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22/05/2018 | FRANCE | N°16LY04475

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 22 mai 2018, 16LY04475


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Foncière Deluc, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des retenues à la source prélevées sur les dividendes qu'elle a versés au titre des années 2007, 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes.

Par les articles 1er et 2 d'un jugement du 31 octobre 2016, le tribunal administratif de Grenoble l'a partiellement déchargée des retenues à la source au titre des années 2007, 2008 et 2009, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par l'article 3 de ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Foncière Deluc, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des retenues à la source prélevées sur les dividendes qu'elle a versés au titre des années 2007, 2008 et 2009 et des pénalités correspondantes.

Par les articles 1er et 2 d'un jugement du 31 octobre 2016, le tribunal administratif de Grenoble l'a partiellement déchargée des retenues à la source au titre des années 2007, 2008 et 2009, et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par l'article 3 de ce jugement, il a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 29 décembre 2016 et le 6 février 2018, la SAS Foncière Deluc, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les dividendes qu'elle a versés à la société Mercury Investissement Holding, société suisse détenant au moins 10 % du capital de la société française ne sont, par application du i) du 2 de l'article 11 de la convention fiscale franco-suisse, pas assujettis à la retenue à la source française ;

- elle n'était, dès lors, tenue à aucune obligation déclarative ;

- aucun texte ne conditionne le bénéfice de l'exonération de retenue à la source prévue par la convention Franco Suisse à une condition formelle de dépôt d'un imprimé 5 000 préalablement à la distribution ;

- il appartient à tout le moins à l'administration de rapporter la preuve de ce que la société holding suisse serait détenue par des capitaux étrangers ;

- l'exigence qui lui est imposée de rapporter une preuve négative porte atteinte à la liberté de circulation des capitaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention fiscale entre la France et la Suisse signée le 9 septembre 1966 ;

- l'échange de lettres signées à Paris le 5 décembre 2006 et à Berne le 13 décembre 2006 entre les autorités compétentes française et suisse ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente assesseure ;

- et les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SAS Foncière Deluc, qui a pour activité l'acquisition et l'administration de participations pour son compte et le compte de tiers, l'administration a constaté que cette société avait versé, en 2007, 2008 et 2009, des dividendes à ses associés : sa société mère, la société suisse SA Mercury Investissement Holding, domiciliée..., domicilié.... L'administration a mis à la charge de la SAS Foncière Deluc une retenue à la source au taux de 25 %, en application du 2. de l'article 119 bis du code général des impôts, au titre des dividendes ainsi distribués. Elle a en effet estimé que ces distributions entraient dans le champ du ii) du b) du 2 de l'article 11 de la convention fiscale signée le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse et ne pouvaient, en conséquence, bénéficier de l'exonération de retenue à la source prévue au i) du b) du 2 de ce même article. La SAS Foncière Deluc a porté le litige devant le tribunal administratif de Grenoble qui n'a que partiellement fait droit à sa demande en ramenant le taux de la retenue à 15 %. Elle relève partiellement appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 octobre 2016 en tant qu'il a rejeté sa demande.

2. Le 2 de l'article 119 bis du code général des impôts soumet à une retenue à la source les revenus distribués par des personnes morales françaises à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France. Selon l'article 78 de l'annexe II au code général des impôts, l'établissement payeur est tenu de prélever cette retenue à la source sous réserve des dispositions des conventions internationales. Les dispositions du i) du b) du 2 de l'article 11 de la convention fiscale signée le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse prévoient, sous certaines conditions, d'exonérer de cette retenue à la source la distribution de revenus à une société qui est un résident de l'autre État contractant et qui est le bénéficiaire effectif des dividendes. Toutefois, le ii) de ce même b) prévoit que cette exonération ne s'applique pas " si le bénéficiaire effectif des dividendes est une société qui est un résident d'un Etat contractant, dans laquelle une ou des personnes qui ne sont pas des résidents de cet Etat ou d'un Etat membre de l'Union européenne, ont un intérêt prépondérant direct ou indirect sous forme d'une participation ou d'une autre manière et si ni la société qui paie les dividendes ni la société qui les reçoit n'a son capital représenté par des actions cotées en bourse sur un marché réglementé (...) ". Enfin, par un échange de lettres signées à Paris le 5 décembre 2006 et à Berne le 13 décembre 2006, les autorités compétentes françaises et suisses ont entendu assouplir ce dispositif anti-abus en admettant qu'une société suisse détenant une participation supérieure à 25 % dans une société française puisse bénéficier d'une exonération de retenue à la source sur les dividendes qu'elle perçoit de la société française, même si des personnes qui ne sont résidentes ni de Suisse ni d'un Etat membre de l'Union européenne ont un intérêt prépondérant, direct ou indirect, sous forme d'une participation ou d'une autre manière, dans la société suisse à condition, notamment, de démontrer que la chaîne de participations n'a pas comme objet principal ou comme un de ses objets principaux de tirer avantage de cette exonération.

