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28/11/2017 | FRANCE | N°15LY02801

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 28 novembre 2017, 15LY02801


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 mars 2012 par laquelle la responsable du service des ressources humaines de la direction de la propreté de la communauté urbaine de Lyon a rejeté sa candidature au poste de conducteur de poids-lourds et de faire application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1204943 du 17 juin 2015, le tribunal admi

nistratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 mars 2012 par laquelle la responsable du service des ressources humaines de la direction de la propreté de la communauté urbaine de Lyon a rejeté sa candidature au poste de conducteur de poids-lourds et de faire application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1204943 du 17 juin 2015, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 11 août 2015, M. B... A..., représenté par Me Devers, avocat (SCP Devers Duval Paris), demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 juin 2015 ;

2°) d'annuler la décision du 27 mars 2012 par laquelle la responsable du service des ressources humaines de la direction de la propreté de la communauté urbaine de Lyon a rejeté sa candidature au poste de conducteur de poids-lourds.

Il soutient que :

- la pause méridienne n'entre pas dans le temps de travail et relève de la vie privée de l'agent public, protégée par l'article 9 du code civil et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; aucune sujétion liée à l'obligation de neutralité ne peut dès lors lui être imposée pendant ce temps ;

- les pauses de vingt minutes, si elles sont inclues dans le temps de travail, constituent néanmoins un temps de repos ; la pratique de la prière pendant ces pauses, lorsque les circonstances s'y prêtent, ne contrevient ni à son obligation de neutralité, ni à l'intérêt du service.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2015, la métropole de Lyon, agissant par son président en exercice, représentée par Me Prouvez, avocat (SCP Deygas-Perrachon et associés), conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de première instance était irrecevable ;

- les éléments relatifs aux convictions religieuses du requérant, dont le jury a pris acte, ont été soulevés par l'intéressé lors de l'entretien de recrutement du 17 février 2012 ;

- le moyen tiré de l'atteinte à la vie privée de M. A... se heurte aux restrictions en matière d'expression des croyances religieuses dans le service public ;

- les obligations de service s'appliquent aux temps de pause de vingt minutes en vigueur qui entrent dans le cadre du temps de travail.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 13 octobre 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;

- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, et notamment son article 26 ;

- le décret n° 2001-623 du 12 juillet 2001 pris pour l'application de l'article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller,

- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,

- et les observations de Me Aguettant, avocat (SCP Deygas-Perrachon et associés), pour la Métropole de Lyon ;

1. Considérant que M. A... a été admis au concours externe sur épreuves d'adjoint technique de 1ère classe dans la spécialité "conduite de véhicules" et inscrit sur la liste d'aptitude du centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Drôme ; qu'il relève appel du jugement du 17 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 mars 2012 par laquelle la responsable du service des ressources humaines de la direction de la propreté de la communauté urbaine de Lyon, devenue la métropole de Lyon, a rejeté sa candidature au poste de conducteur de poids-lourds ;

Sur la légalité de la décision du 27 mars 2012 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que l'article 9 du code civil dispose : " Chacun a droit au respect de sa vie privée. " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les horaires de travail des conducteurs de véhicules au sein de la direction de la propreté, qui s'étendent, pour les services de collecte, de 5 h 45 à l'heure d'achèvement du travail (règle du "fini-parti"), et, pour le service de nettoiement, de 12 h 45 à 19 h 30, ne comprennent pas de pause méridienne ; que, dès lors, le requérant ne saurait utilement soutenir que l'imposition de sujétions liées à l'obligation de neutralité pendant le temps de pause méridienne méconnaîtrait son droit au respect de sa vie privée ;

4. Considérant, en second lieu et d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que les pauses de vingt minutes reconnues aux agents dont le temps de travail atteint six heures, incluses dans le temps de travail, se tiennent soit dans la cabine du véhicule, soit sur la voie publique, soit dans un lieu public et que les agents sont alors revêtus de leur tenue de service visible ; que, si elles permettent à l'équipe de prendre un temps de repos, ces pauses, comprises dans le temps de service, constituent des périodes durant lesquelles les agents demeurent à la disposition de la collectivité qui les emploie et ne peuvent, contrairement à ce qui est soutenu, se soustraire aux obligations de tous ordres inhérentes à leur statut;

5. Considérant, d'autre part, que le fait, pour un agent du service public, de manifester dans l'exercice de ses fonctions ses croyances religieuses constitue un manquement à ses obligations ; qu'il suit de là que, contrairement à ce que soutient M. A..., la pratique de la prière lors des pauses de vingt minutes, y compris dans un lieu isolé lorsque les circonstances s'y prêtent, ne peut être regardée comme compatible avec l'obligation de neutralité et de laïcité qui s'impose aux agents publics ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par l'intimé, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A..., le versement à la métropole de Lyon d'une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera une somme de 500 euros à la métropole de Lyon en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la métropole de Lyon.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône / préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

M. Hervé Drouet, président-assesseur,

Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 novembre 2017.

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N° 15LY02801


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