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15/05/2018 | FRANCE | N°17LY04062

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 mai 2018, 17LY04062


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 22 août 2017 par lesquelles le préfet de la Loire a ordonné son transfert vers l'Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence jusqu'au 15 octobre 2017.

Par un jugement n° 1706370 du 6 septembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2017, p

résentée pour M. A... E..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1706370 du m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 22 août 2017 par lesquelles le préfet de la Loire a ordonné son transfert vers l'Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence jusqu'au 15 octobre 2017.

Par un jugement n° 1706370 du 6 septembre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2017, présentée pour M. A... E..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1706370 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 6 septembre 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de sa demande d'asile dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car il est intervenu en méconnaissance des droits de la défense garantis par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il n'a pas été entendu en personne lors de l'audience et qu'il était assigné à résidence dans le département de la Loire ;

- le signataire des décisions en litige était incompétent ;

- l'obligation d'information prévue par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 n'a pas été respectée ;

- contrairement aux dispositions de l'article 5.6 du règlement(UE) n° 604/2013, il n'a pas reçu de copie du compte-rendu de l'entretien préalable dont il a fait l'objet ;

- la décision de transfert est insuffisamment motivée ;

- il n'est pas établi que le préfet a saisi les autorités italiennes dans le délai de trois mois prévu par l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- la décision de transfert est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles 3 et 17 règlement (UE) n° 604/2013 et des stipulations des articles 3.1 de la convention internationales relative aux droits de l'enfant et 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors que le préfet n'a pas pris en compte la présence de son fils mineur en France ;

- eu égard à la présence en France de son fils mineur, la décision de transfert méconnaît les dispositions de l'article 16-1 du règlement du 26 juin 2013, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- lors de la notification de l'arrêté, il n'a pas bénéficié de l'assistance d'un interprète ;

- compte tenu de ce qui a été dit précédemment, il est fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant transfert vers l'Italie à l'encontre de la décision d'assignation à résidence en litige ;

- il n'a pas été en mesure de présenter ses observations avant la décision d'assignation à résidence ;

- la décision d'assignation à résidence est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation s'agissant du lieu de pointage qui lui est imposé ; la décision revêt un caractère disproportionné eu égard à l'atteinte portée à la liberté d'aller et venir.

Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2018, le préfet de la Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Un mémoire, enregistré le 20 avril 2018, a été présenté pour M. A... E... mais non communiqué.

M. A... E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 novembre 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E..., de nationalité angolaise, né le 19 avril 1985 à Cazenga (Angola), entré en France le 25 novembre 2016, a déposé une demande d'asile à la préfecture du Rhône le 6 janvier 2017. Le système Visabio a révélé qu'il avait bénéficié d'un visa de type C délivré par les autorités italiennes, valable du 24 octobre au 27 novembre 2016. Les autorités italiennes, saisies d'une demande de prise en charge le 16 février 2017, ont donné leur accord tacite le 16 avril 2017. Le 22 août 2017, le préfet de la Loire a ordonné son transfert en Italie et, par un arrêté du même jour, l'a assigné à résidence. M. A... E... fait appel du jugement du 6 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions préfectorales.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 777-3 du code de justice administrative : " Sont présentés, instruits et jugés selon les dispositions des articles L. 742-4 à L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les recours en annulation formés contre les décisions de transfert mentionnées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, le cas échéant, contre les décisions d'assignation à résidence prises en application de l'article L. 561-2 de ce code au titre de ces décisions de transfert. ". Aux termes du II de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à la procédure contentieuse applicable aux décisions de transfert mentionnées à l'article L. 742-3 du même code : " Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans le délai prévus au III de l'article L. 512-1. (...) ". Aux termes du III de ce dernier article : " (...) L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public, en présence de l'intéressé, sauf si celui-ci, dûment convoqué, ne se présente pas. L'étranger est assisté de son conseil s'il en a un. (...) ".