3. En premier lieu, il ressort des termes même du i) du b) du 2 de l'article 11 de cette convention que seuls les dividendes versés à une société peuvent bénéficier de l'exonération ainsi prévue. Par suite, les dividendes versés à M. D... B..., personne physique domiciliée..., ne sont pas susceptibles de bénéficier de cette exonération. Il en résulte que la SAS Foncière Deluc n'est pas fondée à soutenir que les stipulations de l'article 11 de la convention fiscale signée le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse faisaient obstacle à ce qu'une retenue à la source soit prélevée sur les dividendes versés à M. B..., détenteur de 0,01 % de son capital.

4. En deuxième lieu, si les dispositions du II de l'article 381 A de l'annexe III au code général des impôts prévoient que chaque versement de retenue à la source prélevée par un établissement payeur est accompagné du dépôt d'une déclaration établie sur une formule délivrée par l'administration, ces dispositions n'ont pas pour effet d'imposer à un établissement qui n'est pas astreint - notamment lorsqu'il bénéficie d'une exonération prévue par une convention internationale - de verser une retenue à la source, de souscrire une telle déclaration. Il en résulte que l'administration n'est pas fondée à soutenir qu'à défaut pour la société Foncière Deluc d'avoir déposé une déclaration n° 2777, les dividendes distribués à la société Mercury Investissement Holding doivent être assujettis à une retenue à la source. Par ailleurs, aucune disposition ne subordonne le bénéfice de l'exonération en cause au dépôt, par le bénéficiaire des dividendes, des formulaires Cerfa n° 5000 et 5001.

5. En troisième lieu, il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par l'administration que la société de droit suisse Mercury Investissement Holding, qui détient 99,99 % du capital de la société appelante, est le bénéficiaire effectif des dividendes versés par cette dernière. Dès lors, le versement de dividendes par la SAS Foncière Deluc à la société Mercury Investissement Holding entre dans les prévisions du i) du b) du 2 de l'article 11 de la convention fiscale franco-suisse les exonérant de retenue à la source.

6. Si en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention. Au cas d'espèce, la SAS Foncière Deluc ne saurait être regardée comme étant seule en mesure de détenir les éléments relatifs au contrôle direct ou indirect de sa société mère par des personnes étrangères à la Suisse ou à l'Union Européenne. Il serait loisible à l'administration fiscale, en interrogeant les autorités suisses, de démontrer, si tel était le cas, que des personnes résidant dans des pays tiers auraient un intérêt prépondérant dans la société Mercury Investissement Holding. Il incombe, dès lors à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que les stipulations du ii) du b) du 2 de l'article 11 de la convention fiscale franco-suisse doivent trouver à s'appliquer en l'espèce, pour faire obstacle à l'application des stipulations du i) du même b). Or, il ne résulte d'aucune des pièces du dossier et il n'est pas même allégué qu'une ou des personnes qui ne sont pas des résidents suisses ou d'un Etat membre de l'Union européenne auraient un intérêt prépondérant direct ou indirect sous forme d'une participation ou d'une autre manière dans la SA Mercury Investissement Holding. Dès lors que les stipulations du ii) du b) du 2 de l'article 11 de la convention fiscale franco-suisse ne font obstacle au bénéfice de l'exonération que dans cette hypothèse, il ne résulte pas de l'instruction que ces stipulations soient applicables en l'espèce.

7. Enfin, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la clause anti abus faisant obstacle à l'application de l'exonération prévue par la convention franco-suisse trouverait à s'appliquer en l'espèce, l'assouplissement décidé par l'échange de lettres mentionné au point 2 ne saurait, à plus forte raison, trouver à s'appliquer. Il en résulte que l'administration n'est pas fondée à soutenir que le bénéfice de l'exonération de retenue à la source des bénéfices distribués par la SAS Foncière Deluc à sa société mère serait subordonné à la condition qu'elle établisse que la chaîne de participations, dont l'existence n'est même pas démontrée en l'espèce, n'aurait pas comme objet principal ou l'un de ses objets principaux de tirer avantage de cette exonération.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la SAS Foncière Deluc est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a considéré que les dividendes qu'elle versait à sa société mère étaient passibles d'une retenue à la source dont elle était redevable. Par suite, et dans cette mesure, la société appelante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le surplus de sa demande en décharge.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La SAS Foncière Deluc est déchargée de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie au titre des dividendes distribués en 2007, 2008 et 2009, à sa société mère, la société de droit suisse Mercury Investissement Holding, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Article 2 : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 31 octobre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS Foncière Deluc la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la SAS Foncière Deluc est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Foncière Deluc et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2018, à laquelle siégeaient :

Mme Menasseyre, présidente assesseure, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

Mme A..., première conseillère,

MmeE..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 22 mai 2018.

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N° 16LY04475

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY04475
Date de la décision : 22/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-01-05 Contributions et taxes. Généralités. Textes fiscaux. Conventions internationales.


Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CABINET DURAFFOURD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-22;16ly04475 ?
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