alléguer, sans apporter aucun élément probant, que sa mère, qui l'a confiée à sa grand-mère vivant en Algérie, lui aurait rendu régulièrement des visites durant son enfance et son adolescence, elle n'établit pas qu'elle aurait entretenu, malgré l'éloignement géographique, des liens particuliers avec sa mère et avec les membres de sa famille résidant en France et dont elle a été séparée pendant de nombreuses années ; que si elle se prévaut de ses liens avec ses demi-frères et demi-soeurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait vécu avant 2014 avec certains d'entre eux; que la circonstance selon laquelle son père et trois demi-frères et soeurs demeureraient en Allemagne ne saurait caractériser en tant que telle l'existence d'attaches privées et familiales particulières en France; qu'elle n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales et sociales en Algérie, pays où elle a grandi, notamment auprès de sa grand-mère ;; que, par ailleurs, la circonstance qu'elle est née en France et qu'elle y résidait depuis trois années et demi à la date de l'arrêté contesté ne suffit pas, par elle-même, à établir qu'elle y aurait désormais ancré durablement sa vie privée et familiale ; qu'enfin, si elle fait valoir sa volonté d'insertion et se prévaut notamment de ses inscriptions en première année de licence de langues appliquées au titre des années universitaires 2016-2017 et 2017-2018 à l'université Jean Monnet de Saint-Etienne, elle ne produit cependant aucun relevé de notes susceptible de démontrer qu'elle s'est engagée avec succès dans ce cycle de formation ; que les cours de français et d'informatique suivis en 2015 et 2016, une inscription en auditeur libre dans une formation en sciences humaines et sociales suivie durant l'année universitaire 2015-2016 à l'université de Saint-Etienne, et quelques actions de bénévolat auprès d'associations ne suffisent pas davantage à caractériser une insertion sociale particulière en France ; que, dans de telles circonstances, eu égard en particulier au caractère récent de son entrée en France , aux conditions de son séjour, et à ses attaches conservées avec l'Algérie, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ainsi que de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent dès lors être écartés;;

5. Considérant, en deuxième lieu, que l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir ; que cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 ; que, cependant, bien que cet accord ne prévoie pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;

6. Considérant qu'en l'espèce, pour les motifs qui ont été exposés au point 4, le préfet de la Loire n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée en refusant de l'admettre au séjour dans le cadre de son pouvoir de régularisation ;

Sur les moyens propres à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour que la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ;

8. Considérant, en second lieu, qu'en l'absence d'argumentation ou de précision supplémentaire relative spécifiquement à la décision portant obligation de quitter le territoire français, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux qui ont été indiqués aux points 4 et 6 ;

Sur le moyen propre à la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours :

9. Considérant qu'en se bornant à soutenir, sans autre précision, que ce délai est trop court pour lui permettre de préparer sereinement son départ, qu'elle n'a pas terminé son cycle d'études et aura des difficultés à se loger en Algérie, la requérante n'établit pas qu'un tel délai serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur le moyen propre à la décision fixant le pays de destination :

10. Considérant qu'il résulte de l'examen de la légalité de la décision portant refus de certificat de résidence et de l'obligation de quitter le territoire que la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ces décisions à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Carrier, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 juin 2018.

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N° 18LY00186


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00186
Date de la décision : 14/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 17/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-06-14;18ly00186 ?
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