3. Il résulte des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsqu'il est fait application de cette procédure, par dérogation à l'article R. 431-1 du code de justice administrative, les dispositions spéciales de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent une convocation personnelle à l'audience du requérant, même assisté d'un avocat, dans les litiges relatifs aux arrêtés de transfert portés devant les tribunaux administratif . Dès lors, l'étranger doit, même s'il est assisté d'un avocat, être personnellement convoqué à l'audience devant le président du tribunal administratif ou le magistrat qu'il désigne.

4. Le jugement attaqué mentionne que les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience. Cette mention, qui fait foi jusqu'à preuve contraire, est toutefois contredite par les pièces du dossier de première instance, qui ne comportent pas copie de la convocation de M. A... E... à cette audience, et le dossier de première instance ne comporte aucune autre pièce établissant l'existence d'une convocation écrite ou orale à l'audience. Ainsi, M. A... E... doit être regardé comme n'ayant pas été personnellement convoqué à l'audience devant le tribunal administratif, en méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est, par suite, fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif par M. A... E....

6. M. B... C..., signataire des décisions en litige, secrétaire général de la préfecture de la Loire, avait reçu délégation régulière de signature par arrêté préfectoral du 27 mars 2017, antérieurement à l'intervention de ces décisions. Le moyen tiré d'une incompétence de l'auteur de ces décisions doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.

Sur la légalité de la décision de transfert :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

8. La décision de transfert d'un demandeur d'asile en vue de sa prise en charge par un autre État membre doit être suffisamment motivée afin de le mettre à même de critiquer l'application du critère de détermination de l'État responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, elle doit permettre d'identifier le critère de responsabilité retenu par l'autorité administrative parmi ceux énoncés au chapitre III de ce règlement ou, à défaut, au paragraphe 2 de son article 3. En revanche, elle n'a pas nécessairement à faire apparaître explicitement les éléments pris en considération par l'administration pour appliquer l'ordre de priorité établi entre ces critères, en vertu des articles 7 et 3 du même règlement.

9. D'une part, l'arrêté du 22 août 2017 par lequel le préfet de la Loire a décidé le transfert de M. A... E... aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile vise les textes sur lesquels il se fonde. D'autre part, il indique qu'il ressort de l'article 12 paragraphe 4 du règlement que l'examen de la demande d'asile incombe à 1'État membre qui a émis un visa qui a expiré depuis moins de six mois, que 1'examen du dossier de l'intéressé fait apparaître qu'il est entré sur le territoire des États membres muni d'un visa C délivré par l'Italie dont la date de validité débutait le 24 octobre 2016 et expirait le 27 novembre 2016, que l'intéressé a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture du Rhône le 6 janvier 2017 et qu'ainsi, au moment du dépôt de sa demande d'asile, il s'est maintenu sur le territoire français alors que son visa avait expiré depuis moins de deux mois et que, dès lors, l'Italie était responsable du traitement de sa demande d'asile. Ces énonciations de fait permettent de faire apparaître que l'autorité préfectorale a entendu faire application, compte tenu de la hiérarchie des critères de détermination de l'État membre responsable énoncés au chapitre III, des dispositions du paragraphe 4 de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et mettent ainsi l'intéressé à même de comprendre les motifs de la décision pour lui permettre d'exercer utilement son recours. Dès lors, la décision litigieuse est suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La circonstance que la décision ne mentionne pas de preuve formelle, d'indice pertinent ou d'élément indicatif relatif aux critères figurant aux points a) et b) de l'article 22.3 du règlement (UE) n° 604/2013 demeure sans incidence sur la motivation de ladite décision.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ". Aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur(...) est parvenu aux autorités compétentes de l'État membre concerné (...). ".

11. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

12. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: a) le demandeur a pris la fuite; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".

13. Il ressort des pièces produites par le préfet de la Loire en première instance que M. A... E..., qui a bénéficié d'un entretien individuel le 6 janvier 2017, jour de l'enregistrement de sa demande d'asile à la préfecture, a signé le compte-rendu de cet entretien accompagné de son résumé en certifiant qu'il lui a été remis le jour même et il est précisé sur ce document que l'entretien a été réalisé en anglais, " langue comprise par M. A... E... ". Le requérant a, en outre, attesté avoir reçu à la même date le guide du demandeur d'asile, ainsi que les brochures d'information " Les empreintes digitales et Eurodac ", " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' ", qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit " Dublin III " et figurant en annexe au règlement (UE) du 30 janvier 2014, rédigées en langue portugaise, qu'il a déclaré également comprendre. Si M. A... E... soutient qu'il n'a pu bénéficier d'une information pleine et entière sur ses droits et dans une langue qu'il comprend, au moment de l'enregistrement de sa demande d'asile et avant la prise de ses empreintes digitales dès lors qu'il ne parle pas la langue anglaise, cette allégation est contredite par les pièces précitées du dossier. Il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment du résumé de cet entretien, que l'agent de la préfecture ne maîtrisait pas suffisamment la langue anglaise pour qu'une bonne communication s'instaure entre lui et le demandeur hors la présence d'un interprète. Dans ces conditions, à supposer même que les documents d'information prévus à l'article 4 du règlement ne lui auraient été remis qu'à l'issue de l'entretien, et en dépit d'une écriture des brochures en petits caractères, M. A... E... a reçu toutes les informations requises lui permettant de faire valoir ses observations avant que ne soit prise la décision du 22 août 2017 contestée. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire l'aurait empêché de formuler ses observations et de faire valoir des éléments pertinents et essentiels sur sa situation avant que ne soit prise la décision de transfert litigieuse. Dès lors, le préfet de la Loire n'a pas méconnu les articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé.

14. En troisième lieu, si M. A... E... soutient que la décision litigieuse ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'il comprend, en méconnaissance de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013, les conditions de notification d'une décision sont sans incidence sur sa légalité.

15. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A... E... et des conséquences de sa réadmission en Italie au regard des garanties exigées par le respect du droit d'asile, en s'abstenant de tenir compte des difficultés de prise en charge des demandeurs d'asile dans ce pays, qui est confronté à un afflux massif de réfugiés.

16. En cinquième et dernier lieu, M. A... E..., qui est entré en France en novembre 2016, fait état de la présence de son fils mineur en France depuis 2013, lequel est pris en charge par la soeur du requérant, qui réside en région parisienne, et est scolarisé. Toutefois, le requérant n'apporte aucun élément sur la nature des liens qu'il entretient avec son enfant, dont il était séparé depuis au moins trois ans à la date de la décision en litige, et alors qu'il indique lui-même avoir ignoré que son fils se trouvait en France avant son arrivée sur le territoire français. Dans ces conditions, le préfet de la Loire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A... E.... Il n'a pas davantage méconnu les stipulations des articles 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16-1 du règlement (UE) n° 604/2013.

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :

17. En premier lieu, la décision d'assignation à résidence en litige, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée.

18. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit que M. A... E... ne peut exciper, au soutien des conclusions de sa demande dirigées contre la décision d'assignation à résidence, de l'illégalité de la décision de transfert aux autorités italiennes.

19. En dernier lieu, en contestant l'utilité de la mesure d'assignation à résidence, M. A... E... doit être regardé comme en contestant le caractère proportionné. En se bornant, pour ce faire, à affirmer que cette mesure ferait obstacle à ce qu'il se rende en région parisienne pour rendre visite à son fils, il n'établit pas l'erreur d'appréciation dont serait entachée cette mesure, eu égard en particulier à l'absence de lien entre le requérant et son enfant durant plusieurs années avant son entrée en France et alors que le préfet, qui ne dispose que de six mois pour exécuter la décision à compter de l'accord donné par les autorités de l'État membre responsable, ne pouvait pas prendre de mesure moins coercitive. Pour les mêmes motifs, l'arrêté litigieux n'est pas davantage entaché d'une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir.

20. Il résulte de ce qui précède que M. A... E... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du 22 août 2017 par lesquelles le préfet de la Loire a ordonné son transfert aux autorités italiennes et l'assigné à résidence jusqu'au 15 octobre 2017. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles de son avocat tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1706370 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 6 septembre 2017 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A... E... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Saint-Etienne.

Délibéré après l'audience du 26 avril 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 mai 2018.

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N° 17LY04062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY04062
Date de la décision : 15/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : MBOTO Y'EKOKO NGOY

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-05-15;17ly04062 ?
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